PARIS
Où fait-il bon même au coeur de l’orage
Où fait-il clair même au coeur de la nuit
L’air est alcool et le malheur courage
Carreaux cassés l’espoir encore y luit
Et les chansons montent des murs détruits
Jamais éteint renaissant de la braise
Perpétuel brûlot de la patrie
Du Point-du-Jour jusqu’au Père-Lachaise
Ce doux rosier au mois d’août refleuri
Gens de partout c’est le sang de Paris
Rien n’a l’éclat de Paris dans la poudre
Rien n’est si pur que son front d’insurgé
Rien n’est si fort ni le feu ni la foudre
Que mon Paris défiant les dangers
Rien n’est si beau que ce Paris que j’ai
Rien ne m’a fait jamais battre le coeur
Rien ne m’a fait ainsi rire et pleurer
Comme ce cri de mon peuple vainqueur
Rien n’est si grand qu’un linceul déchiré
Paris Paris soi-même libéré
Louis Aragon
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Je continuerai à croire, même si tout le monde perd espoir.
Je continuerai à aimer, même si les autres distillent la haine.
Je continuerai à construire, même si les autres détruisent.
Je continuerai à parler de paix, même au milieu d’une guerre.
Je continuerai à illuminer, même au milieu de l’obscurité.
Je continuerai à semer, même si les autres piétinent la récolte.
Et je continuerai à crier, même si les autres se taisent.
Et je dessinerai des sourires sur des visages en larmes.
Et j’apporterai le soulagement, quand on verra la douleur.
Et j’offrirai des motifs de joie là où il n’y a que tristesse.
J’inviterai à marcher celui qui a décidé de s’arrêter…
Et je tendrai les bras à ceux qui se sentent épuisés.
Abbé Pierre Hiver 1954
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L’Hôtel Biron rouvre ses portes dans une muséographie entièrement revisitée qui révèle, plus que jamais, un Rodin chercheur, précurseur, facétieux, passionné, amoureux…
Le Baiser, le Penseur, Iris, Balzac, l’âge d’airain, Eve, et les autres, ils sont tous là, mais démultipliés, expliqués, comme si, soudain, nous étions transportés au coeur de l’esprit, de la main, du sculpteur.
Catherine Chevillot, directrice du musée et ses équipes, présentent les grandes oeuvres, bien sûr, mais valorisent aussi les ébauches, les travaux préparatoires, les plâtres, les sources d’inspiration (Hugo, Carrière, Monet, Van Gogh) nombreuses et variées qui ont nourri l’appétit artistique de cet ogre créateur. La salle Assemblage et variation permet ainsi de comprendre comment des poteries cassées inspiraient le socle d’un futur marbre.
Un air de Rome, et d’ailleurs
Une collection d’antiques achetées alors au poids sur les chantiers entoure l’Homme qui marche, visages, mains, bras, corps tronqués. Rodin les prenait, les manipulait, les observait pour faire mieux, et plus fort.
Corps en mouvement, danse, étirements impossibles, fascination pour les muscles tendus, l’effort, Rodin exprime la transe de la vie, met à nu les les sentiments, dans un courant d’érotisme continu.
L’on découvre ainsi que Rodin s’amusait à étirer, fragmenter, agrandir à l’infini ses propres créations. Visage déformé des Bourgeois de Calais, mains, courbes féminines, positions insensées et troublantes, statuettes de danseuses en arabesque, grand écart, déformation des corps, poids des ans qui peu à peu tire, affaisse, outrage, Beauté de la jeunesse, de la fermeté, du mouvement.
La Muse et l’Amante
Camille Claudel s’expose aussi, muse et amante, entre ses rêves d’amour et la réalité de sa relation trouble avec l’homme de sa vie.
Entre L’äge mûr qui figure Rodin et son épouse, s’éloignant de Camile mplorante, et la Valse, mouvement perpétuel des Amants merveilleux, tout est dit, comme un espoir sublimé de l’amoureuse inspirée, comme un chemin entre la réalité et le rêve,
Délices et surprises encore dans les jardins, après l’effrayante et fascinante porte de l’Enfer. Les marbres et les bronzes colorent le tapis vert, où l’on cherche Orphée, tapis sous les feuilles, avant de trouver, sur la pelouse, celui qui s’enfuit, un lapin…
entre Eve et la Vierge à l’Enfant
Tout comme cet esprit étrange, dieu de la longévité japonais, que Rodin avait acquis en 1911 auprès d’un marchand d’art et qu’il gardait près de lui dans l’hôtel Biron, entouré d’Eve et d’une Vierge à l’enfant..
“Vous devriez, cher grand ami, voir ce beau bâtiment et la salle que j’habite depuis ce matin. Ses trois baies donnent prodigieusement sur un jardin abandonné, où on voit de temps en temps les lapins naïfs sauter à travers les treillages comme dans une ancienne tapisserie”. Rainer Maria Rilke à Auguste Rodin, le 31 août 1908
L’homme qui marche, déjà
Et pour finir, se jouant des perspectives, entre les ors et les boiseries de cet hôtel Biron qu’il avait sauvé de la démolition et où il recevait les journalsites, admirateurs, marchands et collectioneurs, cet Homme qui marche, décrié en son temps, honni par la critique et le public, tellement fort et vivant, prémonitoire.
Musée Rodin de Paris, 77, rue de Varenne, Paris VIIe. www.musee-rodin.fr
lire le billet120 rue de Lyon, 22h20, ils ont fini un peu en avance. Les musiciens sortent en courant. Sur le plateau, les chariots emportent les éléments de décor, une forêt de bottes de paille, un vieux tracteur, une atmosphère champêtre imaginée par Laurent Pelly comme un écrin pour une histoire d’amour. Dans la loge de Roberto Alagna, tout est rangé. Quelques partitions sur le piano. Un sillage de parfum. Une voix dit Bonjour. Sur le canapé, Un jeune homme, en jean, relace ses basket blanc, tee shirt kaki et moulant, crinière blonde, quelques rides dans le sourire. Il appelle : « Iago »… Une jeune femme, très élégante en robe sixties, le rejoint, s’assied à ses côtés. Ils se ressemblent, même sérieux, même simplicité. Après trois semaines de répétitions dans le ventre de Bastille, depuis quelques jours, ils chantent ensemble. Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak sont heureux, à la scène comme à la ville.
Cet Elixir d’amour semble fait pour vous…
Roberto Alagna. Notre amour, c’est déjà 90% de l’histoire. Ils sont amoureux tous les deux, mais ils ne sont pas de la même couche sociale, elle est riche, il est timide, elle est sûre d’elle, il n’a pas d’argent. Mais la vérité, c’est qu’ils s’aiment tous les deux. Au premier duo, il lui dit Tu peux dire ce que tu veux, mais le premier amour, on ne l’oublie jamais…
Alexandra Kurzak. Ils se connaissent depuis toujours, comme j’aime Roberto depuis toute ma vie et pour toute ma vie. Tous les souvenirs, les émotions que nous avons ressenties, il y a trois ans, quand nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre, reviennent. C’est troublant, même curieux : nous revivons notre rencontre à Londres
– Love at first sight, cela existe vraiment ?
Alexandra Kurzak. Nous sommes l’exemple vivant. C’était très étrange de le rencontrer pour la première fois à Londres. On m’a proposé ce rôle dans Robert le Diable, je connaissais pas bien la langue française, j’avais d’autres propositions, mais j’ai dit à ma mère : Je veux au moins voir une fois Alagna dans ma vie. . Il était si célèbre. J’étais très timide, car je l’admirais tant. Je l’ai appelé Maestro, il m’a répondu : Ne m’appelle pas ainsi, je suis Roberto.
R.A. Je ne m’attendais pas à rien de cela. Je pensais chanter avec une jeune soprano que je ne connaissais pas, j’espèrais ne pas être ridicule. Quand je l’ai vue sur les photos, j’ai dit : bof. Elle semblait sévère, très maquillée et quand je l’ai rencontrée, c‘était tout le contraire. J’ai aimé tout de suite sa fraîcheur et un petit détail : elle a ouvert son portefeuille et tout était bien rangé. Je me suis dit : c’est une femme pour moi !
C’est étonnant, justement, cette façon si spontanée de vous comporter à la scène …
R.A. Sur scène, on est comme un couple de danseurs, on improvise et tout est facile. Dès que j’invente un truc, elle est là ; quand c’est elle, je la suis… Sa rigueur musicale, son aisance corporelle, c’est très appréciable chez un soprano. J’aime cela, inventer… C’est cela qui fait la vie sur scène, la vérité du jeu.
A.K. Nous suivons bien sûr le livret, la partition, mais ensemble, nous laissons toujours une petite place pour l’improvisation.
Vous partagez cette communion dans la vie ?
R.A. Ce que j’ai aimé dès le premier jour chez elle, c’est cette simplicité, cette fraîcheur. Il y avait quelque chose qui m’emmenait dans un autre monde, avec elle. Ni guindé, ni artificiel. Ces artistes en Pologne, des gens de la troupe, qui chantent tous les jours avec la maman soprano qui continue à chanter, le papa corniste dans l’orchestre, c’est tout ce que j’aime le plus : la musique et la famille et quelqu’un avec les pieds sur terre.
AK Ma mère, c’est ma mère. Le soir, à 7 heures, au théâtre, elle chante comme une diva, mais à la maison, elle fait la cuisine, elle est ma mère.
Justement, en 32 ans de carrière, comme faites-vous pour garder les pieds sur terre ?
R.A. C’est grâce à ma famille aussi, à mon tempérament. Certains croient parfois que je viens de nulle part, que j’ai un ego surdimensionné, c’est tout le contraire, c’est une timidité qui fait qu’au contraire, je file. Je ne suis jamais à l’aise dans les réceptions, moi, je suis bien sur scène.
Et votre secret pour conserver votre jeunesse, votre fraicheur, physiquement, et dans le chant ?
R.A La jeunesse de la voix, c’est la clarté. Les anciens, même pour les basses ou les barytons, disaient dès qu’une voix était trop sombre, qu’elle était déjà usée, vieille. Si on commet l’erreur d’épaissir sa voix, peu à peu, on est obligé de réduire son répertoire. Si on garde une clarté, on peut chanter très longtemps, en passant d’un rôle dramatique à un rôle léger, comme celui-ci.
AK Roberto est vraiment une exception, il peut passer d’un registre à l’autre de Nemorino au roi Artus, au Cid. C’est bien sûr un don de la nature, une possibilité, mais c’est aussi un travail.
Echangez-vous des conseils ?
A.K. Au tout début, j’avais demandé à Roberto. J’étais encore timide. Il m’a dit : Tu pourrais faire cela et ça a été terrible pour moi. Je pensais que j’avais fait de mon mieux. Toute femme rêve d’être la plus belle, la meilleure, pour l’homme qu’elle aime… J’ai fondu en larmes, j’étais complètement bloquée. Il m’a promis : « Je ne te dirai plus rien ». Maintenant qu’on se connaît, c’est différent, on se dit tout. Le chant, c’est vraiment notre vie, comment parler d’autre chose…
RA. Chacun de nous est programmé pour chanter d’une certaine façon et quand on vient mettre un grain de sable dans cet engrenage, cela mettre en péril l’artiste. C’est ce qu’il s’est passé, elle ne pouvait plus chanter. Et je pense que cela aurait été la même chose pour moi, malgré les années d’expérience, Un grand ténor, Giuseppe di Stefano, disait toujours : Ne me donnez pas de conseil, je sais me tromper tout seul !
Avez-vous maintenant des projets communs ?
A.K. Roberto a chanté partout, il va continuer à Salzbourg, Bayreuth, on va aussi chanter ensemble, Turandot, Otello, Paillasse, la Juive, à New-York, et bientôt pour un concert à Orange…
RA. J’aimerais aussi prendre des vacances, m’occuper de ma fille, je n’ai plus de temps à perdre… Nous vivons entre la France et la Pologne, avec nos Ornella, ma fille aînée et notre petite Malena, qui est avec nous, ici, à Paris. Entre deux représentations, on va se marier, à Varsovie.
Mais pour vous, cette voix, ce chant, c’était un don ?
C’est aussi beaucoup, beaucoup de travail. Depuis que je suis enfant, mon oreille était éduquée à l’opéra, car il y avait plein de ténors chez moi. Je savais couvrir les sons, comme eux, mais mon corps ne pouvait pas encore le supporter. J’ai passé 5 ans avec le professeur cubain Ruiz, jusqu’à huit heures par jour, comme un instrumentiste, pour décrocher ces fameuses notes de passage. J’ai travaillé comme un forcené, comme un sauvage pour arriver à cela. La chance que j’ai eue, c’est que l’instrument a vite répondu… A 20 ans, quand j’ai chanté mon premier opéra, c’était là. Le diamant était là… et il fallait polir tout cela.
Comment l’entretenez-vous ?
R.A. On polit encore aujourd’hui, tous les jours. Après plus de trente ans, je suis toujours en train de rechercher, de travailler. Et en même temps, c‘est un plaisir, formidable. Souvent, on dit de tel chanteur ou chanteuse : Oh, c’est triste, il a perdu sa voix. Je ne crois pas cela. On ne perd pas sa voix, on perd les nerfs, le mental, on perd la flamme. On s’éteint, et même quand on doute, quand on perd la confiance en soi, c’est comme cela qu’on peut s’éteindre, c’est difficile, il faut un sacré mental. C’est un travail de chaque jour. Ce qu’il faut garder c’est la passion du travail, de l’étude, la flamme de l’amour…
L’Elizir d’Amore, de Gaetano Donizetti, du 2 au 25 novembre, à l’Opéra de Paris, avec Roberto Alagna, Alexksandra Kurzak, Ambrogio Maestri, Mario Cassi, Melissa Petit, direction musicale, Donato Renzetti, Mise en scène, Laurent Pelly. Retransmission en direct le 14 novembre sur France Musique.https://www.operadeparis.fr/saison-15-16/opera/lelisir-damore
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