Entre chefs d’oeuvre et parfums de soufre présenté au musée Maillol, qui promet d’être très visité, voici LA PIECE à voir dans le cadre de l’exposition Borgia : une humble et douce Pieta de terre cuite, récemment attribuée au jeune Michel Ange et présentée pour la première fois aux yeux du public. Un ravissement. Un mystère
Il faut se tenir près d’elle, cachée, discrète dans des chambres, (camera) du musée Maillol pour sentir l’énergie qui émame de cette oeuvre étrange, trouvaille réalisée en 2003 par un chirurgien italien. Dans la région de Bologne, il avise chez un antiquaire une vierge un peu grotesque, affublée de couleurs étranges et d’une horrible main de bois, censée remplacée la main gauche de la Vierge arrachée. Le torse du Christ, surtout, atttire son attention, une précision anatomique rare, exceptionnelle pour l’époque, dans laquelle son regard de praticien reconnaît un artiste… Il achète la pièce pour quelques milliers de lires. Commence une longue quête… Qui a réalisé cette humble Pieta ? Aidé par un historien d’art, Enrigo Guidoni et un restaurateur, pendant trois ans, ils ôtent une à une les neufs couches de peintures qui défigure la jeune femme. Apparaissent des plis, des spirales, des traces mystérieuses, qui évoquent l’oeuvre d’un maître. Appelé à la rescousse, Roy Dolinver dont le profil discret hante depuis déjà vingt ans les couloirs de la chapelle Sixtine est le seul à faire le voyage à Bologne. Il tombe en admiration. Seul Michelangelo peut restituer ainsi l’intimité de cette scène, cette mère qui regarde son fils mort.
De recherches en archives en fouilles dans les bibliothèques, avec les plus grands experts, Roy Doliner progresse dans l’authentification de ce qui apparaît bientôt comme la forme première de la grande Pieta, chef d’oeuvre du Vatican. Cette Madone della Febre, fut, raconte-til, commandée à Rome par un vieux cardinal français,, de Sainte Sabine et de Saint Denis à un jeune artiste de 21 ans sans le sou qui avait fui Florence. Des lettres, des textes en ont retrouvé la trace et l’attachement du maître pour cette oeuvre de jeunesse dont il ne se sépara jamais et qu’il légua à sa mort à son cher assistant, dit Il Francese. C’était bien le moins que la Pieta restaurée apparaisse dans toute son humble splendeur pour la première fois à Paris. Elle irradie dans la pénombre du musée Maillot. Il fuut se tenir tout près d’elle pour en ressentir la puissance, et la magie intime des gestes : la main gauche de Jésus, presque soutenue par celle du Cupidon néoplatonicien (aboli et aborrhé par les papes dans la version définitive de la Pieta) , les jambes du Christ repliées, comme celle de l’enfant qui repose à ses côtés, le regard de la jeune mère qui enlace le Fils. Une fascination. Une révélation.
Expo Les Borgia et leur temps, au musée Maillol, du 17 septembre 2014 au 15 février 2015. Commissaire Claudio Crescentini, 59-61 rue de Grenelle, Paris VIIE. www.museemaillol.com