Souvenir de Molitor où nous allions, enfant, faire nos plongeons scolaires et passer les fameux Tritons protocolaires…
Le granuleux du sol, où s’accrochaient la crasse et la poussière
L’étuve de la piscine d’hiver et la moiteur de son hall en céramique
L’eau gelée du grand bassin où l’on accédait l’été
Et surtout, surtout, l’intimité ombragées des cabines. On nous donnait une clef, un numéro, un garçon de cabine nous guidait vers la nôtre, on se retrouvait seul, frissonnant, dans cet espace clos, protégé seulement du brouhaha sportif par la légère porte de bois. Les pieds dépassaient par dessous, elle était à peine assez haute pour protéger nos visages des regards curieux, mais c’était chez nous. On se déshabillait enfin, on laissait ses habits de ville, sortir, différent, dans le costume de bain pour gagner les étendues liquides de nos exploits du jour…
Et voilà, cela n’est plus aujourd’hui. Rien n’a changé, ou presque, à Molitor, lieu d’élégance, d’exception, d’art et de folie légère. Par la magie du XXIe siècle, tout est revenu : les balustrades, les mosaïques, les coursives et les cabines, tout semble plus coloré, même le jaune tango, pourtant d’origine, qui recouvre à nouveau les façades… Porté par les générosités du groupe Accor, le grand Paquebot de Lucien Pollet est prêt pour de nouvelles aventures superlatives : événements artistiques, sportifs, rendez-vous mondains, soirées pétillantes et autres fantaisies…
Une chose, une chose seulement, une chose infime, manquera peut-être, aux nostalgiques dans les coursives du Grand Bassin. Les chiffres, les portes bleues sont revenues, repeintes à neuf, embellies même (ah, les délicieux petits fauteuils colorés), mais leur poignée olive n’ouvre plus sur l’intimité illusoire des cabines. Derrière la porte, quelques espaces réservés à l’art, des gaines techniques… Belle, lumineuse, Molitor offre tout le confort moderne et au-delà… Adieu le banc humide aux fesses, le sol rugueux, mouillé, où l’on était chez soi.