En ces premiers jours du mois de Tichri, à l’aube des fêtes de Roch ha-Shana, les fidèles se rendront bientôt à la synagogue pour écouter la sonnerie du Choffar. C’est le temps des prières, le temps où l’on jette ses péchés au fond de la mer et où l’on goûte le fruit nouveau. C’était, plus encore, le temps où Shalom Berlinski recevait les fidèles en la grande synagogue de la rue des Victoires où il a officié pendant plus de trente ans. « Hazan », disait-il, c’est le meilleur et le pire des métiers. On ne fera jamais fortune, mais on a tant de bonheur ».
Deux yeux rireurs, derrière ses lunettes rondes. Doux mélange d’humour, d’attention, d’écoute, d’intelligence. Shalom Berlinski, chantre de le synagogue de la rue de la Victoire entre 1948 et 1972, a pris congé il y trois ans, mais un disque continue de témoigner de sa ferveur qui sait dépasser toutes les religions.
Deux mots sur son histoire. Jeune juif polonais, né le 16 janvier 1918 à Radom en Pologne, où la grande synagogue accueillait alors jusqu’à 2.000 fidèles, il a émigré en France en 1929, où son père, marchand de chaussures s’était installé dans le XVIIIe et le faisait travailler. Mais lui, Shalom, les chaussures, ce n’était pas son fort, ce qu’il aimait, c’était la musique et le chant. Pendant la guerre, il s’engage et part pour le front dans la somme. Il fut aussi résistant auprès du rabbin Sammy Klein dans la région de Roanne.
Et puis, après la guerre, il revint à son amour pour le chant, il étudia auprès des plus grands, il rêvait de chanter à l’opéra, mais Maurice Franck, chef d’orchstre au Palais Garnier, lui fit comprendre que ce n’était pas sa destinée. Il l’orienta vers la Synagogue. Et c’est ainsi que par concours, il devint le premier chantre de la Grande Synagogue de la rue de la Victoire. Il avait trente ans, il y demeura pendant 31 ans. Sa présence et son chant ont marqué toute la communauté juive.
Pour l’écouter : http://www.fdjf.org/Default.aspx?lid=1&rid=76&rvid=170
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Ca vous prend comme une envie de marcher en musique, attention pas de marcher au pas, mais de marcher gaiment, joyeusement.
Alors, si vos pieds vous démangent, eh bien, tâchez de vous croiser un de ces jours le chemin du Bus Rouge. Ils sont dix à bord, filles et gars. Ils ont chacun leur personnalité, et leur instrument : tubas, clarinette, caisse claire, hautbois du Languedoc, tambour occitan, saxophone soprano, trombone et piccolo… Le Bus Rouge, il a commencé à rouler à Lyon. Je les ais vus à Correns, un jour paisible dans le village.
Les enfants mangent sous le platane, les vieux discutent sur le banc, chacun vaque, vaguement, sagement. Et puis, l’air de rien, par la porte de l’église, une silhouette apparaît. Elle: robe noire, col en dentelle, lèvres rouges. Lui : queue de pie lustré, chaussures rouges, cheveux gominés. On les croirait sortis d’une vieille carte postale des années 1920.
Ils se rassemblent sous le platane, produisent une cacophonie organisée, stoppent net, attendant les bravos et les applaudissements. ET puis, l’un part en courant, cinquante mètres plus loin, recommencent leur manège. Avec sa caisse claire, une brune fine et longue fait mine de tirer les badauds avec une corde invisible. On la suit.
Puis, tout s’organise peu à peu. On revient, on court dans un sens dans l’autre, on échange les instruments. Solennellement, les baguettes du tambour sont remises à un adolescent. La caisse claire récupère tous les instruments, un instant inutiles. Elle croule sous le fardeau, mais peu à peu, on la libère. Chacun reprend son rôle.
Ils prennent possession de la ville. Fanny monte au réverbère, se juche sur une balustrade. Ils se regroupent sur les murets au bord de la rivière. Ils courent entre les spectateurs, comme le son qui se faufile entre chacun de nous. Ils demandent qu’on leur tienne la main pour marcher sans tomber.
Le plus étrange, ils ne sourient jamais, gravité, de gravure, ils nous forcent à rire pour eux, avec eux. Même quand on les acclame. Ils ont presque l’air en colère. Au début, c’est perturbant. On rit, un peu jaune. Enfin, la gaité gagne !
La musique, parfois on croirait une cacophonie, on souffle, on s’époumone, une fanfare. Et puis, des airs s’en libère, des gavottes, des mazurkas, des bourrées, des valses, des polkas. On les reconnaît, On a envie de les danser.
Et quand tout est fini, ils se dispersent comme ils sont arrivés, d’un seul coup. Comme si la vie s’était juste un moment animée.
Voilà comment le Bus Rouge nous trimbale, de cahots en cahots au fil de la ville, au fil de la vie. Il faut les voir, pour les croire. Si vous croisez leur drôle d’engin, prenez donc un ticket !
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