Le compositeur et chef d’orchestre finlandais est l’invité du Festival Présences de Radio-France du 4 au 19 février au théâtre du Châtelet. Deux semaines pour découvrir un homme au parcours exceptionnel et de la musique vraiment vivante.
Ces derniers temps, Esa Pekka Salonen s’était retranché, tel un esquimau dans son igloo. Neige, blanc, silence, tel le tapis de glace qui recouvre les landes immenses de Suomi, son pays natal, la Finlande. Esa Pekka Salonen composait. Imaginez ce que cela représente dans un cerveau : composer… Laisser circuler librement les notes sans briser ses solis, sans déformer les masses de l’orchestre… Quand on aborde de tels territoires, le moindre appel venu de l’extérieur peut être fatal… Etouffée la ligne, perdu l’accord, meurtrie l’assonnance…
A 52 ans, trente ans de carrière et près de 2000 concerts à son actif partout dans le monde, le chef finnois n’a jamais pu accorder tout le temps désiré à sa passion. « Composer, déclarait-il, à 23 ans, c’est traiter le monde de l’imagination, le monde très personnel. Il ne s’agit pas de communiquer. »
A cette époque, Esa Pekka Salonen rêvait de s’abstraire du monde pour planer dans les infinies perfections de son univers mythiques, un peu à la manière des héros de la légende finnoise, le Kalevala. Mais le monde avait besoin de lui et l’a rappelé à sa concrète réalité. Appelé à la tête de l’Orchestre Philharmonique Los Angeles, il s’est retrouvé à la tête d’une importante phalange, chargé, qui plus est, de conseiller musicalement les travaux de l’immense Walt Disney Hall, construit par l’architecte Franck Gehry.
Bâtir, tout le contraire de l’abstraction. Salonen a pris cela à bras le corps, dirigeant plus de mille concerts à travers le monde avec ses musiciens, donnant le concert inaugural du Walt Disney Hall en octobre 2003, enregistrant partitions et intégrales, de Gustav Mahler à Jean Sibélius, de John Cage à Bernard Hermann, le compositeur d’Hitchcok.
Parenthèse dans cette moderne foultitude, il crée en 1997 LA Variations, puissante ode à la vie américaine. C’est lui aussi, à Bastille, en 2005, qui forme l’écrin musical de l’inoubliable vidéo de Bill Viola autour du Tristan et Isolde de Wagner. Le spectacle total.
Et puis, après une première année sabbatique, consacrée à la composition en l’an 2000, l’écriture revient peu à peu, avec le temps, le détachement. En 2008, il a quitté le Los Angeles Philharmonic pour le Philharmonia Orchestra de Londres. La souplesse des formations européennes lui offre plus de souplesse pour donner un peu plus de temps à la composition. C’est ce qui lui permet d’être à Paris pour près de trois semaines aux côtés de l’Orchestre Philharmonique, de la Maîtrise et du Choeur de Radio-France.
Le Festival Présences dresse donc de lui un portrait musical, ses inspirations, de Ravel à Sariaho, ses compositions (Giro, Stockholm Diaries, LA Variations, Wing on Wing) et deux créations commandées tout spécialement pour l’événement, Dona nobis pacem pour chœur d’enfant a cappella, le vendredi 4 février et une “nouvelle oeuvre”, le samedi 19. Jeudi 3 février, l’Institut Finlandais invitent ceux qui le souhaitent à venir partager la musique avec lui (1). Nul besoin d’être Finnois, notre homme parle parfaitement l’anglais, sa deuxième langue.
Treize chances de rencontrer une personnalité exceptionnelle qui s’interroge depuis toujours avec humilité et profondeur sur les liens entre la musique d’hier et celle d’aujourd’hui. Et autant de preuves que la musique est vivante, toujours vivante, et qu’il est bon, si bon, d’écouter parler et jouer un compositeur contemporain.
(1)Le compte rendu de ces échanges sera retransmis lundi 7 février à 20H30 par Jean-Pierre Derrien dans les Lundis de la Contemporaine d’Arnaud Merlin. Samedi 12 février à 17 heures au théâtre du Châtelet, élèves des lycées musicaux et des conservatoires viendront dialoguer avec lui et danser sur Foreign Bodies.
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