Joseph, son béret, sa baguette

Les clichés ont la peau dure, notamment celle du Français dans l’imaginaire du Coréen et sûrement de beaucoup d’autres étrangers, fidèlement représenté par “Joseph” dans cette affiche publicitaire pour un médicament antihistaminique antiallergique mondialement connu.

Joseph donc, la cinquantaine, se voit orné d’un béret, tenant un sac de baguettes à la main. On parierait sa fortune que l’allergie de Joseph ne l’empêchera pas d’aller se siffler un ballon de rouge avant de rejoindre bobonne.

Il y a deux enseignements à tirer de cette publicité. L’un, réjouissant, est que de tous les pays qui composent l’Europe, ce soit la France qui fût choisie par les publicitaires coréens pour représenter le vieux continent. L’autre enseignement, moins plaisant, vient de la comparaison entre notre représentant français et ceux des autres pays figurant sur cette affiche. L’Américain (James), la Chinoise (Meïlan) et la Russe (Anna) paraissent outrageusement plus jeunes et dynamiques que notre malheureux Joseph: clairement l’allergie n’est qu’une contrariété passagère dans leurs courses vers un avenir plein de promesses et de réussites, alors que pour Joseph, cette allergie semble une contrariété de plus dans une vie rythmée par la diminution de sa pension de retraite…

 

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Libre-échange

 

Une enseigne de chaîne de salon de coiffure française à Seoul

Si l’Union Européenne est souvent moquée pour son absence de politique extérieure commune, on ne peut pas en dire autant de son commerce extérieur. Car ce que n’ont pas encore réussi les Etats-Unis, pourtant partis avant, l’UE vient de l’accomplir: la ratification définitive d’un accord de libre-échanges avec la Corée, après approbation par le Parlement européen en février dernier, puis par le Parlement coréen aujourd’hui même. Les Etats-Unis devront attendre encore un peu que leur Congrès se décide avant d’avoir leur propre accord de libre-échange avec la Corée.

C’est donc le 1er juillet prochain qu’entrera en vigueur cet accord de libre-échange UE-Corée, accord commercial le plus important jamais scellé par l’Union et qui fera progressivement disparaître la quasi totalité des droits de douane entre les deux parties. Pour les Coréens c’est notamment l’occasion de vendre encore plus de voitures Hyundai et Kia ou de portables et téléviseurs Samsung et LG, tout en élargissant leurs approvisionnements auprès de fournisseurs européens aux dépens de leurs concurrents américains et japonais. Qui a dit que l’ouverture à l’Asie était une menace pour les PME françaises et leur savoir-faire ?

D’autant que cet accord offre à l’Europe de nouveaux débouchés pour ses constructeurs automobiles, mais également aux acteurs dans le domaine des services aux entreprises et bien sûr à ses produits agricoles: pour parler d’un secteur dans lequel je suis impliqué des vins et spiritueux, les 15% de droits de douanes imposés aux vins en provenance de nos terroirs seront ainsi progressivement supprimés. Certes dans les faits, il restera encore la taxe sur l’alcool et une taxe sur l’éducation qui font qu’au bout du compte, les prix des bouteilles ne baisseront pas significativement. Toujours est-il que les vins chiliens, qui bénéficient depuis 2004 d’un accord de libre-échange, sont premiers en terme de volume sur le marché coréen.

C’est à la sortie de la crise financière asiatique de la fin des années 90 que la Corée commence à mener une réflexion qui aboutit aujourd’hui à cet accord. Avec un marché intérieur exsangue, dont le potentiel à long terme est de toute façon plombé par une démographie déclinante, et dans un contexte d’ouverture à la concurrence étrangère imposée par le FMI, la croissance passe plus que jamais par la conquête de marchés extérieurs. Or la tendance est à l’intégration régionale: UE, ALENA en Amérique du Nord, MERCOSUR en Amérique du Sud, ASEAN en Asie du Sud-Est favorisant les échanges commerciaux entre pays membres. La Corée, coincée entre la Chine et le Japon qui se suffisent à eux-mêmes, et son frère ennemi du Nord, n’a pas les mêmes perspectives d’intégration régionale et craint de se voir éjectée du coeur des échanges commerciaux, d’autant que les accords de l’OMC n’avancent pas.

La Corée met donc en place un stratégie de négociation simultanée d’accords de libre-échange avec un double objectif de sécuriser des marchés clés, et de renforcer son économie par des investissements directs de l’étranger. Le Chili, puis l’AELE, Singapour et l’ASEAN suivront, avant donc cet accord historique entre l’UE et ce petit pays si lointain, mais qui est déjà aujourd’hui son troisième partenaire commercial en Asie.

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