Désinformation

Rendre compte de la situation d’un pays aussi inaccessible que la Corée du Nord doit être le cauchemar de toute rédaction, et on imagine la démotivation du pigiste ou du stagiaire devant la médiocrité et la maigreur des informations à partir desquelles il va devoir pondre son article sur ce pays mystère. Mais ces difficultés ne devraient pas être prétexte pour traiter le sujet nord-coréen de manière désinvolte.

Or qu’apprenons-nous dans les rubriques actualité internationale de la presse en ligne française du 20 août? Que la pénurie de femmes vierges serait le grand sujet d’inquiétude du leader nord-coréen Kim Jung-un, la virginité étant l’un des critères de recrutement de la “brigade du plaisir” chargée de divertir le dirigeant et quelques privilégiés.

 

L’information, semble-t-il révélée en France par le blog hébergé par lemonde.fr Big Browser et reprise en coeur par une douzaine de sites d’informations, nous révèle que cette pénurie assez particulière serait en tête des préoccupations de Kim Jong-un, avant même les exercices militaires conjoints américano-sud-coréens.

Car le phénomène serait d’une ampleur majeure: poussée par la misère, la prostitution serait galopante au point que 60% des jeunes filles nord-coréennes de 16 ans auraient eu un rapport sexuel. Cette information a été jugée suffisamment fiable pour dispenser la plupart de ces sites d’informations de l’utilisation du conditionnel, car voyez-vous, ces chiffres seraient issus des examens médicaux effectués lors de la conscription.

Bien sûr ces révélations ne sont pas le résultat d’une quelconque enquête journalistique directement effectuée par l’un de ces sites d’informations qui d’ailleurs ne s’en cachent pas : ils ne font que rapporter les éléments d’un article publié par la version web anglophone du premier quotidien sud-coréen Chosun Ilbo, lui-même traduction d’un article initialement publié en Coréen.

Il n’y a jusqu’ici rien de choquant. Entre la barrière de la langue, le fait que la presse libre nord-coréenne soit inexistante, et le fait qu’aucun média étranger, à l’exception de l’agence de presse AP, ne dispose de correspondant basé en Corée du Nord, il est logique que les médias français n’aient d’autres recours que celui de se fier parfois à leurs confrères sud-coréens pour évoquer la Corée du Nord: mieux vaut cela que ne pas en parler du tout.

Le problème c’est que les reprises françaises de l’article coréen n’en sont pas. Elles s’en inspirent certes, mais pour ensuite broder une histoire qui colle aux attentes de lectures estivales légèrement racoleuses : un dictateur vociférant qu’on ne lui ramène pas assez de jeunes vierges, car celles-ci sont occupées à faire le tapin dès 16 ans.

Qui sait? Cette vision est peut-être proche de la réalité, mais elle n’est en aucun cas rapportée par l’article sud-coréen, ni sa version coréenne, ni sa version anglaise qui constitue l’unique source d’informations des articles français. A aucun moment n’est-il fait mention de Kim Jung-un, encore moins d’un quelconque mécontentement de sa part. Tout juste est-il fait mention en une ligne dans la version coréenne et en deux lignes dans la version anglaise d’un article qui en fait plus de 40, que d’après un réfugié nord-coréen, ancien membre gradé d’une antenne provinciale du Parti des Travailleurs, les autorités auraient du mal à recruter des femmes vierges pour cette fameuse “brigade du plaisir”.

La statistique concernant la virginité des jeunes femmes nord-coréennes relèvent du même fantasme, car d’après l’article du Chosun Ilbo, ce ne sont pas 60% de jeunes femmes nord-coréennes qui auraient eu un rapport sexuel à 16 ans, mais 60% des jeunes femmes de la municipalité de Chongjin. L’article précise par ailleurs que ce chiffre est une affirmation du même réfugié nord-coréen que précédemment.

L’article du Chosun Ilbo lui-même est à prendre avec des pincettes. D’abord parce que ce quotidien, tout comme la plupart de ses confrères sud-coréens, n’est pas un modèle d’indépendance journalistique, qu’il a lui même été l’instrument de propagande des régimes militaires sud-coréens des années 80 et qu’il penche toujours aujourd’hui en faveur des partisans d’une ligne dure face à la Corée du Nord.

Surtout parce que le journaliste qui a travaillé sur cet article n’a eu d’autre choix que de faire appel à des sources d’information dont la fiabilité est discutable: les services de renseignements sud-coréens d’abord, certainement parmi les organisations les mieux renseignées sur la situation en Corée du Nord, mais dont l’objectif est plus la désinformation concernant un pays contre lequel il est toujours techniquement en guerre, que l’information impartiale. Un article du Chosun concernant la Corée du Nord basé sur des sources des services de renseignement sud-coréen, c’est un peu comme un reportage de Fox News sur l’Irak de Saddam Hussein commenté par un officiel de la CIA, avec certes, la qualité en plus.

Les témoignages des réfugiés nord-coréens ne peuvent pas non plus être reçus sans une certaine précaution. Il ne s’agit pas ici de mettre en doute ni l’atrocité de leurs expériences, ni l’absolu cruauté du régime totalitaire en place en Corée du Nord. Mais les membres sud-coréens des associations d’aides aux réfugiés nord-coréens vous le diront eux-mêmes: si le parcours individuel courageux et admirable de chacun des réfugiés doit être loué et soutenu, leurs témoignages ne reflètent pas toujours la réalité nord-coréenne, parce qu’au travers de leurs témoignages, les réfugiés poursuivent eux-mêmes un agenda militant – bien évidemment louable – d’opposition au régime du Nord, ou de reconnaissance par une société sud-coréenne qui n’est pas toujours tendre avec eux. Et que ces objectifs peuvent parfois inciter certains à forcer le trait, voire à inventer.

Voilà quelques uns des filtres dont le lecteur devrait avoir conscience avant d’ingurgiter toute information sur la Corée du Nord: une situation déjà suffisamment compliquée pour qu’un média en quête de raccourcis sensationnalistes ne viennent en rajouter, même en plein mois d’août.

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Amour parental

Il y aurait cinq types de preuves d’amour privilégiés tour à tour en fonction des cultures et des personnalités : les mots, les cadeaux, le temps consacré, les gestes d’affection et les services rendus. Lorsque j’observe les différences dans les relations parents-enfants entre la France et la Corée, je me dis que cette observation est pertinente. Car s’il est absurde de prétendre que les parents coréens aiment plus leurs enfants que les parents français ou vice-versa, il est flagrant de voir à quel point ces preuves d’amour diffèrent dans les deux cultures.

En France ce sont les mots d’affection et le temps consacré aux enfants qui priment pour témoigner son amour à ses enfants: quoi de plus banal pour une mère ou un père de dire à sa fille ou son fils “je t’aime”, ou de ponctuer ses phrases par un “mon coeur”. Quoi de plus naturel que de poser une demi-journée  ou de rentrer plus tôt du travail pour un dîner en compagnie des enfants. Autant d’efforts de la vie de tous les jours qui mis bout à bout, créent un environnement d’amour et d’affection au sein duquel l’enfant pourra s’épanouir.

Ce qui semble aussi naturel pour nous est souvent ignoré par les Coréens. Peut-être les parents les plus jeunes sont-ils plus expansifs dans leurs manifestations d’amour envers leurs enfants. On voit également de plus en plus de familles réunies pour profiter d’une promenade dominicale. Mais pour nombre de Coréens, là n’est pas l’essentiel du devoir des parents envers leurs enfants. Il faut d’abord leur assurer, voire leur imposer, le meilleur des avenirs possibles.

Pour cela, aucun sacrifice n’est trop grand, et au coeur de ces sacrifices se trouve l’argent. L’argent pour l’éducation d’abord: consacrer tout le revenu du foyer pour payer les frais de scolarité exorbitants de son enfant est assez courant, car entre les cours privés auxquels tous les enfants ont droit dès leur plus jeune âge et les frais d’université dont les montants n’ont rien à envier à ceux de leurs homologues américains, les foyers coréens sont ceux qui dépensent le plus parmi les pays de l’OCDE pour l’éducation de leurs enfants. Il suffit de lire les titres des journaux pour s’apercevoir à quel point l’éducation des enfants passe avant tout: on y décrit des femmes au foyer appartenant à la classe moyenne, contraintes à faire des ménages afin de compléter le financement des frais d’université de leurs enfants. Le tout sur le ton de la louange plus que de la critique de cette obsession des études supérieures.

La partie n’est pas pour autant gagnée une fois le rejeton diplômé. Arrive le temps du mariage où traditionnellement les parents se doivent d’accompagner financièrement les premiers pas de la vie du jeune couple. Pour ceux qui ont une conception la plus conservatrice du mariage, on s’attendra à ce que les parents du marié financent l’achat du premier logement tandis que ceux de la mariée prennent à leur charge l’achat des meubles et équipements indispensables à la confection d’un nid confortable. Aussi n’est-il pas rare que toutes les économies d’un couple s’envolent avec le mariage de leurs enfants. Ceci sans regret aucun car c’est la conception normale du rôle des parents selon la société coréenne.

Sacrifice financier mais sacrifice aussi de la vie de couple, toujours sur l’autel de l’éducation des enfants. Car pour nombre de parents coréens, même la meilleure université coréenne n’est qu’un second choix quand il suffirait d’aller aux Etats-Unis ou en Angleterre pour accéder aux meilleures universités au monde. Le phénomène est connu sous le nom de gireoggi appa (기러기 아빠), ou “papa oie” car celui-ci est resté en Corée pour travailler et gagner de quoi financer l’expatriation et la vie de sa femme et de ses enfants afin que ces derniers puissent étudier à Harvard ou Stanford. Telle l’oie migratrice, il doit traverser continents et océans pour voir sa famille une à deux fois par an pendant quelques jours. Ils seraient près de 200 000 papas oies en Corée, offrant un cadre familial qui serait considéré comme déséquilibré, voire malsain pour la plupart des Français, mais perçu comme l’acte de dévotion parental suprême pour nombre de Coréens.

On comprend mieux pourquoi les paroles prononcées en priorité par les parents coréens à leur enfant sont : “tu peux et tu dois mieux faire”, ou “ne nous déçois pas”, plutôt que des mots d’affection. On comprend également pourquoi les parents coréens sont plus autoritaires pour décider de l’avenir de leurs enfants. Il ne s’agirait pas de voir tous ces sacrifices consentis pour un plan de carrière, ruinés par une soudaine passion farfelue de l’enfant. Les conflits entre parents et enfants existent mais souvent les sacrifices parentaux permettent un pacte auquel les enfants adhèrent dans un sentiment où se mêlent profonde admiration et respect des parents et de tous les efforts qu’il ont consenti pour leur avenir, mais également culpabilité à l’idée de devoir trahir les idéaux qu’ils ont placés en eux. Formule idéale pour la réussite des enfants, mais pas forcément pour leur bonheur.

 

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TGV Coréen

KTX-I, un air de déjà-vu?

Le TGV, ce fleuron de l’industrie française qui sauve les meubles de notre balance commerciale, mais pour combien de temps encore? Il y a 20 ans, notre TGV national remportait un contrat majeur pour équiper le territoire sud-coréen d’un réseau ferré à grande vitesse. Contrat remporté de haute lutte face à une rude concurrence allemande et japonaise et au prix d’un accord de transfert de technologies pour qu’à terme les Coréens puissent développer leur propre modèle de train à grande vitesse.

Côté Français, on pense que le jeu en vaut la chandelle: le marché coréen est important, il constitue en plus une bonne vitrine du savoir-faire technologique français sur la Chine, et les technologies transférées sont celles de la première génération de TGV, préservant ainsi à la France une avance technologique confortable. Livrer suffisamment de technologies pour vendre mais en garder suffisamment pour toujours garder un temps d’avance sur ses nouveaux adversaires : un savant dosage qui dépend notamment de l’évaluation qu’on fait de la rapidité à laquelle les clients d’un jour pourront assimiler les technologies livrées pour batir une offre concurrente.

En terme de rapidité, les Coréens se débrouillent: après quelques débuts difficiles dans la construction du réseau ferré (la Corée est un territoire à 70% montagneux) les premières lignes à grande vitesse sont mises en service en 2004. Les premiers KTX (Korea Train Express) ravissent des passagers bluffés de pouvoir faire dans la journée un aller-retour entre entre Seoul et Busan, la grande ville portuaire au sud-est de la péninsule. Mais pour les habitués d’un Paris – Lyon en TGV, rien de très excitant car mis à part la couleur, les logos et quelques écrans plats équippant les wagons, il s’agit exactement du même train que celui qui sillonne la France à 250km/h depuis le début des années 80.

La SNCF et Alstom peuvent-ils rester sereins? Ils ont vendu une version antérieure de leur joyau, dont par ailleurs il n’ont pas livré tous les secrets vu que les Coréens doivent continuer à importer certaines pièces de France. Sauf que dès 1996, la Corée lance son programme de développement d’un train à grande vitesse 100% indigène. Ils repartent des plans livrés par la France et mettent au point un KTX deuxième génération (KTX-Sancheon) capable de transporter 360 personnes à une vitesse commerciale de 305km/h, dont les premiers modèles furent mis en service en 2010. Cette mise en service en un temps record engendra d’ailleurs son lot de couacs et défaillances techniques forçant annulations et retards de trains.

HEMU 430X, le dernier-né

Mais ces ratés s’effacent au fur et à mesure que la technologie coréenne des trains à grande vitesse avance. Début mai, le HEMU 430X, prototype de dernière génération fait ses premiers pas en parcourant une trentaine de kilomètres au sud de la péninsule. Doté de la technologie de traction distribuée comme l’AGV, le dernier né d’Alstom, il atteindrait la vitesse maximale de 430km/h et une vitesse commerciale de 370 km/h. Des performances pures peut-être encore en deça de l’offre française, mais si l’on prend en compte la capacité des Coréens à proposer des délais et des tarifs imbattables, on ne peut nier qu’en 20 ans, la Corée est passée du statut de client à choyer à celui de concurrent à redouter.

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Libre-échange et automobiles

Il a parfois bon dos le libre-échange. D’après un article de la Tribune, les conséquences de l’accord de libre-échange entré en vigueur en juillet 2011 entre l’Union Européenne et la Corée du Sud seraient au grand détriment du premier en ce qui concerne l’industrie automobile. Chiffres à l’appuis, l’article explique que depuis l’application de cet accord, les importations de véhicules européens vers la Corée chuteraient tandis qu’à l’inverse, l’importation de véhicules coréens vers l’Union Européenne exploseraient.

Et les représentants des constructeurs européens (les seuls à donner leur point de vue dans cet article) de s’écrier en coeur: “protectionnisme caché!” En énumérant les différentes barrières non tarifaires à l’entrée de la Corée que doivent subirent les marques étrangères. Je suis moi-même importateur de vin en Corée et je serais le premier à reconnaître un protectionnisme caché dans le marché automobile coréen. Revoyons pour cela les arguments avancés par les constructeurs européens.

Normes anti-pollution et de sécurité distinctes

Scandale! Les Coréens auraient leurs propres normes anti-pollution et de sécurité, alors qu’ils pourraient tout bonnement accepter sans discussion celles de l’Union Européenne. Tout ça rien que pour nous embêter nous les constructeurs européens! Mais ces mêmes constructeurs européens se plaignent-ils lorsqu’ils doivent adapter leurs véhicules aux normes américaines? Et les Anglais et leurs volants à droite qui entraînent des coûts supplémentaires: est-ce du protectionnisme caché également? Est-ce inconcevable que les Coréens puissent définir des normes anti-pollution et de sécurité distinctes de celle de l’Union Européenne tout simplement parce qu’ils pensent que les leurs sont plus adaptées à leur pays?

“Les flottes gouvernementales ou para-gouvernementales, qui représentent 50% du marché, n’achètent jamais de voitures importées”

C’est la sottise sortie par un Vice-Président de Ford Europe. Sottise parce qu’il faudrait faire appel au comptable de Madoff pour arriver à démontrer que les flottes gouvernementales et para-gouvernementales représentent 50% du marché coréén; sottise également parce qu’aux dernières nouvelles lorsqu’on travaille pour le gouvernement d’un pays doté d’une industrie automobile, il est tout à fait logique de rouler dans une berline nationale. A-t-on vu un policier allemand rouler en Peugeot? A-t-on vu un Ministre français descendre d’une Skoda?

“En Corée, quand vous achetez un véhicule de marque étrangère, vous subissez aussitôt un contrôle fiscal… “

Mais comment peut-on sortir une énormité pareille dans un site d’actualité économique de cette envergure? Sûrement en supposant que les lecteurs de ce site n’iront jamais vérifier ce qu’on affirme au sujet de ce pays lointain. J’ai dans mon entourage au moins trois personnes qui roulent Japonais ou Allemand sans avoir eu le moindre souci avec les autorités fiscales, comme c’est le cas de la très grande majorité des nombreux propriétaires de véhicules de marque étrangère qui stationnent dans le parking de mon immeuble.

Que les représentants de constructeurs automobiles européens mettent en avant leurs points de vue partisans pour défendre leurs intérêts est de bonne guerre. Mais qu’un site d’actualité prennent les arguments de ces professionnels du secteur pour argent comptant est plus problématique. Il suffit d’avoir été régulièrement en Corée durant ces 20 dernières années pour s’apercevoir que le marché automobile coréen s’est considérablement ouvert aux marques étrangères. D’après l’Association des importateurs et distributeurs d’automobiles, les ventes de voitures importées en Corée ne se sont d’ailleurs jamais aussi bien portées, battant le record des ventes mensuelles en mars 2012.

Certes la Corée protège son marché intérieur grâce à des pratiques parfois contraires à la libre concurrence, certes les consommateurs coréens sont sensibles aux arguments de patriotisme économique. Mais si un secteur échappe à l’argument de l'”achetez coréen” c’est bien l’automobile. Car en Corée la voiture est le symbole de la réussite sociale. Il suffit de voir comment le gardien de mon immeuble de bureau ignore royalement ma vieille Hyundai alors qu’il s’incline religieusement à l’arrivée de n’importe quelle berline étrangère de luxe. Ce ne sont pas les constructeurs européens qui souffrent en Corée. Au contraire, les prestigieuses berlines allemandes ou japonaises jouissent d’un énorme succès. Il faut en avoir une à tout prix, même en leasing ou à crédit par une classe moyenne qui, à niveau de vie équivalent en Europe, considérerait qu’elle n’en aurait pas les moyens.

Mais lorsqu’il s’agit d’acheter une voiture plus modeste, pourquoi un Coréen choisirait-il une Peugeot plutôt que sa Kia nationale? Car il n’y a guère que les Français pour croire qu’encore aujourd’hui les voitures françaises ont un style à part et une meilleure tenue de route que leurs concurrentes coréennes. Et avant de râler contre d’éventuelles pratiques déloyales de la Corée, c’est peut-être sur ce problème que devraient se concentrer nombre de constructeurs automobiles européens.

 

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Immigration

L’herbe semble décidément plus verte ailleurs: en France les Coréens sont de plus en plus nombreux à vouloir s’y installer, attirés par les promesses de qualité de vie meilleure et d’une couverture sociale inimaginable en Corée. Étudiants dont le visa arrive à expiration, expatriés bientôt rappelés au siège, beaucoup cherchent à prolonger leur séjour au pays de Molière, notamment en rassemblant leurs économies pour ouvrir un restaurant coréen. Conséquence agréable pour le Parisien: on peut aujourd’hui manger un bibimpab décent dans n’importe quel arrondissement de Paris, ou même passer une soirée karaoke dans un noraebang comme à Séoul.

À l’inverse, ils sont de plus en plus de Français à vouloir tenter leur chance en Corée, les fraîchement diplômés notamment, à en croire le nombre de candidatures spontanées que je reçois à Séoul. S’agit-il de la situation économique en Europe et des perspectives peu réjouissantes qui poussent les Français à voir aussi loin de chez eux? Sûrement en partie, mais la plupart des candidats avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger mettent en avant leur goût pour la culture coréenne, sa gastronomie, son mode de vie, ou du moins ce que l’on peut en percevoir au travers des films et feuilletons “drama” coréens.

Mais comment peut-on décider de changer de vie à l’autre bout du monde sous prétexte qu’on a bien aimé tel film ou qu’on est fan de tel groupe de K-pop? Après tout, ne sont-ils pas nombreux à se fasciner pour les Etats-Unis à force d’être bercés par les productions hollywoodiennes? La construction d’un soft-power à la coréenne est peut-être bien en marche.

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Séoul – Paris

De retour à Paris après 7 mois d’absence en immersion à Séoul, les contrastes entre ces deux villes sont d’autant plus frappantes.

 

Le temps

Ca peut paraître une hérésie aux oreilles des provinciaux mais Paris est une ville où l’on peut prendre son temps. Bien sûr le Parisien a son lot de stress et d’urgences, mais comparé à son homologue Séoulien, il trouve du temps pour soi-même. Quel soulagement de voir parmi les passants quelques badauds, alors que marcher à Seoul ne se conçoit pas autrement que pour aller d’un point A à un point B dans un but précis. Quel plaisir de prendre un café sans autre ambition que celle de regarder les gens passer, alors qu’à Seoul il faudrait justifier cette consommation par un rendez-vous amical, galant ou professionnel.

 

Le service

A Séoul, le client est roi. Quand il commande un écran plat sur Internet, on le lui apporte gratuitement par coursier dans la journée. Quand il va au restaurant, il appuie sur un bouton et le serveur se met au garde à vous dans la seconde. Quand il fait ses emplettes aux grand magasin, il est pris en charge par un escadron de voituriers, portiers, vendeurs, conseillers… A Paris, réparer un problème de connexion internet peut prendre jusqu’à un mois à en croire plusieurs de mes amis victimes d’une telle mésaventure. Commander au restaurant est une entreprise périlleuse, tributaire des caprices des serveurs, eux-mêmes fidèles disciples de leurs patrons pour qui “si on n’est pas content, on n’a qu’à aller voir ailleurs.”

 

La misère

A Paris, la misère est visible. Les SDF squattent les bouches d’aération des rues calmes ou les quais des stations de métro. Ils sympathisent avec les gens du quartier, dont certains prévoient un budget quotidien à donner à “leurs SDF” et s’excusent de ne pouvoir répondre aux autres sollicitations. Aux terraces des cafés, les serveurs sont autant rodés à prendre les commandes qu’à chasser les miséreux trop insistants. A Séoul, la misère n’a pas sa place. Les clochards se cachent de honte car ne pas travailler c’est perdre la face. Tout juste peut-on en apercevoir à une heure tardive aux abords de la gare de Séoul. Tout juste peut-on s’émouvoir du sort de cette grand-mère ridée et accroupie à la sortie de la station de métro, vendant à même le sol quelques légumes, des paquets de chewing gum ou des portions de kimbabs pour cadres pressés.

 

Les femmes

A Séoul, les femmes montrent leurs sacs Vuitton, leurs belles jambes, leurs silhouettes fines et leurs visages refaits et parfaitement maquillés, qui émerveillent le regard de nombre d’expats fraichement débarqués tout comme ils suscitent l’envie des touristes chinoises de passage. A Paris, les femmes exhibent leurs sacs en lin commerce équitable, préfèrent un décolleté osé aux jambes dénudées et offrent une palette de styles variés, d’où se dégagent une originalité assumée, une forme de charme subtil, et l’assurance commune d’être les ambassadrices de l’élégance parisienne.

 

Les couples


A Séoul, la vie de couple semble s’arrêter avec la quarantaine. Au delà, on devient mères au foyer pour les unes et employés de bureau pour les autres. Sachant par ailleurs que jusqu’à l’université il n’est pas question d’avoir de petit(e) ami(e) car il ou elle nuirait aux études, on comprend vite pourquoi dans les rues, les seuls couples visibles ont tous entre la vingtaine et la trentaine. Les plus farouches (ou bourrés) d’entre-eux risqueront un baiser sur la bouche furtif la nuit dans le quartier étudiant de Hongdae ; le reste de la vie sentimentale est cachée derrière un voile de pudeur et inhibé par une grosse dose de fatigue et de stress. Est-ce pour cette raison que l’hôtesse de Korean Air annonce systématiquement l’atterrissage à Paris par un “Bienvenue à Paris, la ville du romantisme”? Car il est vrai qu’après un séjour prolongé à Séoul, voir ces couples de tous âges faire preuve de tendresse à Paris a quelque chose de rassurant.

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Collectivisme

Pour s’intégrer en Corée, il faut accepter que la collectivité prime sur l’individu et à la longue, c’est peut-être la différence culturelle la plus difficile pour les occidentaux individualistes que nous sommes, et particulièrement pour les Français, dont l’opposition de principe à toute représentation de l’autorité est un sport national. Car pendant que nous grandissions en apprenant que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres, on apprend aux Coréens qu’elle s’arrête surtout quand elle empiète sur l’intérêt du groupe.

Peu importe quel groupe d’ailleurs: la famille d’abord où trop souvent encore, le mariage consacre l’union entre deux familles (statut social, argent) au détriment du choix personnel des deux principaux concernés; l’entreprise bien sûr où les actes de dévouement des collaborateurs à la firme sont pléthore: un voyage d’affaire? On est prié de partager sa chambre d’hôtel avec un collègue; la fin de la journée? il faut la prolonger par une nocturne alcoolisée avec son équipe et son patron. Une envie de congés prolongés? On culpabilise parce que ce sont les collègues qui pendant ce temps se coltinent le surplus de travail…

Le groupe ultime, c’est la Nation. Et tout Coréen est plus ou moins habité par le sentiment qu’il a un devoir envers son pays: on travaille beaucoup parce qu’on y est obligé, parce qu’on est ambitieux ou qu’on doit assurer l’avenir matériel du foyer, mais également parce qu’il faut atteindre cet objectif de PIB par habitant de 30 000 dollars d’ici 2015 fixé par l’Etat. Lors de la crise financière asiatique de 1997, c’est cette même motivation qui poussa nombre de Coréens à faire la queue aux guichets de banque pour faire don de bijoux de famille et reconstituer les réserve d’or de la Banque de Corée.

Ces actes de solidarité et ce sens du collectif son admirables, voire salutaire en cas de crise, mais peuvent s’avérer casse-pied au quotidien, surtout pour les rétifs à la vie de groupe. Et si la prospérité économique et les aléas d’une société de plus en plus moderne poussent à plus d’individualisme, le sens du groupe reste très prononcé par rapport aux sociétés occidentales. Ca a l’air anodin comme ça mais essayez d’imaginer qu’au restaurant vous soyez toujours obligé de partager votre plat de spaghetti carbonara (le seul choix potable au menu de ce restaurant pseudo-italien) avec vos trois voisins de table, en échange d’une part de pizza crevettes ananas qu’a commandé l’un et de quelques cuillerées d’ersatz de risotto de l’autre. Ou imaginez que dans votre appartement, un haut-parleur non démontable soit installé dans le séjour pour que le concierge ou le syndic de copropriété puisse faire des annonces générales quand bon lui semble: une intrusion très agaçante pour beaucoup de Français, mais un moyen d’information simple et pratique pour beaucoup de Coréens.

 

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Dîner en famille

Le mariage récent de l’un de mes cousins fut l’un des rares moments offerts à la famille élargie de se retrouver: oncles et tantes venus de province ou d’Amérique, famille plus éloignée qu’on convie pour l’occasion, ou plus simplement, frères, soeurs ou enfants que le quotidien surchargé de Seoul empêche de réunir fréquemment. Alors que les jeunes mariés sont déjà en route pour leur lune de miel, le reste de la famille se retrouve comme il est de tradition chez les parents du marié, pour un grand dîner familial.

tandis qu’en cuisine, on s’affaire sous la direction de la maîtresse de maison entourée des femmes et des jeunes, une chose assez étrange pour un Français non averti arrive dans le salon: le père du marié, qui trône au milieu des hommes et de la génération des grands parents, s’empare de la télécommande et allume la télévision. Bientôt, tous les invités profitent de ce moment rare et précieux pour diriger leurs attentions vers cet écran plat dernier cri qui diffuse un talk show abrutissant ou la rubrique chiens écrasés du journal télévisé qu’ils pourraient regarder à n’importe quel autre moment.

Ma famille est-elle un peu particulière, où couvent l’un de ces secrets si traumatisants qu’il est préférable de faire diversion avec la TV plutôt que de se parler? Ou bien est-ce la société coréenne toute entière qui se lobotomise progressivement à coups d’émissions débiles diffusées partout, tout le temps? Car ici aucun restaurant, salon de coiffure ou autres salles d’attente en tout genre n’oubliera de mettre à disposition une TV (Samsung ou LG bien entendu) pour ses clients.

On est facilement tenté, moi le premier, de porter un jugement négatif et désolé sur l’omni-présence de la télévision qui remplace ces moments d’échanges précieux que sont les discussions en famille. Pourtant ce jugement ne peut pas être aussi catégorique, car si en France le partage passe par la conversation et que par conséquent il est important d’y accorder du temps, notamment lors des repas de famille, les Coréens ne ressentent pas nécessairement le besoin de se parler pour partager des moments qu’ils considèrent de qualité.

En réalité, les Coréens ont une culture beaucoup plus dominée par l’écrit que par l’oral. Et l’on s’en rend compte au fur et à mesure que l’on est confronté aux tâches de la vie de tous les jours, résolues à l’écrit en Corée, alors qu’elles le seraient à l’oral en France: un message à communiquer à un ami dont le portable ne répond pas? Là où nous laisserions un message vocal, les Coréens enverront tous un SMS, au point que personne ici ne personnalise son message de répondeur et que je n’ai moi-même pas reçu un seul message vocal sur mon portable depuis mes 1 an et demi de présence en Corée. Une réunion business importante ? Toutes les décisions seront souvent prises en amont par échanges d’email, la réunion ne servant souvent qu’à une cérémonie protocolaire pour entériner les décisions. Et même si la réunion est de moindre importance ou moins préparée, les participants discuteront souvent autour d’une feuille A4 où ils peuvent dessiner schémas, tableaux, ou plus simplement écrire les quelques mots clés. Appréhension d’une langue étrangère? Beaucoup de Coréens sont champions du monde du TOEFL, TOEIC, et autres tests d’évaluation écrits d’Anglais, mais les mêmes sont souvent incapables d’aligner deux mots.

Derrière cette façade un peu déprimante de dîner de mariage englué devant la télé se cache donc peut-être une forme de partage peu discernable pour ceux d’entre-nous à qui l’on a toujours appris qu’il était malvenu d’allumer la télé lors du rituel dîner en famille.

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Adopté

 

Campagne publicitaire de sensibilisation à l'adoption domestique

On commence à le savoir maintenant, Jean-Vincent Placé est né à Séoul, puis adopté par des parents normands, ce qui lui a valu l’attribut de “Coréen National” par le député Alain Marleix. Les adoptés d’origine coréenne sont près de 200 000 dans le monde, et plus de 11 000 en France selon le ministère de la santé coréen. Ceci fait de la France le deuxième pays d’accueil d’adoptés d’origine coréenne en nombre absolu, les pays scandinaves étant devant en pourcentage de la population.

Cette vague d’adoption commence au milieu des années 50, où la guerre de Corée déverse dans les ruelles boueuses d’un pays exsangue des milliers de bébés abandonnés, aux premiers rangs desquels des métisses issus de liaison entre GI ou casques bleus occidentaux et coréennes. Ces bébés métisses attirent tout autant la compassion du public américain qu’ils suscitent le rejet par une société coréenne qui ne saurait accepter de voir sa race souillée par du sang blanc ou pire noir.

Dans un élan de générosité et d’humanité – il est vrai fortement soutenu par la doctrine américaine du containment et de l’atmosphère du baby boom – les premiers coréens furent donc adoptés par l’Amérique. Figure emblématique de cet élan, le couple Holt, Harry et Bertha, américains et chrétiens évangélistes qui émus du sort des orphelins coréens suite à un reportage, s’envolèrent en Corée pour adopter huit enfants en 1955. Dans la foulée, ils créèrent la Holt International Children’s Services, agence d’adoption internationale dont l’activité en Corée a été centrale jusqu’à nos jours.

Mais l’histoire des adoptés d’origine coréenne ne se limite pas aux bonnes oeuvres chrétiennes pour sortir quelques misérables de la pauvreté, car le flux d’adoptés se serait alors tari au fur et à mesure que la Corée sortait de cette pauvreté. Or la Corée a été le premier pourvoyeur d’enfants à l’adoption internationale jusque la fin des années 80, époque où son niveau de vie avoisinait déjà celui des pays d’Europe du Sud. Si l’offre de Coréens à l’adoption n’a pas diminué avec la courbe de la pauvreté c’est que rapidement, les difficultés matérielles, bien qu’il ne faille pas les sous-estimer, ne furent pas les raisons principales aboutissant à l’abandon, puis le départ d’enfants coréens vers l’étranger.

En réalité, deux raisons majeures expliquent pourquoi la Corée a été jusqu’à une époque toute récente le plus grand pourvoyeur d’enfants à l’adoption. D’abord parce que ce pays a longtemps poussé le conservatisme confucéen jusqu’au bord de l’archaïsme. Aujourd’hui encore, la virginité de la femme est un critère placé haut dans la liste des conditions requises pour le mariage, surtout entre gens de bonne famille. Bien sûr dans la réalité les rapports sexuels avant mariage sont fréquents, mais même aujourd’hui il faut sauver les apparences, et il est extrêmement rare qu’un couple même fiancé, emménage ensemble avant le mariage. Dans ce contexte, le destin de la plupart des enfants nés hors mariage semble scellé.

D’autant plus scellé que l’adoption à l’international de ses ressortissants bébés a été depuis le début soutenu par le gouvernement de Seoul. Car quoi de plus efficace que les liens biologiques pour s’attirer les aides et faveurs de pays occidentaux? Encourager l’adoption internationale vers des pays “amis” a très vite été perçu par le gouvernement comme un moyen de renforcer les liens diplomatiques avec les pays soutiens indispensables, grâce aux liens affectifs véhiculés par des centaines de millers de ressortissants de pays occidentaux certes, mais dont les origines sont coréennes.

L’adoption internationale avait un autre avantage non négligeable: celui d’économiser les coûts liés au financement de ces orphelins qu’il fallait bien nourrir, loger, puis éduquer. L’adoption à l’international fut donc une économie de charges sociales, un transfert d’Etat providence en quelque sorte, qui expliquent peut-être pourquoi la France et les pays scandinaves furent les principaux pays d’accueil des adoptés d’origine coréenne, aux côtés des Etats-Unis,  l’allié historique. De fait les autorités sud-coréennes mettaient un grand soin à sélectionner les familles d’accueil en fonction du revenu, mais également du statut social afin que leurs futurs ex-ressortissants bénéficient du meilleurs cadre possible pour s’épanouir.

Dès les années 60 c’est donc un véritable dispositif national de recrutement d’enfants à l’adoption qui fut mis en place. Les femmes enceintes isolées étaient accueillies dans quelques centres de maternité et d’adoption, leurs accouchements pris en charge et l’adoption présentée comme la meilleure solution à leurs problèmes. Et dès la fin des années 60, chaque vol en provenance de Corée atterrissant dans un aéroport américain ou d’Europe de l’Ouest, dont Orly puis Roissy,  comprenait son lot d’enfants coréens faisant leurs premiers pas sur leur nouvelle patrie et sur le point de rencontrer leurs parents adoptifs.

Cette exportation humaine à des fins diplomatiques et économiques est-elle discutable? Elle est en tout cas culpabilisante si l’on en croit la réaction récente des Coréens eux-mêmes: c’est à la fin des années 90 que le gouvernement de Séoul se sensibilise au sujet des adoptés d’origine coréenne, notamment sous l’impulsion du président Kim Dae-jung qui en 1998 accueillit des représentants d’adoptés et leur exprima ses excuses pour l’incapacité de son pays à les avoir élevés. Lors d’une visite officielle en France en 2006, son successeur Roh Moo-hyun poursuivit cet effort de reconnaissance officielle des adoptés lorsqu’au cours d’une rencontre avec la communauté coréenne basée en France, il invita la Présidente de l’association Racines Coréennes, regroupant les Français adoptés d’origine coréenne, à venir s’exprimer à ses côtés à la tribune.

Mais les motivations ne sont pas uniquement de nature rédemptrice: à l’heure de la mondialisation, un réseau de quelques centaines de milliers adoptés d’origine coréenne répartis dans quelques unes des premières puissances économiques mondiales est vu avec beaucoup d’intérêt par le gouvernement coréen qui constate avec envie les bénéfices que son voisin chinois tire de sa diaspora internationale.

Au sein de l’opinion publique également le regard sur ces adoptés d’origine coréenne change. Longtemps occultée, la réalité des adoptés d’origine coréenne est redécouverte par les médias depuis les années 90, à coup d’émissions de type “Perdu de vue” et appels à témoins pour aider les adoptés revenus dans leur patrie d’origine à retrouver leurs parents biologiques. A coup de fictions-romances également mettant en lumière le destin d’adoptés “égarés” retrouvant finalement leurs racines en Corée.

Les Coréens ont donc certes un regard plus compassionnel envers les adoptés, mais n’en font pas pour autant des Coréens. Notamment parce que pour de nombreux Coréens, être Coréen c’est avant tout d’avoir des racines coréennes, une lignée d’ancêtres identifiables, reconnue comme de sang coréen et dont on peut revendiquer avec fierté l’appartenance. Demandez donc à un Coréen si les adoptés sont de “vrais Coréens”, beaucoup vous répondront par la négative: “parce qu’ils n’ont plus de racine”.

Décidément, il n’y a guère plus que Marleix pour penser que Placé est Coréen.

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Ne pas poser trop de question

J’ai beau avoir l’apparence d’un Coréen, parler écrire et lire en Coréen, il existe tant de différences culturelles et dans la façon de penser que je préfère annoncer rapidement aux gens autour de moi que je suis un simple “occidental”, afin qu’ils ne soient pas vexés par mes éventuelles maladresses, dont je vous livre un exemple récent.

Je suis invité à dîner par des amis et suis placé à côté du grand-père paternel de la famille, à qui je dois évidemment la plus grande déférence. Celui-ci, est vivement intrigué par ce pays si lointain qu’est la France, et je passe une grande partie de mon dîner à répondre à ses questions sur la vie là-bas. Naturellement tout le monde se tait lorsque le grand-père parle et toute la table se retrouve à écouter avec attention notre conversation sur la vie en France. Les questions tournent autour de la vie de tous les jours et il en vient à me demander si les Français dorment aussi sur un matelas chauffant les nuits d’hiver.

Sur le coup, je ne comprends pas sa question parce que le terme “matelas chauffant” (전기 장판, “jeongi jangpan”) ne fait pas partie de mon vocabulaire de Coréen. Je lui demande naturellement ce que signifie “jeongi jangpan”… Et les convives émettent tous un rire gêné, dont je ne comprends pas tout à fait la raison aujourd’hui encore.

Il s’avère que par cette seule question de vocabulaire, mon attitude aurait été insolente, car on ne met pas dans l’embarras une personne à qui l’on doit le respect en lui posant une question inattendue. D’ailleurs, il est généralement malvenu pour une personne de poser une  question à une personne d’un statut très supérieur (souvent c’est l’âge qui détermine ce positionnement), car poser une question est une obligation qu’on impose à son interlocuteur de répondre.

Comment aurais-je donc dû réagir? D’après mes amis, un Coréen se serait contenté de répondre oui ou non à la question du grand-père, même sans savoir de quoi il s’agissait, pour changer rapidement de sujet. Puis, une fois le dîner terminé et le grand-père alité,  il se serait renseigné sur la signification de ce mot, au plus proche des convives de ce dîner.

C’est incroyable comment l’attitude la plus naturelle pour les uns, peut paraître la plus saugrenue chez les autres…

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