Le TGV, ce fleuron de l’industrie française qui sauve les meubles de notre balance commerciale, mais pour combien de temps encore? Il y a 20 ans, notre TGV national remportait un contrat majeur pour équiper le territoire sud-coréen d’un réseau ferré à grande vitesse. Contrat remporté de haute lutte face à une rude concurrence allemande et japonaise et au prix d’un accord de transfert de technologies pour qu’à terme les Coréens puissent développer leur propre modèle de train à grande vitesse.
Côté Français, on pense que le jeu en vaut la chandelle: le marché coréen est important, il constitue en plus une bonne vitrine du savoir-faire technologique français sur la Chine, et les technologies transférées sont celles de la première génération de TGV, préservant ainsi à la France une avance technologique confortable. Livrer suffisamment de technologies pour vendre mais en garder suffisamment pour toujours garder un temps d’avance sur ses nouveaux adversaires : un savant dosage qui dépend notamment de l’évaluation qu’on fait de la rapidité à laquelle les clients d’un jour pourront assimiler les technologies livrées pour batir une offre concurrente.
En terme de rapidité, les Coréens se débrouillent: après quelques débuts difficiles dans la construction du réseau ferré (la Corée est un territoire à 70% montagneux) les premières lignes à grande vitesse sont mises en service en 2004. Les premiers KTX (Korea Train Express) ravissent des passagers bluffés de pouvoir faire dans la journée un aller-retour entre entre Seoul et Busan, la grande ville portuaire au sud-est de la péninsule. Mais pour les habitués d’un Paris – Lyon en TGV, rien de très excitant car mis à part la couleur, les logos et quelques écrans plats équippant les wagons, il s’agit exactement du même train que celui qui sillonne la France à 250km/h depuis le début des années 80.
La SNCF et Alstom peuvent-ils rester sereins? Ils ont vendu une version antérieure de leur joyau, dont par ailleurs il n’ont pas livré tous les secrets vu que les Coréens doivent continuer à importer certaines pièces de France. Sauf que dès 1996, la Corée lance son programme de développement d’un train à grande vitesse 100% indigène. Ils repartent des plans livrés par la France et mettent au point un KTX deuxième génération (KTX-Sancheon) capable de transporter 360 personnes à une vitesse commerciale de 305km/h, dont les premiers modèles furent mis en service en 2010. Cette mise en service en un temps record engendra d’ailleurs son lot de couacs et défaillances techniques forçant annulations et retards de trains.
Mais ces ratés s’effacent au fur et à mesure que la technologie coréenne des trains à grande vitesse avance. Début mai, le HEMU 430X, prototype de dernière génération fait ses premiers pas en parcourant une trentaine de kilomètres au sud de la péninsule. Doté de la technologie de traction distribuée comme l’AGV, le dernier né d’Alstom, il atteindrait la vitesse maximale de 430km/h et une vitesse commerciale de 370 km/h. Des performances pures peut-être encore en deça de l’offre française, mais si l’on prend en compte la capacité des Coréens à proposer des délais et des tarifs imbattables, on ne peut nier qu’en 20 ans, la Corée est passée du statut de client à choyer à celui de concurrent à redouter.