Pour s’intégrer en Corée, il faut accepter que la collectivité prime sur l’individu et à la longue, c’est peut-être la différence culturelle la plus difficile pour les occidentaux individualistes que nous sommes, et particulièrement pour les Français, dont l’opposition de principe à toute représentation de l’autorité est un sport national. Car pendant que nous grandissions en apprenant que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres, on apprend aux Coréens qu’elle s’arrête surtout quand elle empiète sur l’intérêt du groupe.
Peu importe quel groupe d’ailleurs: la famille d’abord où trop souvent encore, le mariage consacre l’union entre deux familles (statut social, argent) au détriment du choix personnel des deux principaux concernés; l’entreprise bien sûr où les actes de dévouement des collaborateurs à la firme sont pléthore: un voyage d’affaire? On est prié de partager sa chambre d’hôtel avec un collègue; la fin de la journée? il faut la prolonger par une nocturne alcoolisée avec son équipe et son patron. Une envie de congés prolongés? On culpabilise parce que ce sont les collègues qui pendant ce temps se coltinent le surplus de travail…
Le groupe ultime, c’est la Nation. Et tout Coréen est plus ou moins habité par le sentiment qu’il a un devoir envers son pays: on travaille beaucoup parce qu’on y est obligé, parce qu’on est ambitieux ou qu’on doit assurer l’avenir matériel du foyer, mais également parce qu’il faut atteindre cet objectif de PIB par habitant de 30 000 dollars d’ici 2015 fixé par l’Etat. Lors de la crise financière asiatique de 1997, c’est cette même motivation qui poussa nombre de Coréens à faire la queue aux guichets de banque pour faire don de bijoux de famille et reconstituer les réserve d’or de la Banque de Corée.
Ces actes de solidarité et ce sens du collectif son admirables, voire salutaire en cas de crise, mais peuvent s’avérer casse-pied au quotidien, surtout pour les rétifs à la vie de groupe. Et si la prospérité économique et les aléas d’une société de plus en plus moderne poussent à plus d’individualisme, le sens du groupe reste très prononcé par rapport aux sociétés occidentales. Ca a l’air anodin comme ça mais essayez d’imaginer qu’au restaurant vous soyez toujours obligé de partager votre plat de spaghetti carbonara (le seul choix potable au menu de ce restaurant pseudo-italien) avec vos trois voisins de table, en échange d’une part de pizza crevettes ananas qu’a commandé l’un et de quelques cuillerées d’ersatz de risotto de l’autre. Ou imaginez que dans votre appartement, un haut-parleur non démontable soit installé dans le séjour pour que le concierge ou le syndic de copropriété puisse faire des annonces générales quand bon lui semble: une intrusion très agaçante pour beaucoup de Français, mais un moyen d’information simple et pratique pour beaucoup de Coréens.
Je me souviens de la première annonce sur le haut parleur dans mon appartement, je me suis crus dans 1984 ^ ^
Merci (encore) pour ce billet fort intéressant !
Incroyable le coup du haut-parleur non démontable, je devine à quel point ça doit être agaçant d’entendre des annonces comme dans un supermarché chez soit !
le coup du haut parleur est vraiment incroyable.
“allô, le monsieur du 6ème, vous êtes prié de baisser un peu la musique…”
manque plus que la caméra!
“…et cessez de bouder ainsi quand on vous cause, c’est pour le bien de l’immeuble”
bah, le collectivisme est pire en Europe, quand l’Etat décide, sous couvert de “neutralité”, de déterminer quelles sont les valeurs officielles
par ailleurs, en France, mêmes les conversations privées sur les nouveaux tabous sont passibles de poursuites criminelles, un retour en arrière à avant 1789 voire à avant le 13ème siècle (quand les théologiens ont distingué le “crime” et le “péché”)…
car en Europe, “toutes les opinions sont égales mais certaines le sont plus que d’autres”…ça c’est