Vue d’Asie, la Corée du Sud est une petite pointe de terre coincée entre les géants chinois, russe et japonais. C’est peut-être la raison pour laquelle peu en Europe s’intéressent à ce pays car pourquoi s’arrêter à Séoul, lorsque Shanghai et Tokyo sont à moins de 3 heures de vol? Mais transposons ce pays en Europe: avec une population et un PIB au même niveau que celui de l’Espagne et une croissance économique de 6% en 2010, la Corée ne serait-elle pas l’un des piliers de la zone euro?
L’entrée en vigueur le 1er juillet dernier de l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et la Corée contribuera peut-être à hausser le niveau d’intérêt des européens pour la Corée. Encore faudrait-il que cet accord favorise réellement le libre-échange et de mon point de vue de PME exportatrice de vins en Corée, les choses ne me paraissent pas aussi évidentes.
Sur le papier, que du bonheur car les droits de douane auxquels étaient soumis les produits de nos chers vignobles vont disparaître progressivement. Mais dans la réalité, le gouvernement coréen ne voit pas d’un si bon oeil l’engouement de ses concitoyens pour le vin. Car face au vin, le Soju et le Magkolli, deux alcools coréens, le premier à base de patate douce, l’autre à base de riz, ont également des ambitions d’abord de préserver leurs parts de marché en Corée, puis de venir concurrencer le vin à l’international. Seul hic pour ces deux concurrents locaux: leurs productions artisanales ont été stoppées dans le courant des années 70, lorsque le président Park de l’époque interdit l’usage des récoltes pour la fabrication d’alcool. Si bien qu’aujourd’hui, même si les alcools coréens se vantent d’une tradition millénaire, nombre de savoir-faire ont été perdus, tandis que la grande majorité d’entre eux sont issus de fabrication industrielle.
Par contre ces alcools locaux ont un avantage concurrentiel imbattable: le prix. Ainsi, une bouteille de Soju s’achète à 1 Euro, lorsqu’une bouteille de vin, même la plus imbuvable, vous en coûtera 15. C’est cet avantage que les Coréens espèrent bien garder malgré l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange. Et les moyens pour y arriver sont nombreux.
Prenons un exemple schématique : vous voulez exporter 10 bouteilles de Grand Cru classé de Bordeaux qui vous ont coûté 100 euros pièce transport compris, soit un coût total de 1000 euros à l’arrivée à la douane en Corée. L’accord de libre-échange est entré en vigueur et c’est à votre plus grande joie que vous apprenez que vos bouteilles ne sont plus soumises aux droits de douane de 15%. Vous avez donc économisé 150 euros au total grâce à cet accord: un montant non négligeable.
Mais qui dit importation ne dit pas seulement droits de douane, mais également formalités douanières. Et pour l’importation de vins, dans la plupart des cas, vos bouteilles devront passer l’analyse en laboratoire effectuée par la douane, et ce alors même que vous avez déjà fourni les résultats d’analyses en laboratoire effectuées par le vigneron en France. Cette analyse coûtait 60 euros en 2009, mais par une inflation fulgurante et mystérieuse, elle coûte 210 euros aujourd’hui, soit une augmentation de… 150 euros.
Sans oublier que pour procéder à l’analyse, les douaniers doivent vous prélever une bouteille de votre grand cru de votre cargaison. Je me reconvertirais bien en douanier coréen moi si je me plante dans l’exportation de vin.