C’était un dimanche, les cloches sonnaient. Sur une bande son au bruit de sabots, les portes du jardin s‘ouvrent et débute le défilé. Féminines et élégantes les femmes d’Alexis Mabille habillent l’hiver de couleurs chaudes, marron, beige, camel. Les carreaux sont travaillés en oblique, les tissus monochromes se gansent de couleurs, en opposition.
Des imprimés cachemire, à l’indienne avec foulards à franges. La maille se drape, bicolore, En guise de ceinture, une grande corde tressée et colorée. Jolie robe en rectangle juste nouée avec effet drapé. En accessoire, le sac noeud cher au créateur. Beaux manteaux marine. Le soir aux allures de tailleur smoking et jupe avec touches de satin.
Epoustouflant, ébouriffant. Le défilé de Comme des garçons est pour les amateurs de « vraie » mode, de création pure et de radicalité, l’événement de chaque saison à Paris. Avec sa vision très personnelle, Rei Kawakubo trace un sillon particulier et merveilleusement à l’écart de sentiers trop battus. Particulièrement magique, cette saison emporte sur les rives d’assemblages étourdissants de matières, de formes et aussi de couleurs. Un défilé en deux temps où s’entremêlent oeuvre au noir (ou bleu) d’un vêtement en déconstruction avec des jeux de longueurs, d’asymétrie, d’opacité, de transparences et puis l’irruption intempestive de tissus bariolés.
Et si le devant est long (vêtement presque tablier noué de liens), le dos surprend, presque coquin, à découvert. Petites culottes à froufrous et austères vêtements se marient. Des noeuds, des bouillonnements, le vêtement s’attache, se boursoufle. Des tissus multicolores dans l’esprit de foulards de soie deviennent, une fois assemblés, chemise, jupe ou intrigant total look. Des noeuds et un esprit baroque incroyable avant un final à l’effet Midas de modèles entièrement dorés, pactole d’une collection en or.
P.S. L’auteur de ce blog, confesse, avoue, assume avec une objective subjectivité (ou l’inverse) une admiration sans borne et sans faille depuis plus de vingt-cinq ans pour Comme des garçons.
lire le billetUn décor arty de grillages et de néons en épis innerve le podium pour y faire souffler un esprit frondeur et rebelle cher à une maison qui a débuté aux alentours de mai 68. Nathalie Rykiel a placé la saison sous le signe de l’outre-Manche avec une ambiance smog et des inspirations so british. Les couleurs vives se télescopent. Un poil de fourrure se met à carreaux sur les tartans.
De la maille avec l’esprit un peu trompe l’oeil, des noeuds en appliques, des losanges revisités. La rayure traditionnelle zèbre aussi la collection en maille et paillettes.
Sur bande son de Sophie Calle se décrypte ” No sex last night”, mais le programme de la citadine Rykiel qui déambule est plus déluré.
lire le billetCréatrice belge, mais du côté wallon, Véronique Leroy a toujours eu une vision forte de l’univers féminin. Elle imagine pour l’hiver prochain une « secretaire ambitious » dans une collection réussie où sa femme s’affirme avec énergie et indépendance. Ses formes sont plus enveloppantes, plus amples et cela lui va bien. Très joli duffle coat, les peaux lainées sont douces, un jeu de chevrons géométrise la silhouette, les robes jouent des effets drapés.
Un beau rouge sang de boeuf laqué de vinyle remonte dans le temps.
Un thème de robes à petites fleurs et se revisite l’esprit des petits robes Rive gauche à voir dans la nouvelle exposition à la fondation Yves Saint Laurent.
Plane aussi l’esprit « aviator » sur une collection qui survole l’air de Lindbergh chanté par Charlebois. « Alors chu’r parti Sur Québec Air, Transworld, North-east, Eastern, Western Puis Pan American… »
Bataille d’hiver pour le duo hollandais avec une collection guerrière. Viktor & Rolf partent en croisade et redécouvrent des archétypes médiévaux ; chevalier, croisé, uniforme… Si leur présentation n’est pas conceptuelle, leur style est là. Le maquillage donne le ton, femmes aux peaux rouges (visage peint) sur le sentier de la croisade.
Rouge vif, rouge sang pour collection noire.
Formes géométriques exacerbées, manches étroites qui s’évasent, cols en superposition, volumes, rubans… le vêtement se mue en moderne armure. L’allure intrépide s’écrit avec des formes qui ont du piquant. La gamme de couleur tournoie autour des gris, noir (mais aussi blanc) et pointes de métal, vif argent.
Surgit parfois une bande de couleur rouge, écho aux visages peints. L’utilisation du feutre ajoute une dimension plus rude, complétée par le choix de bords francs pour certaines coutures. Les petites touches V & R ressurgissent avec la sur-dimension, les noeuds, les pliages. Le passage au blanc est plus doux.
Quant au motif de rose, il peut aussi susciter des guerres.
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lire le billetFéminité, Martin Grant imagine de l’allure pour ses femmes longilignes et chics. Du très long avec les manteaux droits dans des couleurs sourdes.
Des touches de cuir viennent animer les modèles. Le rouge est mis avec des passages en coquelicot vif.
Des cols drapés, des robes nouées font bouger la silhouette. Du graphisme et de la géométrie avec des zigs et des zags ; les assemblages d’imprimés de couleurs différentes se posent joliment de façon asymétrique.
Lumineux passage au blanc tandis que l’hiver se réchauffe de fourrure.
lire le billetNoir magistral, noir parfait, la collection de Junya Watanabe le broie, le construit, le magnifie. En bande son, l’Ophélie de Rimbaud : « Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles….. sur le long fleuve noir ». Oui, la belle Ophélie est « fantôme blanc », « neige », « la Blanche Ophélia flotter, comme un grand lys ». Les mannequins de Junya Watanabe ont les cheveux blonds en pétard, l’allure un poil rebelle et le maquillage en touches de blanc peint sur la coiffure. Le noir est mis, le noir des vestes de bikers, prêts comme Marlon Brando pour Equipée sauvage, mais avec une grande jupe plissée ou en volume.
Le twist des styles métamorphose la silhouette. Le cuir devient souple, travaillé en drapé ; les silhouettes « sharp » se zèbrent de zips. Capes enveloppantes ou taille cintrée, serrée, les modèles varient. Et puis surgit et rugit un imprimé fauve, fourrure tachetée à poils hérissés. Grosse laine, teddybear pas loin ; maille fine dans des dégradés anthracite. Et toujours un travail de coupe magistral. La perfection de l’oeuvre au noir.
Si la crinière est un peu punk et colorée, la collection de Yohji Yamamoto ajoute au noir signature une féminité rock et sexy qui lui va bien. Des résilles transparentes, des traces d’imprimés fleurs, de la déstructure. Un beau motif plume s’envole.Dans les silhouettes puzzles, les jeux de transparence se multiplient. L’oeuvre au noir dessine une série de manteaux amples.
Le rouge est mis, se superpose en transparence, amplifie les volumes, en touche punk s’affiche en bas résille.
Très ajourée la maille se couvre d’éléments graphiques, découpes géométriques.
Très japonaise l’asymétrie télescope avec bonheur des modèles à crinoline apparente, vert, rouge, noir, pour silhouette en majesté.
Quelques motifs « floraux », des dentelles retravaillées, une touche de laine ivoire semée de fleurs noires… Le noir reste noir, mais pimenté de rouge pour femme audacieuse et intrépide.
Photos Monica Feudi
lire le billetVariations sur le même thème pour l’hiver de la Maison Martin Margiela qui imagine une robe dont les zips s’ouvrent pour laisser apparaître une autre matière. Le cache-cache de vêtements incisés de fermetures éclairs se mue en avatars de robes qui deviennent veste et sur-jupe. Quelques effets de transparence (encolures) esquissent une touche de légèreté amplifiée par des pièces dans une gamme de tons chairs. Particulièrement réussie est l’opposition d’une robe rouge s’entrouvrant pour que surgisse un cuir laqué sombre. La jupe verte s’écarte, se suspend en panneau de travers et apparaît son alter ego ivoire.
Robe et gilet façon twin set en laine bouillie.
Des liens tombent avec nonchalance.
Et pour le soir (ou pas) de très longues jupes en laine, cuir laqué, amples et imposantes. Après toute une variation dans des couleurs très sobres, un gris s’imprime de fleurs violettes tandis qu’un passage joue le prune sur du velours. Robes longues féminines chiffonnées, drapées ou amples housses, jeux de plissés…
L’ouverture très « work in progress » s’inscrit dans le droit fil du style de la maison MM.
lire le billetHormis la présence de badauds et le renfort de forces de police, le défilé de Dior s’est déroulé de façon tout à fait normale. La maison a géré au mieux la situation avec en préambule un discours de Sidney Toledano pour réaffirmer les valeurs d’ancrage de la marque. En guise de final, ce sont les petites mains des ateliers qui, en blouse blanche, sont venues saluer.
Point de folie, ni trop d’exubérance dans ce défilé à voir comme une collection de transition.
Après un passage de capes et de bottes enlevé, la femme de l’hiver est plutôt tendre et romantique. Belles matières, détails de fourrure (bas de manches), de cuir. Le pantalon de longueur knicker est en vedette avec, en plus court, un short un peu babydoll.
Des superpositions, un hommage à l’esprit dandy des poètes anglais ajoutent à l’inspiration plutôt romantique et douce. Pour le soir la femme évanescente s’habille de transparences tandis que paillettes et broderies ajoutent la touche de luxe so Dior.