Second life

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Ko and Co   J-CC de Castelbajac

Une deuxième vie pour les vêtements existe, je l’ai croisée à Drouot. Véritable cour des miracles où chantent les rossignols de garde-robes. Successions, liquidations, rangements se transforment en nettoyages d’hiver ou de printemps. Une auberge espagnole de la création affiche un menu étrange passant de la haute couture (certains modèles avec leur numéro) au tout venant. Ce dont les uns souhaitent se débarrasser peut faire le bonheur absolu des autres. Collectionneurs mordus et musées de la mode à l’affût de chaînons manquants dans l’histoire de leurs collections suivent ces ventes où, dans un délicieux méli-mélo de pièces, peut se découvrir LE vêtement convoité, LA pièce rare. Sont aussi assidus de simples particuliers qui viennent étoffer leur garde-robe à bon compte. Entre les deux s’agite une foule bigarrée, allant du touriste en goguette à la bourgeoise en fourrure.

Une éclectique typologie de clients se décrypte au fil des ventes.

-Les concombres masqués ont donné des ordres à ne pas dépasser ou alors sont joignables par téléphone pour participer en direct aux enchères. Une robe de Vivienne Westwood période punk comme la boutique ouverte avec Malcolm Mac Laren dans King’s Road s’est vendue 1600 euros.

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Une robe de Paquin (circa 1940-50) eut aussi ses amateurs et atteint la somme de 2900 euros.

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Une ceinture corselet en cuir d’Alaïa déchaîna les passions à 3.000 euros.

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Si les pièces les plus belles atteignent parfois des sommets, il y a aussi dans chaque vente des merveilles qui quittent modestement la salle.

-Les professionnels. En Zorro, incognito ou en personne. Collectionneurs ou propriétaires de boutiques vintage de France ou de Navarre, mais aussi de Grande-Bretagne ou d’Asie. L’oeil aguerri, la main vite levée, ils sont prêts pour la bataille.

-Les bourgeoises en goguette. Pour occuper une après-midi à bon prix, il suffit d’arriver tôt dans la salle. Squatter des chaises et n’en pas bouger. Se donner des frayeurs avec un budget maximal de 50 euros et enchérir férocement par palier de 5 euros alors que le commissaire priseur s’évertue à demander des tranches de 10 euros…

Dame Renard, dame Vison et dame Astrakan sont venues de conserve et étaient particulièrement en verve. Les habits neufs de l’empereur, on ne leur fait pas. Petites tranches de vie, napolitaines et spontanées de ces dames en quête du mouton à cinq pattes : pratique, très peu cher et d’une griffe (re)connue.

A propos de la robe Westwood. « C’est un Galliano peut-être ? Il y a plein de trous. Cela fait cher le trou… »

A propos d’une paire de chaussures en raphia et daim (circa 1942) : « Elles ont fait la guerre ».

A propos d’une robe couture Nina Ricci des années 70. « On dirait du Kenzo ». « Les plumes de paon, c’est très chic ».

A propos d’un sac Chanel : « Les Chinois font les mêmes pour 10 euros, j’en ai acheté dix » (ndlr : voir les mesures anti-contrefaçons et les peines encourues pour recel !).

A propos d’une vente « mixte » : « Il y a trop de trucs pour hommes. Ils mettent des polos avec des foulards  maintenant ! ».

En général : «Je ne fais pas le trottoir avenue Montaigne ».

A propos de petites pochettes Hermès ou Charvet : « On ne peut même pas se moucher dedans ».

A propos d’une robe en jersey LV : « Ca fait vieux et triste, c’est déprimant ».

A propos d’un petit sac en croco « C’est trop petit, c’est moche, c’est QQ, c’est pour VIP. On ne peut rien mettre dedans. »

-Les petits futés. Hommes ou femmes, ils viennent faire des affaires, acheter les pièces qui n’intéressent pas les fashion victims et qui permettent de s’habiller correctement à bon prix.

-Les fashion victims aiment les vêtements griffés, les belles pièces souvent inaccessibles à prix plein, encore chères pendant les soldes, fréquentables en braderies et parfois très intéressantes en ventes publiques quand il n’y a pas de prix de réserve.

Le personnel de la salle de vente est aussi en verve.  « Touchez, c’est mieux que les Galeries La Fayette. Vous voulez toucher une deuxième fois ? »

Et quand passe suavagement une peau d’ocelot bien fauve : « Brigitte Bardot ne serait pas contente ».

Le commissaire–priseur participe aussi à l’animation et personnalise les échanges. « Le jaune est à la mode cet été ». Quand un monsieur enchérit pour un vison : « Vous êtes contre une femme, aucune chance ». Et quand le téléphone sonne. « C’est New-York ! Ils se réveillent ».  A propos d’une besace Vuitton : « Pratique en plus ». Quand la salle semble amorphe. « Vous dormez ! ». Admirative : « Quand on dit que Saint Laurent se reconnaît à des kilomètres, c’est comme une belle Rolls ».

Ventes d’emploi

-Après avoir écumé quelques ventes dans le secteur de la mode, je les guette désormais avec bonheur.

-Spectaculaires, certaines ventes permettent d’admirer des pièces d’exception. La vente Soraya en 2002 adjugea des trésors de valeur (bijoux, tapis, mobilier), mais aussi une garde-robe et des bijoux fantaisie. Loris Azzaro y assista pour revoir ses robes acquises par la princesse. (Modestement, j’acquis le Cadillac de Soraya, un petit sac Dior avec plaque minéralogique). Pophipop (2003) avec des objets d’art des collections Jean-Charles de Castabajac vit défiler des merveilles de robes peintes, ainsi les hommages à Warhol et à la soupe Campbell’s. La vente Poiret en 2005 permit de découvrir une précieuse collection en provenance de la famille. 6.000 visiteurs parcoururent l’exposition et la vente atteint des records. D’apparence très simple (mais magnifique), un manteau en toile de lin épaisse, dit manteau d’automobile, atteignit la coquette somme de 131.648€.

-A côté de ces ventes prestigieuses, des thématiques ou par maison (les chéris de ces dames : Chanel, Hermès, Vuitton…) où se recrutent monomaniaques et femmes du monde. A la vente Roger Vivier se découvrirent ses collages et de précieux prototypes du maître du soulier (il a inventé le talon aiguille, la cuissarde…) que l’on pouvait acquérir à l’unité, point de paires.

-Les ventes les plus amusantes sont les éclectiques, celles où il y a des surprises et des creux favorables aux bons achats. Un trench Burberry côtoie un Pierre Cardin en passant par un Lanvin d’aujourd’hui ou un Diamant noir d’hier sans oublier de charmants anonymes.

En mode, quelques experts occupent le terrain.

-Françoise Auguet a notamment orchestré la grande vente Poiret et a pignon sur rue à Saint Germain des Prés.

-Le duo d’experts Chombert & Sternbach organise très régulièrement des ventes dont une prochaine Chanel en deux jours fin février.

-Nouvelle venue, mais particulièrement charmante, Penelope Blanckaert est diplômée de l’IFM et organise des ventes parfois thématiques (mode japonaise…), parfois mixtes  (masculin-féminin) et généralistes (mode du XXè siècle…).

-Parmi les commissaires-priseurs qui orchestrent les ventes, mention particulière à Artcurial où l’ambiance est souvent beaucoup plus amicale et pas intimidante pour les nouveaux acheteurs.

-Sans être expert, il est possible de progresser dans la connaissance de magnifiques pages de mode. -Apprendre à distinguer une ligne bis d’une ligne majeure. -Voir si l’objet possède sa griffe. -Savoir que le « attribué à » est sans garantie. Mais peut-être surtout acheter des coups de coeur.

-Ne pas oublier qu’il y a des frais à ajouter, ils varient en fonction des ventes, mais au final aux alentours de +20%.

Au bonheur des dames et parfois des messieurs.

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