Si la phrase de Caton (Carthago delenda est) demeure un fascinant souvenir d’école, la découverte de Carthage à l’heure de la mode dessine un nouveau contour à cette ville mythique. Enjeu des guerres puniques, Carthage fut, dit la légende, astucieusement fondée par Didon.
Aujourd’hui L’Acropolium de Carthage accueille les défilés sur le site de l’ancienne cathédrale Saint Louis, désormais désacralisée. Belle architecture au style byzantin émaillée de touches mauresques, le lieu peut accueillir des centaines de personnes dans sa nef. A l’origine du festival de mode, Syhem Belkhodja (qui a déjà à son actif un festival de danse prestigieux) a imaginé une manifestation loin des fashion week qui fleurissent aujourd’hui aux quatre coins du monde et qui tentent de promouvoir des créations locales très influencées par les passages en boucle de Fashion TV. Cette nouvelle manifestation a la particularité d’être ouverte à tous et a la simple et belle ambition de donner à voir la mode. Le grand public doit simplement faire la démarche de retirer un ticket d’entrée pour avoir accès aux défilés. Pendant quatre jours, la soirée est occupée par cinq défilés qui s’enchaînent, rapidement pour conserver l’attention du public. Des univers très différents se succèdent : des créateurs confirmés, des jeunes, des maisons qui viennent de Paris et des stylistes venant de différents pays d’Afrique. Ce joyeux métissage de styles ajoute l’éclectisme à une présentation éminemment sympathique. Cette nouvelle rencontre Orient Occident va du minimalisme épuré aux chatoyances des belles orientales.
-Ahmed Bel Hasssani vient du Maroc et puise son inspiration dans son pays avec des noms de collections, hommages géographiques : Au travers des sables, Week-end à Fès… Sa collection Escale à Shangri-la part sur le territoire de l’imaginaire tandis que fleurissent sur ses toiles de coton des fleurs brodées.
-Ouarda Helli s’inspire du folklore d’Algérie et imagine des tenues pour belles des mille et une nuits. -Siham El Habti prend la relève de la maison de mode que sa mère a créée au Maroc où le caftan est à l’honneur avec sa collection de Dream Caftans.
-Nabil Younes. D’ascendance tunisienne et libyenne, le créateur a étudié à Paris (Esmod) et a ouvert une maison au Liban. Pour le festival, il a imaginé des robes très habillées autour du thème de Carthage.
-Imane Ayissi vient du Cameroun et tente une hybridation entre l’Afrique et l’Occident. Avec Fashion Ghost, il développe très joliment une collection blanche et une collection noire.
-Clara Lawson Ames. Togolaise et burkinabaise la créatrice utilise le tissu wax hollandais Vlisco avec des coupes plus occidentales.
-Marie Bishara travaille en Egypte, mais défile également à Paris où elle présente ses collections réalisées avec le coton égyptien.
-Katherine Pradeau. Française, elle a notamment imaginé une collection « Caravanes » en collaboration avec une Ong du Niger.
-Didier Ludot. Antiquaire de mode, Didier Ludot a fait partager sa passion du vêtement en proposant une sorte de rétrospective de mode occidentale et très parisienne avec des modèles de Chanel, Courrèges, Dior…
-Adeline André. Membre de la Haute couture, la créatrice a proposé avec délicatesse et raffinement une sorte de happening conceptuel où son mannequin fétiche, Charlotte Flossaut portait ses robes en superpositions. Un moment de grâce et de fantaisie (l’esprit « corde à linges »).
-Faissal El-Malak. Palestinien et canadien il a étudié à Paris (Chardon-Savard). Pour sa présentation, il s’est inspiré des années 6O et d’un univers en hommage à Stanley Kubrick.
-Oliver Swan a fait défiler d’habillées robes du soir.
-Farès Chrait. Tunisien diplômé de la London School of Fashion, il a fait un stage chez Azzedine Alaïa. Sa marque Berbers mêle ses origines à des influences punk ou rock… notamment dans le travail du cuir.
-Said Mahrouf. Né au Maroc, il a grandi en Hollande et y étudié ainsi qu’à New York. Il crée des collections très féminines, mêlant à des découpes géométriques des drapés.
-On aura tout vu. Le duo formé par Yacen Samouilov et Livia Stoianova défile à Paris au moment de la couture. En ce moment Lady Gaga porte régulièrement leurs créations les plus excentriques. Pour Carthage, ils ont choisi un florilège de différentes collections pour montrer leur inspiration baroque, leur travail de broderies et leur humour.
-Anne Valérie Hasch. Française, elle a joué à confondre l’un et l’autre dans des collections androgynes où les vestiaires masculins et féminins se confondaient ; mais la créatrice sait aussi jouer de la féminité. Sa dernière collection transformait des pièces ayant appartenu à des personnalités : le pyjama d’Alber Elbaz en combinaison smoking, une robe de Bettina Rheims en bottes…
-Maurizio Galante. Italien, le créateur de Haute couture à Paris a clôturé le festival avec un magnifique défilé concert avec au piano Jeff Cohen et la voix de Pauline Sabatier. La jeune cantatrice s’est joliment prêtée au jeu de l’habillage sur scène entre chaque chant (dont Didon…). Raffinement des mousselines, travaillées en superpositions, formes enveloppantes, découpes en volutes. Photos Wassim Soltani
Ce sont les robes très futuristiques (l´une avec le truc en rose vif) ou très fabuleuses (les unes en noir et verte). Mais il y a aussi les classiques de Chanel. Bonne mélange!