
Traditions, croyances, superstitions au Japon se révèlent dans les portraits de Charles Fréger : Yôkaïnoshima. Pendant à son travail occidental sur les « Wilder Mann », cette série a été réalisée de 2013 à 2015 et présentée à Tokyo à la Maison Hermès de Ginza.

Charles Fréger a parcouru le Japon pour y découvrir us et coutumes traditionnels et populaires dans une nature peuplée de créatures hybrides aux costumes chatoyants. Si des animaux se découvrent, ce sont surtout les figures végétales qui reflètent le mieux la civilisation japonaise et son attachement à l’agriculture. Une plante se distingue, le cogon (Imperata Cylindrica décrit par Linné) qui ressemble un peu à l’herbe de la pampa et peut être utilisé pour les habitats ou en médecine. Ce végétal tisse un lien avec la mythologie des origines du Japon. Vêtu d’un chapeau et d’un manteau de paille, le jeune et turbulent Susanoo (frère d’Amaterasu) a été chassé par les dieux et ne trouve personne qui accepte de l’accueillir. La symbolique du vêtement de paille « repoussoir » est demeurée vivace dans l’archipel.

Formes curieuses, constructions parfois complexes (intrications proches de créations de Comme des garçons !) se déploient dans un folklore de couleurs. Les mangas n’ont pas à chercher bien loin des sources d’inspiration pour leurs hybrides fantaisistes.

Le photographe a travaillé avec Jumpei Matsushima, un architecte scénographe qui a mis en scène les silhouettes dans les paysages du Japon. Au cours de ce périple de 58 lieux se dessine une magnifique cartographie de l’archipel : montagnes, mers, îles, grottes,… une vision d’une nature ouvrant le champ au surnaturel de silhouettes baroques, démons, fantômes… Masques ou chapeaux souvent oblitèrent les visages pour accentuer la métamorphose.

L’exubérance des couleurs qui se découvre dans ces clichés a un écho dans les costumes du kabuki et s’est traduite en mode avec des designers comme Kansai Yamamoto, mais aussi Issey Miyake ou même Kenzo (mais moins « Japonais »).
Un superbe témoignage d’une culture encore présente aujourd’hui, mais sans doute déjà de moins en moins vivace.

Après l’exposition à Tokyo, Ginza Maison Hermès le Forum la publication des photos en 2016 chez Actes Sud.
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