Matières. Voyages aux frontières de l’invisible

 

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Bel exercice que la rencontre entre Guerlain et la photographie. Avec la complicité de Jean-Luc Monterosso (MEP), la thématique de cette année se penche sur les « matières ». Si en parfumerie, elles se (con)fondent en ingrédients, en photographie, la porte s’ouvre sur les quatre éléments. Avec un magnifique cliché de Mario Giacomelli de sa « Storie di Terra », la terre, en noir et blanc, se dessine, se strie de sillons. Apocalyptique, Sebastiao Salgado enregistre le labeur d’un « Combattant du feu protégé par la vaporisation de produits chimiques » lors d’un désastre au Koweit en 1991.

Feu - Salgado - Combattant du feu

Feu poétique pour Bernard Faucon et son explosion en plein air.

Feu - Bernard Faucon - La Boule de Feu ∏ Agence vu

Avec Sully-Sur-Loire, Mimmo Jodice unit terre et air avec son paysage balayé par une bourrasque de vent.

Epreuve aux sels d’argent

Et aussi Harry M. Callahan, Irving Penn, Daido Moriyama…

Haut, très haut dans notre univers, des photos prises de Mars réalisées par la Nasa et publiées aux éditions Xavier Barral.

Meridiani Planum - large et jeune cratäre ∏ Nasa _ JPL _ The University of Arizona _ êditions Xavier BarralFormes foliesques sur le fond du cratäre Antoniadi ∏ Nasa _ JPL _ The University of Arizona _ êditions Xavier Barral

Dans une installation en numérique (datant de 1988 !), Les pissenlits d’Edmond Couchot et Michel Bret, le spectateur souffle sur les fleurs qui se désagrègent dans les airs de l’écran ; ludique et poétique. Un écho aux fleurs qui ornaient les Larousse et semaient à tout vent.

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Jeu optique d’Alain Fleisher où un ventilateur caresse la chevelure d’une femme. « Autant en emporte le vent » est né en 1979, jeu de lumières en projection.

Autant en emporte le vent- Alain FLEISCHER

Vik Muniz, composition de fleurs avec des grains, des feuilles pour que se dessine la silhouette colorée d’une abeille. Un miroir en reflet et une photo pour le souvenir de l’installation. Symbole chez Guerlain, l’abeille se découvre sur l’iconique flacon et prête son nom et son miel à une ligne de soin.

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Une escapade photographique en Inde mène sur la route du jasmin et sur l‘île d’Ouessant pour le miel des abeilles noires.

Une délicieuse promenade en images à la Maison Guerlain jusqu’au 28 août (68 Ave des Champs-Elyséees).

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Keith Haring en Petit bateau

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Street art et mode pour une collection estivale où Petit Bateau vogue avec les dessins de Keith Haring. De son vivant, l’artiste avait collaboré avec Jean-Charles de Castelbajac en dessinant un carton d’invitation, une collection utilisa plus tard ses motifs de prédilection. La fondation Keith Haring permet toujours de continuer à redécouvrir l’humour de ses dessins avec des collaborations choisies. Pour l’été, Petit bateau a orchestré une collection enfants et des tee-shirts pour adultes. Les petits personnages signature de Keith Haring s’invitent en motifs ainsi Dancy Nancy, petite danseuse acrobatique, l’homme radio, l’amoureux au coeur rouge, Cat hat (chat-peau), le chien qui rêve de hot-dog…

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Street art et oeuvre prolifique d’un artiste engagé subsistent via son univers peuplé de personnages cernés de noirs et habillés de couleurs vives. Une collection ludique en diable.

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Volez, Voguez, Voyagez… Vuitton

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L’exposition Vuitton voyage. Installée dans un lieu éphémère à Tokyo, elle reprend les thématiques qui conduisent sur la route avec des bagages adaptés aux différents périples.

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Malles cabines pour bateaux, « steamer bag », coffres pour automobiles,… La scénographie met en scène voyages et moyens de locomotion : bateaux, avions, trains, voitures…

Vuitton avion

 

Des bagages et un soupçon de mode d’hier à aujourd’hui (Vuitton).

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L’accent est mis sur les liens que peut avoir la maison avec le Japon (en dehors de l’engouement qu’ont les Japonais pour la griffe) avec notamment des tsuba (pièces de métal décorés autour des sabres en guise de protection) que collectionnait Gaston-Louis Vuitton.

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Les motifs de (ka)mon (insignes héraldiques, armoiries qui identifiaient les familles) étaient appréciés par Georges Vuitton et ont pu inspirer l’idée et la forme du monogramme LV. Quant aux collaborations artistiques de ces dernières années, elles ont, par deux fois, mis le Japon à l’honneur, que ce soit d’abord avec l’univers fantastique et coloré de Takashi Murakami qui avait orné les sacs de motifs de cerises ou d’yeux.

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L’autre collaboration fut signée Yayoi Kusama dont une partie obsessionnelle de l’oeuvre est dévolue à l’oblitération de surfaces par des pois qui se retrouvent dans des versions jaune et noir ou rouge et blanc. Pour mettre en valeur ces éléments, le scénographe a choisi de présenter les sacs dans un décor qui reprend des vagues de sable et évoque la magie subtile des jardins japonais de type karesansui.

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Une ballade en voyages et le souvenir des premiers flacons des parfums des années 20 en attendant le grand lancement des parfums Vuitton en 2016.

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Yôkaïnoshima

 

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Traditions, croyances, superstitions au Japon se révèlent dans les portraits de Charles Fréger : Yôkaïnoshima. Pendant à son travail occidental sur les « Wilder Mann », cette série a été réalisée de 2013 à 2015 et présentée à Tokyo à la Maison Hermès de Ginza.

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Charles Fréger a parcouru le Japon pour y découvrir us et coutumes traditionnels et populaires dans une nature peuplée de créatures hybrides aux costumes chatoyants. Si des animaux se découvrent, ce sont surtout les figures végétales qui reflètent le mieux la civilisation japonaise et son attachement à l’agriculture. Une plante se distingue, le cogon (Imperata Cylindrica décrit par Linné) qui ressemble un peu à l’herbe de la pampa et peut être utilisé pour les habitats ou en médecine. Ce végétal tisse un lien avec la mythologie des origines du Japon. Vêtu d’un chapeau et d’un manteau de paille, le jeune et turbulent Susanoo (frère d’Amaterasu) a été chassé par les dieux et ne trouve personne qui accepte de l’accueillir. La symbolique du vêtement de paille « repoussoir » est demeurée vivace dans l’archipel.

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Formes curieuses, constructions parfois complexes (intrications proches de créations de Comme des garçons !) se déploient dans un folklore de couleurs. Les mangas n’ont pas à chercher bien loin des sources d’inspiration pour leurs hybrides fantaisistes.

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Le photographe a travaillé avec Jumpei Matsushima, un architecte scénographe qui a mis en scène les silhouettes dans les paysages du Japon. Au cours de ce périple de 58 lieux se dessine une magnifique cartographie de l’archipel : montagnes, mers, îles, grottes,… une vision d’une nature ouvrant le champ au surnaturel de silhouettes baroques, démons, fantômes… Masques ou chapeaux souvent oblitèrent les visages pour accentuer la métamorphose.

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L’exubérance des couleurs qui se découvre dans ces clichés a un écho dans les costumes du kabuki et s’est traduite en mode avec des designers comme Kansai Yamamoto, mais aussi Issey Miyake ou même Kenzo (mais moins « Japonais »).

Un superbe témoignage d’une culture encore présente aujourd’hui, mais sans doute déjà de moins en moins vivace.

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Après l’exposition à Tokyo, Ginza Maison Hermès le Forum la publication des photos en 2016 chez Actes Sud.

 

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En mode belge une fois

 

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Très dynamique dans le secteur mode, Lyon via son Université de la mode et l’association Modalyon a lancé un Grand prix du livre de mode décerné depuis 1996. Parmi les ouvrages parus en 2015 dont L’art de la mode de Catherine Ormen (Éditions Citadelles), Déboutonner la mode (Musée des Arts décoratifs), Marcel Rochas de Sophie Rochas (Éditions Flammarion), c’est Les Belges, Une histoire de mode inattendue de Didier Verhaeren (Éditions Lannoo) qui a été primé.

L’ouvrage retrace l’histoire d’un pays désormais parmi les plus importants dans la mode contemporaine. Si le talent des Belges s’est découvert avec le groupe des six d’Anvers et avec Martin Margiela, l’histoire a débuté bien plus tôt et se continue encore aujourd’hui avec de nouveaux créateurs formés souvent à l’académie d’Anvers ou a l’école de la Cambre.

L’histoire de la mode en Belgique démarre il y a cent ans avec la maison Norine, parfois appelée la Chanel du Nord. Marque de couture, Norine a créé dans le droit fil du style des années vingt et a notamment collaboré avec René Magritte.

C’est en 1986 que les six d’Anvers se sont fait connaître par leur participation à un voyage collectif vers Londres. Partis à la conquête de la mode : Ann Demeulemeester, Dirk Bikkembergs, Walter Van Beirendonck, Marina Yee, Dries Van Noten, Dirk van Saene ont ensuite chacun mené leur propre histoire. Pratiquement en même temps, Martin Margiela a créé sa marque en 1988, diplômé d’Anvers et passé par plusieurs années auprès de Jean Paul Gaultier, il est un des créateurs majeurs du XXe siècle. Il a bousculé de nombreux codes, est passé par la case récup, a imaginé une forme de dépersonnalisation du créateur qui opte pour une étiquette vierge et pas de portraits de lui…

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L’ouvrage parle aussi de créateurs qui ont marqué l’histoire de la mode en Belgique, mais moins connus à l’international comme Scapa ou Olivier Strelli qui ont eu leur heure de gloire. D’autres ont des origines belges comme Diane de Furstenberg installée aux Etats-Unis, reine de la robe « wrap ». De Wallonie aussi une Véronique Leroy installée depuis ses débuts remarqués à Paris où elle continue à défiler.

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De nouvelles générations avec A.F. Vandevorst, Angelo Figus, Bernhard Willhelm, Véronique Branquinho, Jurgi Persoons, Patrick Van Ommeslaeghe, Xavier Delcour, Peter Pilotto,… sont des noms qui comptent dans l’histoire de la mode contemporaine.

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Les Belges ont souvent un style en partie dans l’héritage des Japonais pour la facette radicale et parfois minimaliste,  mais ils peuvent aussi œuvrer avec truculence et fantaisie et l’on peut imaginer une filiation avec des peintres comme Brueghel ou Bosch. Humour et décalage peuvent aussi avoir des ramifications dans un pays où le surréalisme fut très important.

Parmi les Belges ou ceux formés en Belgique, plusieurs ont oeuvré dans de grandes maisons. Raf Simons après Jil Sander a créé quelques années chez Dior pour la mode femme. Olivier Theyskens a son nom d’abord associé à la couture chez Rochas, Nina Ricci, avant Theory.

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Bruno Pieters chez Hugo (Boss). Kris Van Assche chez Dior homme. Bernard Willhelm chez Capucci… Et si Haider Ackermann a un peu créé pour Ruffo Research, il a tout l’avenir devant lui.

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La famille des créateurs « belges » est une des composantes majeures de la mode aujourd’hui. L’ouvrage primé en dresse un séduisant panorama.

 

 

 

 

 

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