La Chine s’éveille à la mode et Guo Pei en incarne la facette « couture ». Lors des défilés parisiens, la créatrice chinoise a présenté au Musée des arts décoratifs une sélection de son travail dont une spectaculaire robe révélée par Rihanna. Qualifié de « robe omelette » par les internautes, le vêtement jaune canari à traîne brodée porté par la chanteuse a été très remarqué lors du vernissage de l’exposition « Through the Looking Glass » au MET. À New York cette exposition est consacrée au rôle de la Chine en tant que terre d’inspiration pour la mode. Y figurent des modèles influencés par le faste des costumes chinois dans un esprit orientaliste de chinoiseries : Dior, Saint Laurent, Alexander Mc Queen… De résonance plus contemporaine se découvre l’humour des imprimés Mao de Vivienne Tam et les nombreuses variations sur chemise ou veste au col Mao dans la vision d’un costume unisexe.
Célèbre en son pays, Guo Pei a son atelier (Mei Gui Fang) à Pékin, mais elle envisage aussi de s’installer à Paris. Plusieurs centaines de petites mains travaillent à la réalisation de ses créations au travail précieux et minutieux et où les broderies sont à l’honneur. Très influencé par le faste du costume chinois impérial, son style est loin des costumes Mao qui ont laminé la mode en Chine pendant quelques décennies. Les chaussures de la créatrice s’inspirent également des étonnants souliers brodés dont les modèles étaient aussi conçus pour les pieds bandés. Se découvrent des chaussures hybrides où la broderie se marie aussi au plexiglas.
Si certaines tenues peuvent confiner au kitsch, il faut néanmoins saluer le travail remarquable et spectaculaire des détails.
Quant aux robes « porcelaines », avec des motifs décoratifs traditionnels bleu cobalt, elles sont d’un raffinement parfait et affichent même une certaine sobriété.
Une histoire à suivre.
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Si le nom de Lanvin bénéficie d’un renouveau médiatique depuis plus d’une dizaine d’années grâce au talent d’Alber Elbaz, la maison doit son appellation à Jeanne Lanvin, une femme remarquable qui l’a fondée en 1885. Le musée Galliera rend hommage à ses créations dans une exposition sous le commissariat d’Olivier Saillard.
D’abord modiste, Jeanne Lanvin se met à la couture, sans oublier les vêtements d’enfant, inspirée par sa muse, sa fille Marguerite.
Femme d’affaires avisée, elle sent les évolutions de son époque et crée différents départements : mariée, fourrure, lingerie… sans oublier l’homme à partir de 1926. Elle ouvre également des succursales à l’étranger, en Espagne, en Argentine… Dessiné par Paul Iribe, un logo mythique représente Jeanne et sa fille, il sera repris sur le parfum emblématique de la maison : l’exquis Arpège dans un flacon boule noir au décor doré.
L’exposition est une jolie flânerie dans l’univers raffiné de Jeanne Lanvin. Des vêtements en volume du début; les années vingt, droites avec robes tubulaires.
Des modèles très travaillés avec jeux de rubans, broderies, perles, cristaux, véritables robes bijoux. Une pointe d’exotisme inspirée de motifs de Chine, du Japon… Robes du soir, élégantes avec boléros assortis ou manteaux d’apparat. Des robes dites « de style » avec jupe bouffante et corsage ajusté.
Aux côtés du code noir et or du logo, s’est imposée une couleur signature et fétiche pour Lanvin : le bleu. Emprunté à Fra Angelico, le bleu joue les variations dans une saga de noms : vitrail, azur, Delft, lavande, saphir, pervenche… (ces noms se découvrent dans les albums de coloris).
Si Jeanne Lanvin n’a pas, comme d’autres, révolutionné la mode, elle a été pionnière et visionnaire dans de nombreux domaines. Demeurent des créations raffinées et élégantes à découvrir dans une exposition où plane une séduisante et délicieuse nostalgie.
Photos
Manteau à manches kimono, 1937. Patrimoine Lanvin, C Katerina Jebb, 2014.
Les petites filles modèles. Robe pour enfant Patrimoine Lanvin C Katerina Jebb,2014.
Colombine, robe de style. 1924-25 Collection Palais Galliera C Katerina Jebb, 2014.
Robe Neptune. Hiver 1926-27. Palais Galliera. C P. Joffre et C. Pignol / Galliera / Roger-Viollet.
La Diva. Robe du soir (1935-36) Velours de soie bleu nuit. Collection Palais Galliera C Katerina Jebb, 2014
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Quelques feuilles plongées dans de l’eau chaude suffisent à suspendre le temps au Royaume-Uni l’après-midi. Originaire de Chine et savouré dans tout l’Orient, le thé est odeur, qu’il soit vert, fumé, rooibos, darjeeling… ou aromatisé comme l’earl grey à la bergamote ou d’autres extravagantes mixtures avec l’ajout de fleurs de cerisier ou de chrysanthème. Au XVIIe siècle, le voyageur Jean Chardin conte la pratique du thé : « Et pour l’usage journallier qu’en font les Portugais, et les Hollandois dans les Indes, il le faut regarder plustost comme un amusement d’esprits oysifs, mous, et voluptueux, que comme preuve de la vertu de ce breuvage Chinois ».
Place à la volupté. Mises à l’heure du thé, sans imaginer le thé de fous d’Alice ou la version américaine, politique, quelques fragrances, juste à déguster.
Kaléidoscope
Chez Bulgari le thé en voit de toutes les couleurs. Un magnifique thé vert a ouvert la voie en 1992 avec une création de Jean Claude Ellena. Déjà en germe s’écrit la simplicité d’un haiku chère à l’auteur. S’interprète délicatement un « thé » à la fraîcheur bergamote et d’une exquise légèreté. Puissamment original, le thé rouge est un ovni composé par Olivier Polge. Une odeur de foin, un thé chinois Yunnan à facette aldéhydée et un côté lacté, un peu gras donné par la figue (octolactone gamma, j’adore les noms scientifiques qui me font paradoxalement rêver). Ce tonitruant parfum me conduit sur les routes de l’Himalaya en quête de thé au beurre de yak rance, pocha, une interprétation toute personnelle. Figure aussi sur la carte un doux thé blanc (Jacques Cavallier en 2003). Aujourd’hui se déguste une nouvelle couleur, un thé bleu composé par Daniela Andrier, un oolong de Chine (Wu Long) avec une lavande fraîche, un zeste de pamplemousse, d’exquises feuilles de shiso, une discrète et tendre violette sur fond d’iris suave et de muscs pour voir joliment la vie en bleu.
Sur la voie du thé vert
Au pays du soleil levant se pratique, notamment dans les temples zen, la cérémonie du thé (Chadô ou Chanoyu). Le matcha, thé vert en poudre, est fouetté en mousse et se déguste selon un cérémonial très codifié inspiré par les préceptes de Sen no Rikyû au XVIe siècle. Pour Kakuzô Okakura (Le livre du thé) : « L’art du thé consiste en effet à dissimuler la beauté que l’on est capable de découvrir, et à suggérer celle que l‘on n’ose révéler ». De ce culte de l’imparfait à aujourd’hui, ce thé se retrouve aussi en cuisine, délicieusement associé à la pâte de haricot rouge (azuki) ou, pour les palais Occidentaux, savoureusement marié au chocolat blanc.
En parfum, ce thé vert a inspiré et a ouvert la voie à de nombreuses créations. Succès mondial, CK One (1995) est un parfum mixte à la fraîcheur bergamote ; un accord thé traverse le parfum de la tête au fond. Frais et agréable, il doit aussi son succès à sa parfaite adéquation à une époque où l’un est l’autre et où les codes masculins et féminins fusionnent.
Green Tea d’Elizabeth Arden (2000) ajoute à son départ hespéridé, une senteur de rhubarbe acidulée et une fraîcheur menthe aromatisée de graines de céleri.
Eau de Thé vert de Roger & Gallet joue la fraîcheur Cologne avec mandarine, orange, yuzu sur fond boisé de cèdre.
L’Occitane, à partir de 1999, a imaginé des thés verts. Un premier avec muscade, cèdre, thym, suivi d’un Thé vert & Bigarade, évidemment orange, mais aussi cèdre et muscs blancs. Les versions ensuite s’aromatiseront : menthe et puis jasmin.
En 2009 Paris–Tokyo de Guerlain, un voyage autour du thé vert avec une délicate violette, un jasmin sur fond boisé de cèdre. Très populaire au Japon notamment pour les tansu, le cèdre ou faux cyprès est appelé hinoki et se retrouve très souvent associé au thé vert dans les compositions.
En 2014 Dans Tea Escape Tokyo 2008, (Replica de Maison Martin Margiela) Fabrice Pellegrin compose une échappée belle au Japon avec poivre rose, menthe, le tout servi avec du riz soufflé.
Dans un lac ensoleillé a plongé Teazzura, Aqua Allegoria de Guerlain. Là, se déguste un thé vert à la jolie fraîcheur agrume de bergamote et yuzu tandis que fleurit un jasmin solaire sous un ciel azur.
Au pays du matin calme, le thé est aussi potion magique. Escapade vers Jeju, L’île au thé (Annick Goutal) pétille avec la légèreté du mandarinier sur infusion de thé. On imagine Camille Goutal et Isabelle Doyen parcourir l’île à la découverte des senteurs qui allaient habiter leur création. L’osmanthus s’imposa avec ses fleurs et son odeur abricotée. L’île a aussi donné son nom à un thé, le Jejudo Impérial, un thé vert de Corée (Palais des thés) ; plus « chair de poisson » que le thé vert japonais !
Histoires de thés
D’autres thés apportent leurs saveurs aux parfums, mais en mineur. S’invite aussi le maté, faux thé ou thé du Paraguay, qualifié aussi de thé des jésuites ; son nom vient du langage quechua où il signifie calebasse, contenant les herbes. S’il se boit selon le même principe d’infusion, il se retrouve aussi en parfumerie.
En 1996 Thé pour un été de L’artisan parfumeur mêlait thé vert et maté, le tout entouré de menthe, bergamote, citron, jasmin, osmanthus et hinoki. En 2000, pour L’artisan parfumeur toujours, est composé Tea for two par Olivia Giacobetti. La chanson se fredonne et surgit La grande vadrouille et le sifflotement de ralliement dans le bain turc. D’où peut-être des saveurs épicées et douces de cannelle, gingembre, miel sur fond cuir et tabac.
Dans la série des Leaves (superbe Shiso) de Comme des garçons figure un Tea (2000), à base de thé noir à la fraîcheur bergamote sur fond cèdre et maté.
Duel d’Annick Goutal avec Isabelle Doyen a été lancé en 2003. Petitgrain du Paraguay, avec maté, iris sur fond boisé (gaïac) et cuiré pour une composition puissante et originale.
Jean Charles Brosseau (superbe Ombre rose) s’est mis au Thé brun en 2005. Pierre Bourdon y rend hommage au lapsang souchong avec bergamote, ananas, cannelle, cardamome sur coeur floral et fond cumin, musc, ambre et vanille.
Mathilde Laurent dans La Treizième heure (Cartier) réussit très beau parfum, un côté thé noir puissant, du maté, du cuir, de la vanille. Tea time!
Pour Kakuzô Okakura : « Le thé n’a ni l’arrogance du vin ni l’affectation du café –et encore moins l’innocence minaudière du cacao.” Alors mettons-nous au thé, mais en parfums.
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Dix mots clefs pour imaginer le design et ses correspondances. Pas de boule de cristal, mais un va-et-vient entre passé et futur avec arrêt suspendu dans le temps présent. À la Gaîté lyrique, au travers de la collection du Centre national des arts plastiques, une réjouissante exposition dont Li Edelkoort, pythie du design ?, est commissaire d’exposition.
Un espace oeuvre au noir donne à voir l’importance de la non couleur qui habille les objets avec une majesté certaine. Gothique, punk, mélancolique, sombre, élégant, le noir est couleur fard du design.
Autour de dix mots, de dix notions, les thèmes choisis englobent des exemples de design, meubles et objets avec, parfois, un zeste de mode.
-Archaïque : retour vers un passé très ancien, éloge du primitif et approche totémique.
-Nomade : objets pliables, transportables, pratiques, pour composer un espace en mouvement y compris le transport : Solex. Chaise de bureau (re)couverte de Rodrigo Almeida avec un nom de mode : Kawakubo.
-Abstrait : simplicité de formes géométriques, couleurs, mais aussi courbes ainsi Marc Newson, Orgone II ou Matali Crasset et sa Nature morte à habiter (méridienne). Jeu de proportions.
-Naïf : retour à l’enfance, à l’humour, syndrome de Peter Pan ? Dimension ludique comme le tabouret nain de Stark furieusement nommé Attila.
-Curieux : un cabinet de curiosités, une pointe d’humour et de la déraison, des objets insolites.
-Simple : des utilitaires pour aller à l’essentiel, objets du quotidien. Konstantin Grcic, Step, 1995 un escabeau de bois.
-Gonflé : de l’expansion, du volume en intégrant, en emprisonnant l’air. Vêtements gonflables (Yohji Yamamoto, même si Miyake en a aussi réalisé de magnifiques). Jurgen Bey, Chaise Vacuum Cleaner ajoute de l’humour au souffle.
-Organique : entre art et design, la main de l’homme fait évoluer la matière. Les courbes renvoient aux racines. François Azambourg, Vases Douglas.
-Humble : modestie, épure, ascétisme, pureté du blanc immaculé. Ruth Gurvich, vases.
-Mutant : avatars, transformations, hybridation, prolifération. Matières high tech. Patrick Jouin, Solid C2, une chaise conçue par impression 3D.
Une classification qui jette des passerelles entre les objets et a le mérite de donner à voir, au-delà de la fonction première, d’autres dimensions dans une approche où, par sa conception, ses qualités, l’objet peut aussi être considéré comme oeuvre d’art.
Une jolie plongée dans le design d’aujourd’hui.
Et sur le site un Quiz qui vous « classe » avec la même terminologie. Au vu de mes réponses « Nomade » je suis.
Parmi les mutants, Cédric Ragot.
À la Gaîté lyrique jusqu’au 16 août.
Légendes
Thème naïf. Stylisme Sergio Machado. C Lisa Klappe /CNAP
Ron Arad. Fauteuil Big Easy. C Ron Arad, CNAP, Photo Yves Chenot.
Sac Kelly Hermès. C Hermès, CNAP, Photo Yves Chenot.
Rodrigo Almeida. Chaise Kawakubo. C R Almeida, CNAP.
Marc Newson. Chauffeuse Orgone II. C Marc Newson CNAP.
Jurgen Bey. Chaise Vacuum Cleaner. C J Bey, CNAP, Photo Yves Chenot.
François Azambourg. Vase Douglas. C F Azambourg, CNAP, Photo Bernard Chauveau Editeur.
Patrick Jouin. Chaise Solid C2. C Agence P Jouin, CNAP, visuel de l’artiste.
Thème abstrait. Stylisme Sergio Machado. C Lisa Klappe /CNAP.
Cédric Ragot Suspension Flight 815. C ADAGP
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