Karine Arabian / Natacha Lesueur

 

 

Allumée, la campagne visuelle de Karine Arabian pour sa collection de chaussures détonne parmi les images policées et glamour que souvent véhicule la mode. La créatrice voulait des portraits atypiques de femmes, elle a donné carte blanche à l’artiste Natacha Lesueur dont le travail photographique sur le corps (jambes maquillées de gelée façon aspic, effets de cataplasmes de moutarde…) entraîne vers des territoires inexplorés où l’humour est souvent sous-jacent. Pour sa première oeuvre de « commande », Natacha Lesueur a choisi une vision un poil surréaliste. Emboîtant le pas à Elsa Schiaparelli et ses chapeaux en forme de chaussure, elle a imaginé des chaussures coiffures. « Pour cela il fallait qu’elles s’intègrent parfaitement dans la sculpture des cheveux. Je mets en scène des tours de Babel, des échafaudages sur le point de s’écrouler, je recherche l’équilibre ».

Un même mannequin se démultiplie (différentes couleurs de cheveux) : « c’est la femme d’à côté qui peut se révéler exceptionnelle ». Elsa Schiaparelli disait que le chapeau était le point sur le i, avec ce duo détonnant, il est possible de marcher sur la tête.

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« Comme des carrés »

 

 

Chez Hermès, le carré, au-delà de sa régulière forme géométrique, incarne un classique, une évidence. Parfois l’emblématique quadrilatère a su sortir des sentiers à bride abattue de thèmes cavaliers avec notamment les collaborations inspirées de Josef Albers ou de Daniel Buren. Ce printemps, c’est une association avec un des plus grands noms de la mode qui donne lieu à « Comme des carrés ». Rei Kawakubo (Comme des garçons) a été invitée à transformer les carrés. La créatrice a choisi de travailler sur des carrés existants et de les  modifier avec application ou superposition graphique de motifs, de signes… « Au lieu d’être guidée par l’idée du foulard porté, je me suis plutôt intéressée à ces très beaux « tableaux » que représentent les dessins des carrés Hermès, et j’ai cherché à les changer en y ajoutant des éléments. En les combinant à des images abstraites, nous avons transformé le carré, et créé un objet unique ». En noir et blanc, cinq carrés frôlent l‘abstraction, ajoutent une surimpression de ronds (pois noirs sur coques de bateaux « Thalassa »).

Une barre noire oblitère le dessin de Pégase sans lui couper les ailes.

Sur le « Cheval surprise », splash à la Pollock, un ajout d’une bande de tissus, carreaux vichy, transforme le carré en rectangle.

« Touch me » ne se caresse plus dans le sens du poil, recouvert d’un damier.

Le carré se signe d’un nouvel univers op.

Pour la collection couleurs, six modèles jouent le puzzle, le patchwork, mélangeant joyeusement les carrés et avec ajouts de vichy, rayures de chemise… « Coaching » avec l’ajout de carrés noirs se mue en improbable damier.

À découvrir dans les boutiques Comme des Garçons de Paris et New York (pour le noir et blanc) et Dover Street de Londres et Tokyo (en couleurs).

 

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Jean-Charles de Castelbajac

Avec sa Foxy Lady, Jean Charles de Castelbajac entraîne vers la Grande-Bretagne. Passe le fantôme d’une fille à l’opulente chevelure rousse et se (re)découvre la superbe Ophélie de Millais dans un bain préraphaélite.

 

 

La présentation de la collection à lieu dans une église, un oratoire qui va bien au créateur. S’ajoutent des effets de fumées (fog anglais ?). Des jeux de trompe-l’oeil (torsades de laine, fils barbelés…), graphiques.

De la fantaisie, de l’humour, toujours et de la poésie. L’animal est présent avec le renard qui se pose démesuré sur une robe (le titre hommage de la collection Foxy Lady) ou sur une grande cape rouge. Un poil de fourrure. Des imprimés Ophélie se signent d’une croix noire.

De grands carreaux, (les tartans d’Ecosse), un classique castelbajacien retravaillé façon couverture.

À noter le maquillage simple et original d’une bouche peinte, écarlate et pas l’autre, gommée, signé Uchiide pour Shu Uemura.

 

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Jean-Paul Lespagnard

Depuis sa mémorable collection rendant hommage aux frites à Hyères, le créateur belge a fait son chemin. Jean-Paul Lespagnard figure désormais dans le calendrier officiel. À la fois dans le concret et l’imaginaire, il a choisi une scène hollandaise, où une jeune femme férue de moto cross, s’habille pour retrouver son ami qui rentre de la pêche aux maatjes (petits harengs) ! Se retrouvent des traces du costume hollandais dans un esprit de terroir et avec le souvenir de gros sabots (revisités) aux pieds.

Le costume croise des  pièces de moto cross avec casquettes ou bottes. Des cols châles, de riches imprimés colorés. Des mélanges, des rencontres, un sentiment de (re)connaissance ; plongée dans un tableau de genre et aussi un univers singulier et avec, en prime, une vraie collection de vêtements. Sans oublier une série d’accessoires urbains et contemporains : coques d’iPhone, écharpes, casques, porte-clefs… Une charmante collection, une fois.

 

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Chanel

 

Impressionnant, grandiose, le défilé Chanel met cette saison la barre encore plus haut dans le spectaculaire. Dans la nef du Grand palais, une gigantesque mappemonde (en caoutchouc ?) symbolise la terre, continents semés des initiales CC, là où la marque est présente. Et pourtant elle tourne, sur elle-même, tandis que le podium ajoute des cercles concentriques où les mannequins défilent. « Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie » disait Truffaut (L’homme qui aimait les femmes). La citation va bien au défilé. En bottillons ou en cuissardes et très tweed, les mannequins tournent autour du globe.

Dans un effet de trompe-l’’oeil, le tailleur est robe. De petites jupes plissées, un look de patineuse. Les pans de certaines vestes sont asymétriques ou arrondis, relevés et attachés de boutons « planisphères ». Pour le soir, de longues robes en organza posées sur des mini-jupes. Des matières classiques : drap de laine, tweeds, mousseline mais aussi néoprène en touches sur les ourlets. La collection se décline autour d’une palette de gris multiples entre le noir et le blanc, signature de la maison. Quelques touches de couleurs s’invitent… En accessoires, petit bonnet de fourrure un peu perruque et le mini sac, mappemonde.

Citadine du monde, la globe-trotteuse Chanel.

Et un maquillage d’éclats brillants sur les paupières.

 

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John Galliano

C’est désormais Bill Gaytten qui signe les collections John Galliano, dans un style plus sobre et moins spectaculaire. La femme de cet hiver semble décidée, sûre d’elle. La palette est sobre avec des variations sur un bleu marine ou vif, des gris et l’éclat noble du violet. Se retrouvent les vestes à basques, mais aussi de l’ampleur dans de grands volumes. Une dimension artistique dans des imprimés tachistes, bleu maculé de blanc, de rouge ou effets graphiques noir et blanc.

Beau manteau de fourrure droit, sans manches, élégant. La présence optionnelle d’une casquette donne une allure un peu martiale. Des ensembles aux tops géométriques, droits. Pour le soir, long en drapés, plissés, froissés dans de belles matières travaillées.

 

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Maison Rabih Kayrouz

Très belle collection pour Rabih Kayrouz avec ses coupes élégantes en volumes structurés et une très jolie maille. La palette ose la couleur : bleu roi, rouge, orange, sans oublier la sobriété des teintes sobres que privilégiait le créateur; cette saison, l’ivoire.

 

Parfois la jupe se fend, avec un zeste de provocation. Jupes en panneaux de tissus flottant au vent.

Une rigueur, de la géométrie, des bords francs, mais en féminité. Des découpes autour des bras, des épaules. Sous une jupe en transparence, une mini, opaque. La rayure se trame, blanc et noir dans les deux sens ou encore version marine déclinée en blanc et rouge.

Sur un top blanc, ajout de manches de fourrure, un détail d’applique qui se retrouve sur le bas d’un manteau.

Juste élégance.

 

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Maxime Simoens

L’annonce du récent soutien financer et logistique de LVMH chez Maxime Simoens a porté l’attention sur son nom. Cette saison, il a choisi de défiler en prêt-à-porter et non en couture. Inspiré par le Lac des cygnes de Tchaïkovski, il passe du blanc au noir (un signe !), utilisant dans certains passages une forme de petite jupe évasée comme un tutu. S’ajoutent des éclats de peintures, lavis bleu.

Se dessine un esprit tailleur pour citadine déterminée. Des transparences sauce mousseline. Mélange de matières en puzzle, marqueterie, géométrie. Quelques paillettes pour le soir qui passe au long.

 

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Comme des garçons

Radicale, étonnante, surprenante, la mode de Rei Kawakubo est toujours inspirante parce qu’il s’agit de création à l’état pur. À part, forcément à part, Comme des garçons détonne dans un circuit formaté où elle s’impose, électron libre le plus brillant.

Cette saison, des pièces extrêmement complexes multiplient les superpositions (effets « post it »), avec volants, ruchés…  Le tout avec des variations sur les tissus qui se jouent en damier, domino de noir et blanc, prince de galles, pied de poule,… Les rayures noir et blanc d’arlequins vêtus de l’étoffe du diable s’imposent, zèbres à deux jambes. Les volumes s’amplifient, les manches s’exacerbent.

Des motifs de fleurs se recomposent en volutes de tissu, du bleu chatoyant, du noir profond… Gris souris et protubérances. Quelques passages en gilet, sans manches ; une touche de rouge, en fleurs et puis en dentelles, sur fond noir.

Et tout à coup une folle explosion de couleurs signe rupture et continuation. Un parterre improbable de couleurs vives, arlequins fantasques où les formes géométriques se jouent en rose, vert, orange… corbeille insensée entre fleurs et fruits, mosaïque de couleurs. Juste magnifique.

 

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Véronique Leroy

Belge, mais de Wallonie, Véronique Leroy signe cette saison  une collection particulièrement réussie. Inspirée par un film de Chabrol, La Cérémonie, elle a imaginé un vestiaire où l’employée de maison emprunte la garde-robe bourgeoise de sa maîtresse. Un superbe travail sur des formes très travaillées, architecturées où l’épaule est descendue, décalée, subtilement. Longues, les jupes crayon, allongent la silhouette. Des poches surdimensionnées. Variations sur le blanc avec l’ivoire mat d’une veste en laine s’opposant à la brillance du satin.

Une palette sobre et sourde et pourtant séduisante (même le kaki !).

 

Des matières originales, un cuir grillage perforé, une maille astrakan. Et une touche finale d’éclat doré (sans trop de brillance) et ajouré avec effet dentelle.

Une des très belles collections de la saison.

 

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