Première collection pour la Maison Martin Margiela en tant que membre à part entière de la haute couture. Dans un lieu un peu improbable, fidèle à l’esprit maison, les hôtes, comme à l’accoutumée vêtus de tabliers blancs, accueillent les invités. La messe va être dite. Un à un, les mannequins défilent, visage oblitéré de masques de tissus peints, voiles ou paille ethnique…
Allure étrange et mystérieuse, mais d’une superbe élégance. L’anonymat cher à la maison demeure de mise. La collection conserve l’esprit de l’ « artisanal » (sur le descriptif se mesure le temps nécessaire à chaque modèle, de 14 à 93 heures). L’aspect de récupération brute a laissé place à un choix de matières plus précieuses ; magnifiques robes perlées et brodées des années vingt restaurées, reconstruites, recomposées,… Ajout de broderies, découpes, jeux de transparences, formes droites. Robes bustiers, mélange de matières (trench et broderies).
Tissages complexes et robes de métal. Au pied, les chaussures repeintes, très MMM. Une trace de peinture blanche sur robe noire, abstraction.
Une magnifique collection, tant dans sa présentation que dans ses modèles. Un des grands moments de la saison.
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Chez Yiqing Yin, poésie et maîtrise technique sont toujours au rendez-vous. Pour la prochaine saison, la créatrice montre également des pièces de prêt-à-porter, moins complexes techniquement.
Inspirée par les sculptures de Naum Gabo, Yiqing Yin ajoute à l’esprit géométrique (paraboles) un subtil enchevêtrement de fils. Féminité et légèreté, mais aussi, toujours sous jacente, une structure, une construction. Délicat, le choix des couleurs marie les camaïeux de gris. Un côté masculin dans le choix d’une matière comme l’Escorial, laine très fine. Le jeu des drapés féminise l’esprit de la collection.
Quand souffle le vent de la couture, les silhouettes s’envolent, portées par une inspiration poétique. Robes innervées de fils rouges, ramifications de maille arachnéenne pour déesses humaines.
Broderies de fils sans fin jusqu’au final d’une mariée mise en cage, cousue de fils blancs.
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Troisième « grand » défilé de la saison avec Jean Paul Gaultier. Dès le départ se dessine toujours un jeu de piste sur le thème avec le nom des espaces dévolus aux invités. Placé sous les auspices de l’Inde, l’été 2013 se révèle avec les noms de ses régions. Le podium est habillé de couleurs chaudes. Les classiques de la maison sont revisités. Inde de rêve, Inde des maharadjahs, mais peut-être aussi des Indiens d’Amérique, cheveux tressés, vêtements à franges… Couleurs épices (safran, curry, curcuma, paprika…), effets drapés, enroulés, mais aussi des volants que le couturier apprécie.
Imposants, les bijoux ajoutent à l’idée de bohémiennes couture. Des rayures, loin du marin avec des couleurs chaudes ; patchworks de tissus précieux, sans oublier un clin d’oeil à une robe lingerie, dessous dessus.
Un final exquis où, de sous la jupe à crinoline de la mariée, surgissent de petites filles en robes de couleurs ; de quoi célébrer joyeusement et joliment une fête de holi.
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Une salle de théâtre, un décor emballé de tissus et crodes, non à la Christo mais dans le contexte d’hommage à Peggy Guggenheim plutôt à l’énigme d’Isidore Ducasse interprétée par Man Ray. La fantasque milliardaire est personnalisée sur scène, en noir fourreau Sorbier, étole « Pollock » et trois Lhassa terriers en laisse.
Une succession de tableaux où les artistes travaillent, dansent et les modèles se succèdent. Dada dance, un mannequin de bois avec tutu dadaïste en toile de sac à café, vieux papiers… Robe hommage aux formes biomorphiques de Jean Arp. Chapeaux sculptures hommages à Pevsner. Robe n’importe quoi, en cartons d’emballage et catalogues de ventes Christie’s, Sotheby’s, en référence aux collages de Villeglé. Et pour Venise, un hommage au plissé Fortuny…
La mode au musée.
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Avec leur « Maison fondée au XXè siècle », le duo formé par Livia Stoianova et Yassen Samouilov surprend chaque saison avec leur imagination débordante, leur fantaisie débridée et leur capacité à créer des modèles impensables. Cette saison leur inspiration est animale, voire même insectivore avec « Cosmic beetle ». Choisis pour la beauté de leurs couleurs aux reflets chatoyants, les insectes ont posé leurs ailes sur les modèles. Ont été cousues 11.000 ailes naturelles de scarabées venant de Nonboa Lampor (Thaïlande) tandis que les habitants du village s’en nourrissaient, parait-il !
Peut-être un scarabée est-il mort le jour de leur naissance ? Le portent-ils autour de leur cou ? En tout cas les insectes ont joliment inspiré On aura tout vu. Des vestes et manteaux carapaces en plastique transparent juste surlignées de couture noires, arêtes géométriques. Des dégradés de couleurs à l’image des robes des insectes et, en point d’orgue, un total look d’ailes de scarabées, vert luisant d’émeraude.
Des épaules reconstruites et presque un origami géométrique complexe. Une touche de fourrure, des poils brillants ; un imprimé scarabée rose vif comme une radiographie fluo posée sur robe noire, des détails d‘ailes posées, lucioles illuminant une épaule, un décolleté… Sans oublier un travail avec des cristaux Swarovski marquant un bustier de scarabées géants.
Vêtements armures aux reflets irisés, gamme de couleurs papillons, microcosmos enchanté.
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« L’été devra rétablir l’ordre, le calme et la radicalité » dit le dossier de presse d’Alexandre Vauthier. Pari réussi avec une collection monolithique et monochrome qui broie le noir jusqu’au dernier passage. Variations sur un même thème avec la non couleur chic de la mode. Le monochrome va bien à Alexandre Vauthier ; dans une précédente collection, il avait réinventé le(s) rouge(s). Dans la salle flotte un doux parfum, celui que Francis Kurkdjian a composé pour le créateur.
Variations sur le noir et masculin-féminin autour du tuxedo, bustiers, cols échancrés, fentes, ouvertures sur le corps, transparences… Le mat s’oppose aux brillances (satin), aux paillettes. Effets de dentelles « plastifiées » et éclat de détails bijoux en métal.
Une noire collection pour séduisants papillons de nuit et final cristal.
Oui au smoking revisité et à la femme sexy d’Alexandre Vauthier.
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Désormais membre de la haute couture, Gustavo Lins continue son savant travail de déconstruction, d’assemblage pour jouer les métamorphoses d’un vêtement qui oscille entre masculin et féminin (imprimés colorés, délavés).
Le kimono est toujours, avec élégance, revisité, sens dessus dessous, endroit envers, tourneboulé, twisté, enroulé, drapé. Manches à couture « en sabre ».
Aux côtés de l’esprit d’architecture, figurent des modèles dont le flou joue la fluidité, pans de tissus flottant au vent. En accessoires, longs pendentifs, manchettes en argent (Goossens).
Sur le podium du défilé se dresse une armure réalisée avec la manufacture de Sèvres. La carapace de tissu s’est figée en porcelaine d’esprit baroque, robe sculpture éclatée. À partir de papier carton froissé fut réalisé un moulage de 27 panneaux, ensuite ces éléments furent réalisés en biscuit de porcelaine avant la recomposition du modèle. Superbe.
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Envahi par une forêt d’arbres, le Grand Palais se métamorphose une nouvelle fois pour Chanel. Au milieu de la dense végétation pépient d’invisibles oiseaux, leur chant accompagne les visiteurs. Dans une clairière surgit un amphithéâtre à l’antique, aux gradins de bois brut. Le décor est planté, le podium est sur la scène en sable blanc, à plat. Puis arrivent les hôtes des bois, mannequins Chanel aux tailleurs et robes de tweed, jambes gainées de maxi cuissardes. Autour des épaules, des effets de manches ajoutés, façon cape, déstructurent la silhouette, l’encadrent. Les tailleurs en tweed (légers) se dessinent dans les couleurs iconiques de la maison, noir, blanc et aussi beige, rose, bleu …
Après le jour, des robes de cocktail, légères où la couleur vient animer et réveiller la nature. Bouquets de fleurs où s’épanouissent marguerites, anémones… avec le savoir faire des ateliers couture.
Le maquillage (Peter Philips) des filles est accentué. Ourlé de faux cils, l’oeil charbonneux ajoute des effets de tulle. Sur les coiffures, en grappes presque anarchiques, mousseline effilochée, plumes…
Photos Vincent Lappartient
En guise de final, un manifeste charmant pour le mariage gay avec deux mariées accompagnées d’un bambin.
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Think pink ! Alexis Mabille réinvente le mot d’ordre de Funny Face dans un décor rose, de fleurs roses, de podium rose. Désormais membre de la chambre syndicale, Alexis Mabille a choisi une représentation couture classique où aux tenues de jour (courtes) succède le soir, en long.
Bubble gum ou tons poudrés, le rose est mis. Satin, dentelle, transparence, fleurs brodées, voilettes à mouches, cristaux, plissé soleil revisité… Festival de matières et détails « couture ». Figure parfois une trace de son noeud signature et emblématique, juste pour souligner une poche, habiller un dos. Tulle en superposition dans un camaïeu de gris. Parfois s’esquisse le souvenir du masculin- féminin avec les variations sur le smoking (veste ou fourreau). La vie en rose ?
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Dans un parterre à la française défilent les nouvelles femmes fleurs de Dior (la première collection du couturier en 1947 s’intitulait Corolle). Raf Simons rejoue les codes maison, s’inspirant du volume de la jupe du tailleur bar et de sa veste marquée à la taille… La dimension « couture » est donnée par le choix des matières, par l’ajout de broderies. Un joli travail de déconstruction recompose des puzzles géométriques avec des éléments qui se superposent et osent les associations de quatre ou cinq couleurs.
Robes boules, broderies florales, la nature est réenchantée, le printemps est là ; Raf Simons le sacre avec ses filles en fleurs.
Si l’esprit est tout en féminité, le look opte pour un style à la garçonne, cheveux courts, tête de moineau, gamine à la Jean Seberg tandis que les lèvres de cristal se strassent de rouge et paillettes (make up Dior créé par Tyen et réalisé par Pat Mc Grath ).
Photos T. de Saint Chamas
Pour cette élégance française, le décor du jardin a été créé par Jacques Wirtz (famille d’architectes paysagistes en Belgique).
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