Rares sont les produits qui réussissent à devenir iconiques. Dans l’univers des cosmétiques et du maquillage où dominent de grands basiques : rouges à lèvres, ombres à paupières, blushes, fonds de teint… soit une dizaine de produits environ, Yves Saint Laurent a réussi à inscrire un nouveau produit au rang de classique.
En 1992 est lancé Touche Eclat, sous la houlette de la responsable de la création du maquillage de l’époque : Terry (De Gunzbourg). Le produit incarnait une jolie idée avec son pinceau intégré. Pratique, ludique, bien conçu, Touche Eclat réussit rapidement à s’imposer dans le paysage et devient un des rares produits incontournables, un nouveau classique. Son succès est confirmé par des ventes constantes, la maison a calculé que toutes les 10 secondes dans le monde un Touche Eclat était vendu.
Aujourd’hui, avec ses vingt ans d’existence, il est toujours pratiquement à l’identique de ses débuts, même s’il a ajouté des variations sur la couleur (les puristes clament qu’avec un seul ton Touche Eclat incarne déjà le produit parfait).
Sa fonction, son utilisation, sont de donner de l’éclat, d’illuminer le teint, même s’il est parfois confondu avec un anti-cernes, ce qu’il n’est pas. Avec Touche Eclat, le maquillage renoue avec l’art et un de ses gestes fondamentaux quand fut créé le pinceau il y a quelques milliers d’années.
Si plusieurs produits griffés YSL avaient déjà utilisé l’idée du pinceau intégré, c’est avec Touche Eclat que vint le succès. D’un coup de pinceau se dépose un ruban de lumière qui efface les signes de fatigue et donne de l’éclat. Il ne masque pas, ne cache pas, mais révèle.
Dans la composition du produit figure un complexe luminocaptide associant deux types de pigments. Des « ampli Light », générateurs de lumière, transparents, et des soft focus, pour lissage optique. L’humectine vient hydrater et des pigments micro sphériques ajoutent la couleur. Une texture eau et silicone au fondant parfait se pose en un voile seconde peau. L’effet lissant optique se fond sur la peau et en révèle l’éclat, la luminosité tandis que les imperfections sont floutées.
Pour habiller le tube, l’or est mis. Couleur du maquillage Yves Saint Laurent, l’or est une teinte qu’affectionnait le couturier : « J’aime l’or, une couleur magique pour le reflet d’une femme, c’est la couleur du soleil. »
Nomade avec sa forme de stylo qui s’utilise en un clic, Touche Eclat trouve sa place aussi dans un sac.
Avec un nouvel éventail de 12 teintes, il s’adapte à toutes les carnations, allant du teint de porcelaine qu’affectionnent les Asiatiques aux tons de carnation plus sombres. Cette variété rend aussi hommage à la mode YSL qui a toujours été incarnée par des beautés de toutes les ethnies.
Baguette magique, Touche Eclat célèbre aujourd’hui ses vingt ans. Au modèle classique (33,50€) s’ajoute une édition de luxe habillée d’un étui en or 9 carats et d’un poids de 55 grammes : Touche Eclat Couture Gold Collector, une création orchestrée avec des artisans joailliers en or ciselé, un collector vendu au prix d’un bijou : 2500€.
La collection croisière d’Yves Saint Laurent 2012 emportait vers Byzance et ses scintillements d’or, une ronde entre mode et beauté, éternel recommencement.
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Un chapeau (souvent micro) vissé sur la tête, des cheveux ondulés colorés de mauve ou de bleu ; un maquillage aux pommettes rehaussées de rose, à l’oeil ourlé de noir… Anna Piaggi incarnait parfaitement l’excentricité, mais sauce italienne. Avec élégance et originalité, elle s’approchait parfois d’un petit air de clown de Fellini. Elle disparaît aujourd’hui à l’âge de 81 ans.
Rédactrice pour le Vogue de son pays, elle y mijota ses Doppie Pagine, des doubles pages fantasques réalisées avec des collages, des assemblages d’éléments, des confrontations qui sortaient la mode de son contexte, l’associaient à l’art, au graphisme, à la photo… Air du temps, fantaisie débridée, ces pages furent rassemblées et éditées (sans se soucier de la chronologie des dates de parution) en 1998 sous le titre d’Algèbre de la mode.
Dans la préface, Franca Sozzani explique ce qu’elle souhaitait pour le Vogue en 1988 : « Vogue devait être comme une vidéo sur papier, thermomètre des changements dans les moeurs. Il y fallait quelque chose d’inattendu, la fameuse « variable affolée » qui devait surprendre dans chaque numéro et déjouer toute attente. C’est ainsi que sont nées les doubles pages d’Anna Piagggi. » Pour la conceptrice : « J’ai pensé à un suc d’idées, à un concentré d’images et de stimuli visuels, à un Vogue juice vitaminé. Et surtout j’ai pensé à la simplicité radicale, au naturel de ces pages étalées, ouvertes. Deux à deux. Indivisibles. Doubles. D.P. Doubles Pages. »
En 2006, le Victoria & Albert Museum lui rendit hommage avec « Anna Piaggi, Fashion-ology ».
Elle portait les chapeaux de Stephen Jones, avait l’amitié de Karl Lagerfeld, de Dolce & Gabbana, elle suivait les jeunes (et les moins jeunes) créateurs, elle a osé des mélanges inattendus, elle s’est amusée du vintage, elle portait des tenues de J-C de Castelbajac…
Au premier rang des défilés, elle va manquer.
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Au royaume de la mode se distinguent les excentriques. En Grande-Bretagne, l’originalité est monnaie courante; mais Isabella Blow, avec ses chapeaux de Philip Treacy, dans le droit fil d’inspirations surréalistes, et avec ses tenues d’Alexander Mc Queen, a marqué la mode contemporaine par son soutien sans faille jusqu’à sa fin tragique en 2007.
Pour lui rendre hommage et créer une fondation qui viendra soutenir les jeunes talents de la mode britannique, Daphne Guiness a vendu des pièces de sa collection personnelle. Avec la mise en vente à Londres de 102 lots, 595.523€ ont été récoltés pour la fondation Isabella Blow.
Trois records ont été battus au cours de la vente. Une pièce d’Alexander Mc Queen, The girl who lived in the tree, a été adjugée pour 106.477€. Une robe hispanisante de Christian Lacroix, en dentelle, a été vendue à 20.296€. La meilleure enchère a été réalisée par un cliché de Mario Testino, un portrait de Daphné Guiness réalisé pour le Vogue anglais ; 166.429€, un record pour le phtographe.
Après la disparition d’Isabella Blow faillit être vendue en 2009 sa collection, mais elle fut rachetée dans sa totalité par Daphné Guiness en mémoire de son amie.
Christie’s s’est fait une spécialité autour de la mode et de nombreuses collections privées ont été vendues par la maison. Parmi les plus remarquables : en 2009 la collection d’Anna Piaggi, autre grande excentrique de la mode (par ses tenues et une coloration de cheveux bleu, mauve) qui réalisa notamment de singulières doubles pages (Doppie Pagine) de tendances dans le Vogue Italie, proposant une grammaire de l’air du temps pendant des années. Une sélection de la garde-robe du mannequin Erin O Connor en 2008). Les collections de Nan Kempner (2007), Dame Shirley Bassey (2003) ; les archives de Vivienne Westwood (1985-1995) en 2001, la collection de Dame Margot Fonteyn (2000) et des robes de la collection de Lady Diana (1997).
A la mode s’ajoute ainsi le mythe de prestigieux propriétaires.
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