Du Soleil levant s’exposent aujourd’hui à Paris d’extraordinaires kimonos, costumes du théâtre le plus spectaculaire, le plus coloré de l’archipel : le kabuki.
A la fin du XVIè siècle Izumo no Okuni, une femme, invente un style de danse « de manière extravertie et suggestive ». Kabuki féminin, mais aussi kabuki des prostituées, le style sera interdit au Japon en 1629 et remplacé par de jeunes hommes, mais sera aussi interdit avant de prendre sa forme actuelle avec des comédiens hommes adultes. L’étymologie des idéogrammes associe chant, danse et jeu de scène à ce spectacle.
Chef d’oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité, le kabuki est désormais classé (depuis 2005) au patrimoine culturel de l’Unesco. La fondation Yves Saint Laurent rend hommage à ces costumes avec les pièces de la Shôchiku Costume Co. qui a rassemblé pièces historiques et créations contemporaines.
En préface, Robert Wilson pose l’attention entre les similarités qu’il y eut au départ (sans être une influence puisqu’il ne connaissait pas le kabuki) entre son travail sur Le Regard du sourd en 1971 et le monde du théâtre japonais. « Parmi les choses qui ont réellement eu une influence sur moi il y a bien sûr le fait de changer de décor devant le public, l’habillage et le déshabillage sur scène, et le retrait des accessoires par des gens vêtus de noir censés être invisibles. J’ai été fasciné par la superposition des costumes les uns sur les autres, et par l’accessoiriste qui retirait le premier costume de l’acteur sous le regard des spectateurs. » Depuis Bob Wilson a tissé des liens avec des acteurs de kabuki dont Bandô Tamasaburô V. Ce monde de conventions très claires dans le théâtre japonais a trouvé un écho chez le metteur en scène.
Vêtement de forme très épurée, le kimono varie légèrement sur la longueur des manches (les manches longues des furisode sont des modèles pour jeunes filles, ainsi le personnage de Fuji Musume (jeune fille aux glycines), mais sinon, c’est tout le détail des broderies, la complexité des teintures qui lui donnent sa richesse. Au XVIIIe les vêtements du kabuki tombèrent aussi sous le coup de lois somptuaires et les modèles se simplifièrent avec du coton brodé. Les vêtements ne devaient pas trop imiter la qualité des tenues des nobles. Tout un jeu d’astuces, d’exagération de motifs a compensé les interdictions.
La variété des motifs donne aussi à voir la nature telle que les Japonais la représentait avec ses symboles et aussi les événements historiques qui ont été utilisés en guise d’inspiration du théâtre kabuki. Autour des kimonos sont présentés des accessoires (ombrelles, getas, éventails) et des estampes.
Sur l’exposition plane la délicieuse ombre du japonisme quand les Européens ont découvert les estampes et les kimonos notamment chez Bing à la fin du XIXè siècle. Les artistes post-impressionnistes furent influencés par les cadrages des estampes, les motifs. En mode, le japonisme a régulièrement des résurgences chez les créateurs : Yves Saint Laurent, John Galliano, Cacharel, Alexandre Mc Queen,… ou encore Yohji Yamamoto.
A l’origine vêtement de papier, Kamiko symbolise l’état de pauvreté qui a touché le héros dont le vêtement est constitué de lettres d’amour calligraphiées (en bandes de washi). Aujourd’hui le motif de fragments calligraphiés est repris, mais le modèle est réalisé sur de la soie. Modèle des années 80.
Costume de cour, ce modèle incarne un vêtement de la période de Heian dans une pièce inspirée du Genji Monogatari (importante oeuvre du XIè siècle écrite par une femme). L’inspiration du Genji est arrivée tardivement sur la scène du kabuki en raison des lois somptuaires (trois pièces dans les années 1950). Modèle à motifs de fleurs et dragons des années 90.
Kamakura Gongoro Kagemasa de la pièce Shibaraku, costume du guerrier courageux qui intervient pour empêcher une exécution. Des couleurs sobres, mais une forme arrondie et un décor d’armoiries. Années 80.
Dans la pièce Shibaraku également un personnage de grotesque, Kashima Nyudo Shinsai avec un magnifique poulpe et des coquillages (modèle des années 80). Le poulpe est un élément important de la culture culinaire et humoristique du Japon ainsi l’Oodako de Dragonball ou encore un des personnages de L’été de Kikujiro de Kitano surgissant de l’eau, coiffé d’un poulpe.
Motif de pins sous la neige avec un faucon, l’hiver japonais dans sa splendeur, modèle des années 40.
Fondation Pierre Bergé Yves saint Laurent Jusqu’au 15 juillet
Photos Shôchiku Costume C° et Luc castel.