Brooke Taylor et Nana Aganovich ont confirmé, avec brio et intelligence, que leur duo faisait partie des nouveaux talents à suivre avec une collection légère, poétique et géométrique.
Exquis, le carton d‘invitation est un des plus beaux (si pas le plus beau avec un gant de Galliano et une boîte à mystère d’Angelo Figus, sweet memories) jamais reçu. Ici un petit châssis façon toile rend hommage à Bacon et au décor de ses portraits. Un nouveau personnage s’inscrit, sa tête reprend l’orb qui signe le travail des créateurs. Une tête de chou, le monde, la technologie, chacun peut se réapproprier la sphère, le globe qui est, chez Aganovich, la transposition en dessin par Clifford Harper (illustrateur et anarchiste britannique) d’une vieille boule de pétanque trouvée sur un marché ! Brooke Taylor explique que l’orb n’a « pas de signification précise sauf que l’on adore les sphères et les cercles. »
Sur le carton argent, en exergue, une phrase de Francis Bacon donne le ton : « If you can talk about it why paint it ».
A l’entrée du défilé (une galerie d’art) une baraque à bacon venue de Londres distribue des sandwiches au bacon. Cette joyeuse transposition dadaïste autour d’un jeu de mot ajoute une cocasse dose d’humour à un univers qui souvent en manque.
Un petit texte donne la clef des inspirations. Le point de départ est Kowloon avec sa cité enclavée entre Chinois et Britanniques. La cité emmurée fut détruite en 1994 pour devenir un parc. S’ajoute la relecture de Au Coeur des ténèbres de Conrad, une sorte de retour au primitivisme. Et enfin Francis Bacon choisi notamment pour sa palette de couleurs très chair.
Le défilé commence par un monologue entre l’artiste et son interviewer (muet). Outrageusement grimé en clown blanc et triste, vêtu d’une salopette éclaboussée de peinture, l’artiste est coiffé d’une perruque de femme de traviole. Ambiguïté des sexes et discours sérieux (voix off du peintre) sur la création et de ce qui l’aide parfois :« drink help me… »
Un ballet de miroirs vient ensuite s’orchestrer sur le podium en cercle, des formes concaves et convexes. Les mannequins vont tourner autour, leurs silhouettes déformées, distordues, sauce Bacon ?
Mais tout ce dispositif ne cannibalise pas l’attention sur la collection, il vient l’enrichir avec intelligence et esthétique.
Le travail sur le puzzle se continue, construction, déconstruction, découpages, superpositions, jeux sur les longueurs, une pointe d’asymétrie. Une matière maîtresse : l’organza, choisi pour sa transparence, ses jeux possibles de cache-cache du corps, s’opposant à l’opacité du satin brillant. La palette est au départ chair, blanche, délicate mais s’accentue de traits rouges, parfois comme des nervures ou alors de grands pans géométriques. Le noir aussi est mis, s’opposant au blanc.
Art + création + style, la mode façon art total.
-Les sièges : chaises pliantes.
-Cadeau Bonus : une petite figurine Pixi avec un effet miroir.
-J’achète : une robe marron avec une pointe d’asymétrie dans la construction et un bras recouvert.
Photos Patrice Stable