Le couturier Frank Sorbier a imaginé une façon originale de communiquer tout en donnant la possibilité à tout un chacun d’assister à son prochain défilé de couture. Il met en route un « fonds de dotation » ouvert au public avec des modules positionnés à prix différents. Associés à des noms de pierres précieuses, les modules donnent accès à divers privilèges dont la possibilité d’assister à son défilé. La participation à cette aventure ouvre aussi droit à la défiscalisation des sommes versées. Agathe est le module le plus modeste (31€), celui du simple membre donateur, ensuite l’échelle se gravit jusqu’au module diamant (8.000€) qui permet de devenir acquéreur d’un modèle couture en passant par le rubis (2.500€) lequel s’accompagne d’une nuit à l’hôtel Murano, d’une visite en backstage, d’une soirée et bien évidemment le défilé avec quelques places au premier rang.
Avec cette initiative Frank Sorbier fait preuve une nouvelle fois de débrouillardise dans le monde de la mode. Ses défilés sont souvent parrainés par des personnalités et il a orchestré un défilé virtuel sur le net en juillet 2008.
Avec ce nouveau système D pour que continue le métier de la couture, il ne s’agit pas de démocratiser la couture, mais de donner l’accès à un défilé de mode, à voir comme un spectacle d’habitude réservé à un monde de professionnels (journalistes essentiellement pour la haute couture) et aussi de clientes. A découvrir le 6 juillet 2011.
www.fondsdedotationsorbier.com
Portrait Photo Pierre Belhassen
Collection haute Couture Printemps Eté 2011. Photo Piero Biasion
La capitale mexicaine s’est mise en mai à l’heure française lors d’un festival de mode, Creamoda, où des créateurs basés à Paris sont venus défiler et rencontrer les étudiants d’une école de mode.
Depuis une dizaine d’années l’Instituto de estudios Superiores de Casa Moda de Francia, dirigée par une Française installée au Mexique, enseigne la mode aux jeunes Mexicains. La capitale compte aujourd’hui de plus en plus d’écoles de mode et, comme partout dans le monde, la mode suscite un intérêt majeur auprès des jeunes (l’effet Fashion TV, l’attraction des marques de luxe et la réussite financière et médiatique de jeunes talents). L’intérêt du festival a été un vraie rencontre, une mise en commun des connaissances et des échanges, notamment dans des ateliers de plusieurs heures avec les jeunes élèves. La semaine s’est clôturée par un défilé des différents invités ainsi que d’une sélection des modèles les plus intéressants (très bon niveau !) des élèves.
Une table ronde a permis aux Français d’échanger leurs vues avec les industriels du Mexique qui se posent des questions sur ce qu’il est possible de faire dans leur pays. Le premier constat est qu’il n’y a pas un grand intérêt des clients pour des produits « mexicains », mais l’explication est simple, il n’y a pas encore de notoriété autour de la mode mexicaine. Le pays se pose aussi la question de la concurrence avec les produits moins chers qui vont arriver de Chine (le problème existe aussi en Europe, mais subsiste encore le prestige des « marques »). L’échange a permis d’aboutir concrètement à des résultats. Un jeune talent mexicain, Kristhian Martinez, a été choisi et aura un espace dans un Salon de prêt-à-porter à Paris fin septembre, le Fame. Dans la foulée un industriel mexicain s’est engagé dans la fabrication de ses commandes.
Naco, créateur français a réussi à intéresser les industriels mexicains et va pouvoir sans doute réaliser avec l’un d’eux un développement de jeans (les Mexicains en produisent des quantités industrielles, mais c’est une fabrication qui souvent exige pour un fort taux de rentabilité de très grosses quantités) avec des quantités raisonnables.
Les On aura tout vu ont présenté des morceaux choisis de leur couture ainsi leur magnifique robe de sirène en écailles brodées. Hasard du calendrier, les créateurs ont retrouvé en concert une star qu’ils habillent parfois : Lady Gaga.
Didier Ludot a expliqué l’importance du passé et était venu avec Felix Farrington qui dessine la collection « La petite robe noire », hommage à l’incontournable classique de toute garde-robe au féminin.
Gustavo Lins, désormais membre de la haute couture, a présenté sa collection de vêtements et son travail de déconstruction du vêtement. Il a animé un atelier où les élèves ont travaillé sur des moulages en papier mâché.
Naco, qui va fêter ses dix ans de mode, a travaillé avec des étudiants pour leur expliquer que l’on pouvait créer à partir de peu de choses (sa première collection fut faite avec quelques francs) et métisser les trouvailles, la récup. Son défilé était une sorte de happening où les mannequins, un homme et une femme, ont échangé leurs vêtements et les ont aussi portés dans différents sens. L’un était l’autre.
La signataire du blog a échangé sa casquette de journaliste pour travailler du chapeau avec un groupe d’étudiant hyper motivés qui ont revisité le chapeau de paille mexicain pour le sortir du folklore local.
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Chef d’oeuvre du Rijksmuseum, le tableau de Rembrandt intitulé la Ronde de nuit (1642) conserve une part de son mystère et suscite des interprétations variées. Aujourd’hui Anselm Kiefer lui rend hommage avec une oeuvre placée en face du tableau.
Comme toutes les grandes oeuvres, La ronde de nuit intrigue et s’explique, s’interprète, notamment de façon politique. Aurait-elle aussi joué un rôle majeur dans l’évolution de la carrière du peintre ? Peter Greenaway, cinéaste anglais installé à Amsterdam tout près du musée, a lui réalisé en 2008 un film entier et propose une curieuse explication de l’oeuvre, la transformant en un complot aux allures policières et drames en cascades.
Aujourd’hui le musée expose l’oeuvre réalisée par Anselm Kiefer (l’artiste a eu carte blanche) en hommage à La ronde de nuit. L’artiste allemand a choisi une voie détournée, intégrant un autre grand nom de la peinture hollandaise, Van Gogh et une de ses oeuvres emblématiques : les Tournesols. En résine, des tournesols géants se dressent fanés, coupés sur un sol craquelé. La vie fleurit et se flétrit, le temps passe. Sous forme de triptyque composé en vitrines aux parois de verre se dressent les tiges, répondant aux hallebardes de la milice. Au centre figure une chaise de jardin. Elle trouve sans doute son explication dans le titre : La Berceuse, une oeuvre de Van Gogh, portrait de madame Roulin (épouse du facteur cher à Van Gogh) et que l’artiste imaginait (voir ses écrits) en triptyque avec les tournesols autour. Kiefer l’a fait et le résultat est tout simplement magnifique.
Kiefer rend aussi hommage à un pays qui l’a aidé dans sa vie d’artiste ; expositions et premiers achats de ses oeuvres par des collectionneurs hollandais.
En parallèle à l’exposition figure une série de photos d’Anton Corbijn montrant Anselm Kiefer à l’oeuvre dans son atelier du sud de la France.
Du 7 mai au 4 juillet.
Photos de l’oeuvre : Myra May
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« Les parfums 2011 » viennent de célébrer les meilleures créations de l’année 2010. Célèbres aux Etats-Unis, les Fifi, prix de la Fine Fragrance Foundation, ont aussi un équivalent hexagonal. The Fragrance Foundation France, après un partenariat de quelques années avec le magazine Marie-Claire, a réorganisé ses prix et a présenté les lauréats de 2010. Le public, la participation était ouverte à tous sur internet, a élu les meilleurs parfums de l’année en termes de composition, de flaconnage et de campagnes de publicité.
Au féminin Belle d’Opium (Yves Saint Laurent) a eu les faveurs des électeurs, la jolie variante d’Opium qu’incarne Mélanie Thierry. Au masculin, c’est Chanel qui plonge avec Bleu, un aromatique boisé composé par Jacques Polge et une campagne signée Martin Scorsese mettant en scène un Gaspard Ulliel qui se rebelle.
Les flacons primés sont au féminin le Balenciaga, un très beau flacon classique en hommage à la forme cape architecturée qui incarne la maison à ses débuts et au masculin (même si ce parfum n‘a pas de sexe déclaré) Voyage d’Hermès avec un flacon élégant et amusant signé Philippe Mouquet qui oscille comme un éperon.
La meilleure campagne de pub revient à Trésor in Love (Lancôme), romantique et délicate. Biotherm Homme avec son grand splash d’énergie apporte une belle touche de fraîcheur avec son parfum Force.
Le prix du meilleur parfum en distribution propre est revenu à Pivoine Flora de l’Occitane.
Le prix des parfumeurs (un jury de nez) a distingué Womanity de Mugler entre sucré et salé.
Le prix des spécialistes, un jury d’évaluatrices, journalistes (dont la signataire de ce blog) et de blogueurs a choisi, parmi les fragrances distribuées dans un nombre limité de points de ventes (essentiellement marques de niches, petites ou aussi issues de grands groupes), le Like this, un hommage à Tilda Swinton rendu par Etat libre d’orange et composé par Mathilde Bijaoui, une jolie création qui fleure l’immortelle.
Un dernier prix, celui du board de la fondation est allé à Romano Ricci pour sa collection Juliette has a gun.
Un panorama représentatif des nouveautés marquantes (et grand public) de l’année.
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Le 5 du 5, le 5 mai, le jour d’un défilé de Coco Chanel. Une date porte-bonheur, un fétiche fait parfum. La magie est là encore intacte, 90 ans plus tard. Discrète et digne, la vieille dame ne clame pas son âge et pourtant elle a de quoi être fière. N°5 plutôt abonné au N°1, le N°5 de Chanel est sans aucun doute le parfum le plus célèbre du monde. Si son succès planétaire s’explique en partie par la renommée de Coco, Marilyn y a ajouté quelques gouttes de célébrité, elle qui disait qu’elle dormait juste habillée de quelques gouttes de N°5.
Photo Ed Feingersh © Michael Ochs Archives
Une fragrance
Visionnaire et audacieuse Coco Chanel en 1921 imagine de lancer un parfum à son nom. Elle choisit de travailler avec le parfumeur Ernest Beaux lui demandant « un parfum qui rendrait jaloux même les autres parfumeurs ». Ernest Beaux lui compose des variations autour de bouquets de fleurs. Il choisit les ingrédients des plus belles qualités, mais a l’impression que le résultat reste « au fond du flacon ». Pour « donner du montant », il a alors l’idée originale d’ajouter une surdose d’aldéhydes. Ce composant chimique étonnant n’est pas par son odeur d’une séduction absolue (assez métallique), mais son association avec d’autres éléments les magnifie, les transfigure, les « booste ». Jacques Polge, parfumeur maison pour Chanel, crée les nouveautés et oeuvre en gardien du temple, veillant à la pérennité du N°5. Il explique que cette idée d’aldéhyde serait comme poser une touche de citron sur des fraises. « Les aldéhydes concourent à brouiller les pistes et participent à l’abstraction des notes » ajoute-t-il.
Originale la fragrance n’est pas un bouquet facile (et pas forcément plaisante en tests aveugles !), mais une construction complexe. Parmi les composants du N°5, se révèle un bouquet de fleurs : rose, ylang-ylang, jasmin et bois de santal avec des matières premières des qualités les plus belles. Après l’extrait imaginé pour la préciosité de son geste avec parcimonie, fut composée une eau de toilette, puis une eau de parfum et enfin, petite dernière tout en fraîcheur et juvénile, l’Eau première, magnifique travail de réécriture composé par Jacques Polge, « une version plus fraîche, plus facile, plus transparente. »
Un nom
La légende du N°5 doit aussi beaucoup à son nom. En rupture avec les noms de parfums descriptifs de fleurs, soliflores, bouquets composés ou encore des fantaisies d’inspiration orientale, Coco Chanel choisit la simplicité, l’épure mathématique et abstraite d’un chiffre. La légende du N°5 correspondrait aussi, presque par choix de superstition au cinquième essai proposé par Ernest Beaux et au souvenir d’un défilé du 5 mai. Le flacon, imaginé par Coco Chanel, opte pour une forme simple, géométrique, épurée. Il évoluera très peu.
Son élégance classique s’abrite dans un étui blanc liséré de noir (en exposition dans la section design du MOMA de New York depuis très longtemps), un des codes d’identité de Chanel.
Photo François Kollar © Ministère de la Culture – Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN
Un mythe
Présence et mystère, le N°5 restera à jamais un grand parfum. S’il conserve son aura de luxe, le N°5 est aussi passé par la case arty et pop d’Andy Warhol qui en a peint différentes versions, soupe Campbell du luxe.
© 1997 CHANEL. © ANDY WARHOL FOUNDATION. A partir de sérigraphies d’Andy Warhol.
Au service du N°5 se sont succédées des égéries, connues et reconnues, actrices de renom dans des campagnes publicitaires signées des plus grands réalisateurs : Ridley Scott (Carole Bouquet au bord d’une piscine), Jean-Paul Goude (étonnant morphing où Carole Bouquet devient Marilyn et où la boucle est ainsi bouclée), Baz Luhrmann (Nicole Kidman en star sur tapis rouge) jusqu’a Jean-Pierre Jeunet avec Audrey Tautou en voyage dans l’Orient Express.
CHANEL – photographe Dominique ISSERMANN
Sans oublier l’exquis petit chaperon rouge qui domine les loups, un film réalisé par Luc Besson sur un scénario dessiné par Manara.
Happy Birthday N°5 pourrait susurrer Marilyn…
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Créateur majeur de la mode française, Jean Paul Gaultier a débuté par le prêt-à-porter avant d’ajouter l’activité haute couture en 1997. Pour le développement de sa maison, il s’était associé à la maison Hermès qui vient aujourd’hui de céder ses parts au groupe Puig.
C’est en 1999 que débute l’alliance entre Jean Paul Gaultier et Hermès avec, à l’époque, Jean-Louis Dumas. La maison devient actionnaire et les liens se renforcent encore sur le terrain de la création quand Jean Paul Gaultier devient le directeur artistique du prêt-à-porter féminin d’Hermès (de l’automne-hiver 2004 au printemps-été 2011). Aujourd’hui la maison Hermès vient de céder la totalité de ses parts (45%) au groupe espagnol Puig. Dans le communiqué, il est précisé qu’il s’agit de l’intégralité de la participation (16M€) ainsi que du remboursement des prêts consentis (14M€), soit un profit comptable pour la maison de 30M€.
Le groupe Puig devient ainsi actionnaire majoritaire. Manuel Puig devient le président tandis que Jean Paul Gaultier demeure directeur de la création et de l’image. Le groupe Puig poursuit ainsi le développement de ses activités mode avec déjà Carolina Herrera, Nina Ricci et surtout le relancement, après une éclipse, de Paco Rabanne avec le choix audacieux de l’Indien Manish Arora (à découvrir en octobre pour le printemps-été 2012).
En 2010 le groupe Puig a réalisé un chiffre d’affaires de 1.2 milliards d’euros avec une progression de 22%.
Le groupe espagnol et familial a surtout une grande expertise et de beaux succès en parfumerie dans son pays et à l’international. Il développe notamment les marques Paco Rabanne (les classiques et les nouveaux One Million et Lady Million), Prada (des parfums plus confidentiels, mais extrêmement raffinés), Nina Ricci (L’air du temps récemment revisité par Philippe Starck, succès de Nina…). Il gère aussi un partenariat de distribution avec les parfums Comme des garçons. S’est ajoutée cette année la signature d’une licence avec Valentino (avant dans le giron P&G). De son côté Jean Paul Gaultier a lui aussi une activité parfum très réussie, brillamment développée par B.P.I. (Beauté Prestige International). La filiale de Shiseido a initié de jolis succès en parfumerie avec les noms d’Issey Miyake, Narciso Rodriguez et bientôt Elie Saab. Chez Jean Paul Gaultier, le Classique est incarné par un buste de femme posé dans une boîte de conserve (souvenir de la création d’un bracelet JPG, objet de récupération très pop). S’ajoute le succès planétaire du masculin Le male, une composition de Francis Kurkdjian et un flacon anthropomorphe aux allures de marin. L’activité parfums attachée au nom de Gaultier est sûrement aussi très intéressante pour le groupe Puig, mais il faudra peut-être attendre…
Visuel : Modèle de la dernière collection Hermès signée JP Gaultier.
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