Sweet memories. Les années 1990 et 2000 sont revisitées dans la nouvelle exposition de mode du Musée des arts décoratifs. Dans ce passé proche, la création était alors majeure. Si l’exposition recèle de magnifiques pièces, elle rend nostalgique même si l’occasion est belle de redécouvrir les vitrines consacrées aux créateurs les plus influents de ces décennies. Ces noms de la scène parisienne sont aussi issus des écoles italiennes, anglaises, japonaises ou belges.
Avec le temps va tout s’en va. Certains noms se sont effacés, engloutis dans le temps, les aléas financiers ou encore l’usure du style (pas toujours simple d’affronter l’air du temps en matière de mode).
L’exposition donne envie que la création continue, qu’elle ne disparaisse pas écrasée par des directives marketing qui pensent produit et laminée par les copies à bas prix.
Olivier Saillard a choisi, pour illustrer ces années, une trentaine de créateurs qui travaillent sous leur patronyme ou alors des talents mis au service des grands noms issus de la couture (Lagerfeld chez Chanel, John Galliano chez Dior ou encore pour Lanvin, Claude Montana et puis Alber Elbaz).
-Azzedine Alaïa pourrait être le lonesome et talentueux cow-boy de la mode. Imperméable à l’air du temps, il a su créer un style intemporel et personnel au service d’une féminité exquise et assumée. Un sillon très personnel pour un créateur résolument à part.
2003
-Adeline André poursuit également une démarche très personnelle. Si elle a inventé une veste à trois emmanchures et une robe unijambe, elle présente toujours au moment de la couture des collections délicates et poétiques dans une palette de coloris très raffinée.
1998
-Jean Paul Gaultier oublie son étiquette d’enfant terrible (même si certaines collections sont encore marquantes comme celle inspirée des tatouages) pour se plonger dans une vision élégante d’une nouvelle haute couture qui lui va bien à partir de 1997.
1997
-Du côté de la haute couture, Christian Lacroix incarne la flamboyance, le baroque et la perfection d’un style que l’on n’oublie pas. Il traverse avec éclat ces années avec des modèles inspirés et techniquement magnifiques.
2002-2003
-Lanvin est présent avec deux figures de proue qui ont continué son histoire. A l’époque où la haute couture existait encore Claude Montana obtint avec son style architecturé, parfaitement construit deux dés d’or (1992). Aujourd’hui Alber Ebaz signe les collections Lanvin (depuis 2001) avec élégance, raffinement et poésie. Une des vraies belles histoires de mode d’aujourd’hui.
1997 2003
-Balenciaga. Sous le nom du grand couturier officie Nicolas Ghesquière reconnu comme figure majeure par la planète mode. Il a su revisiter la marque et lui donner un nouvel élan créatif tout en continuant un style architecturé.
2008
-E2. Après une première vie sous le label Mariot Chanet (à partir de 1987), Michèle Meunier et Olivier Chatenet ont créé E2 en 1999. D’un jeu de mots, ils ont imaginé une marque qui revisite le passé pour en faire du neuf. Un premier coup d’éclat est réussi avec la customisation de kilts rivetés. Depuis ils revisitent des modèles, en créent de nouveaux avec des assemblages de foulards… Une sorte de neo-vintage où ils mettent la main aux coutures et créent des modèles uniques.
2010 Photo Goran Vejvoda
-Apparus surtout dans les années 80 (mais ne pas oublier Issey Miyake !), les Japonais continuent sur leur lancée radicale. Yohji Yamamoto joue davantage la féminité et rend plusieurs fois magnifiquement hommage à la couture française.
1999
Radicale, Rei Kawakubo pour Comme des garçons approche d’un art total dans des défilés où le choix des maquillages et des coiffures impose toujours une vision très personnelle. En style, toujours de l’audace avec notamment l’incroyable collection de vêtements à bosses qui servit aussi de prétexte à un ballet de Merce Cunningham.
1997 2006
-Junya Watanabe trace une voie personnelle dans la famille radicale dont il est un des plus importants tenants. A découvrir, la collection de vêtements imperméables dont le défilé eut lieu sous une pluie artificielle.
1995-96
-Belge, Martin Margiela s’impose avec l’exploration de la perte d’identité du vêtement sous son étiquette banche tandis que les mannequins ont les traits oblitérés d’anonymat. Revisité, reconstruit, le vêtement remonte jusqu’à ses origines avec la veste façon Stockman.
1997 Ronald Stoops 2008 Guy Marineau
-Dries van Noten a un sens de la couleur et plonge son inspiration dans un ailleurs ethnique aux splendeurs d’Orient. Dans des formes confortables, une mode raffinée et très facile à porter (sans que cela soit péjoratif). Le créateur poursuit avec raffinement un beau voyage.`
1997
-Véronique Leroy incarne aussi la Belgique mais du côté francophone. La Liégeoise poursuit une belle aventure dans un style construit, mais très féminin.
1993
-En Grande-Bretagne Vivienne Westwood continue un savoureux mélange où l’esprit punk se mâtine de références historiques et picturales avec une maîtrise de la coupe sans faille.
1995-96
-La nouvelle génération anglaise s’est poursuivie avec les créateurs issus de la Saint Martins School de Londres. La fantaisie débridée de John Galliano s’est d’abord réveillée sous son nom avant d’imposer une couture audacieuse chez Dior, pure merveille quand l’audace est au rendez-vous.
-Si Alexander Mc Queen n’est plus, il a marqué ces années là avec des défilés spectaculaires et originaux magnifiant ses modèles très construits.
1999 2004
-Hussein Chalayan explore le présent pour le futur, intègre de la technologie, transporte ses vêtements entre deux univers avec ses modèles proches du design (robe-table, vêtements chaises…). Un des grands noms de la mode d’aujourd’hui en termes de création.
2000
-Dolce Italia. La péninsule en mode se dessine à la fois raffinée et élégante, mais aussi exubérante, flamboyante et sexy. Dolce & Gabbana en duo magnifie la féminité dans un style sensuel qui n’hésite pas à faire rugir la femme dans des imprimés fauves.
Archives D&G 2007
A l’opposé, Prada, avec son minimalisme chic, incarne une mode aux allures intellos et raffinées.
2007-2008
Lost in fashion
-Helmut Lang incarnait l’avant–garde minimaliste d’une mode radicale, conceptuelle et simple. Les aléas d’un rachat de son nom ont mis fin à une importante histoire de mode.
2002
-Sybilla travaille encore en Espagne, mais elle apporta à la mode à Paris une poésie, un travail sur les formes où sa fantaisie se bridait paradoxalement et élégamment d’une palette de couleurs raffinée, sourde et discrète.
Juan Gatti
-Claude Montana. Si son nom n’est plus celui d’une marque aujourd’hui, il incarne les années 80 dans leur splendeur et marque également la décennie suivante avec sa mode géométrique sublimement et subtilement architecturée.
Photos Guy Marineau sauf mentions