« Le seul nom que Liz Taylor connaisse en italien est Bulgari » disait avec humour Richard Burton. Une phrase mythique comme celle de Marilyn Monroe et ses quelques gouttes de N°5 (Chanel) pour habiller ses nuits. Marque de joaillerie italienne, Bulgari célèbre ses 125 ans d’existence à Paris, au Grand Palais.
La nef du Grand Palais sert d’écrin à une rétrospective autour de la joaillerie Bulgari. Pour magnifier les bijoux a été imaginé un espace dans l’espace en forme de diamant noir à facettes de 9 mètres de haut et de 27 mètres de diamètre. Dans la réalité, ce diamant serait une pierre de 50 milliards de carats ! Si l’exposition reprend dans son contenu celui de la rétrospective romaine, la scénographie parisienne est plus ambitieuse dans son jeu de miroirs aux allures de futuroscope de la joaillerie.


Le parcours permet une plongée dans le temps depuis les origines de la maison jusqu’à nos jours en passant par bijoux de stars et parures mythiques. Les prêts de collections privées sont aussi venus enrichir avec éclat les oeuvres conservées par la maison.
En 1884 un orfèvre d’origine grecque, Sotirio Bulgari ouvrit une boutique où il fabriquait des objets en argent. Un esprit byzantin habille les modèles de la fin du XIXème siècle.
Giorgio et Costantino, les deux fils viennent ensuite continuer l’affaire familiale qui se développe.
Les créations des années 20 et 30 s’inspirent de l’art déco avec des formes épurées et une stylisation géométrique.
Si dans les années 40 ou 50 se reflète une influence de la joaillerie française, la maison s’imposera ensuite par un style personnel et italien.

Boucles d’oreilles en or avec saphirs et diamants. 1945
Les années 60 sont majeures dans l’histoire de la maison. A la stylisation des formes empreintes de douceur répond l’audace des associations de couleurs.
Les années 70 n’hésitent pas à manier une forme d’humour inspiré du Pop art avec des broches en cornets de crème glacée ou en forme de temple grec.

Ras du cour or avec saphirs, diamants et émail bleu. 1975
Dans les années 80 Bulgari est le joaillier des stars avec ses parures portées par Grace Jones, Tina Turner…
A découvrir aussi des pièces peut-être moins connues mais typiques du patrimoine comme les « gemme numarie », bijoux composés à partir de pièces de monnaie antique.
Magnifiques, les bijoux serpents sur le poignet s‘enroulent avec pierres semi-précieuses ou émail.

Bracelet montre en or et émail polychrome 1965
Si les bijoux sont magnifiques tout le travail de documentation qui innerve l’exposition est passionnant ainsi les dessins préparatoires au travail de sertissage, d’une précision quasi photographique. Extraits de films, documentaires font revivre les personnalités qui ont porté ces bijoux. Anna Magnani, Monica Vitti, Claudia Cardinale, Romy Schneider, Sophia Loren, Ingrid Bergman… font toujours rêver. Cinecitta et Dolce Vita participent à l’éclat de Bulgari.
Fleuron de l’exposition, la collection privée de Liz Taylor est présente dans toute sa splendeur. En 1959 l’actrice avait reçu un trophée Bulgari pour son interprétation inoubliable de Catherine dans Soudain l’été dernier. Mais c’est à partir de sa rencontre avec Richard Burton que la marque devient indissociable de leurs amours. L’acteur disait : « J’ai initié Liz à la bière, elle m’a présenté Bulgari ». Depuis leurs fiançailles avec une broche de diamants et émeraudes en 1962, le couple a multiplié les achats de bijoux magnifiques dont des émeraudes somptueuses mettant en valeur les yeux de la belle Liz.

Collier émeraudes et diamants ayant appartenu à Liz Taylor. 1962
L’exposition donne à admirer plus de 500 pièces au Grand palais jusqu’au 21 janvier.
Une rétrospective à voir sur les traces d’Andy Warhol : « Je visite toujours Bulgari parce que c’est le plus important musée d’art contemporain. »
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Elément emblématique de la maison Hermès depuis plus de 70 ans, le carré a des motifs qui régulièrement se renouvellent.
En 2008 un premier carré d’artiste rendit hommage à Joseph Albers, travaillant une sorte de mise en abyme de carrés aux subtiles variations de couleurs de l’élève d’Itten devenu professeur au Bauhaus et artiste de l’abstraction géométrique.
Cette fois c’est Daniel Buren qui a été choisi pour composer des carrés. L’artiste aux rayures avait déjà imaginé pour Hermès une exposition à Bruxelles et un nouvel espace à Séoul en 2006 autour de « Filtres colorés ». Si au départ Daniel Buren avait imaginé des milliers de carrés avec son travail photographique, le projet s’est ensuite focalisé sur 22 photos qui, en variant les cadrages (2 à 4 différents) et les possibilités d’encadrement (18), ont donné naissance à 365 pièces uniques. Pour encadrer ses photos souvenirs, Buren a choisi le motif récurrent de ses rayures (8,7cm de largeur) en jouant avec les couleurs : bleu ciel, bleu foncé, jaune, noir orange, rose, rouge, vert et violet. Pour l’impression a été privilégié un jet d’encre pour apporter plus de richesse aux couleurs. Enfin, pour conserver la mémoire de cette nouvelle union entre art et mode a été édité un ouvrage reprenant les motifs, belle mise au carré.

Sweet memories. Les années 1990 et 2000 sont revisitées dans la nouvelle exposition de mode du Musée des arts décoratifs. Dans ce passé proche, la création était alors majeure. Si l’exposition recèle de magnifiques pièces, elle rend nostalgique même si l’occasion est belle de redécouvrir les vitrines consacrées aux créateurs les plus influents de ces décennies. Ces noms de la scène parisienne sont aussi issus des écoles italiennes, anglaises, japonaises ou belges.
Avec le temps va tout s’en va. Certains noms se sont effacés, engloutis dans le temps, les aléas financiers ou encore l’usure du style (pas toujours simple d’affronter l’air du temps en matière de mode).
L’exposition donne envie que la création continue, qu’elle ne disparaisse pas écrasée par des directives marketing qui pensent produit et laminée par les copies à bas prix.
Olivier Saillard a choisi, pour illustrer ces années, une trentaine de créateurs qui travaillent sous leur patronyme ou alors des talents mis au service des grands noms issus de la couture (Lagerfeld chez Chanel, John Galliano chez Dior ou encore pour Lanvin, Claude Montana et puis Alber Elbaz).
-Azzedine Alaïa pourrait être le lonesome et talentueux cow-boy de la mode. Imperméable à l’air du temps, il a su créer un style intemporel et personnel au service d’une féminité exquise et assumée. Un sillon très personnel pour un créateur résolument à part.

2003
-Adeline André poursuit également une démarche très personnelle. Si elle a inventé une veste à trois emmanchures et une robe unijambe, elle présente toujours au moment de la couture des collections délicates et poétiques dans une palette de coloris très raffinée.

1998
-Jean Paul Gaultier oublie son étiquette d’enfant terrible (même si certaines collections sont encore marquantes comme celle inspirée des tatouages) pour se plonger dans une vision élégante d’une nouvelle haute couture qui lui va bien à partir de 1997.

1997
-Du côté de la haute couture, Christian Lacroix incarne la flamboyance, le baroque et la perfection d’un style que l’on n’oublie pas. Il traverse avec éclat ces années avec des modèles inspirés et techniquement magnifiques.

2002-2003
-Lanvin est présent avec deux figures de proue qui ont continué son histoire. A l’époque où la haute couture existait encore Claude Montana obtint avec son style architecturé, parfaitement construit deux dés d’or (1992). Aujourd’hui Alber Ebaz signe les collections Lanvin (depuis 2001) avec élégance, raffinement et poésie. Une des vraies belles histoires de mode d’aujourd’hui.


1997 2003
-Balenciaga. Sous le nom du grand couturier officie Nicolas Ghesquière reconnu comme figure majeure par la planète mode. Il a su revisiter la marque et lui donner un nouvel élan créatif tout en continuant un style architecturé.

2008
-E2. Après une première vie sous le label Mariot Chanet (à partir de 1987), Michèle Meunier et Olivier Chatenet ont créé E2 en 1999. D’un jeu de mots, ils ont imaginé une marque qui revisite le passé pour en faire du neuf. Un premier coup d’éclat est réussi avec la customisation de kilts rivetés. Depuis ils revisitent des modèles, en créent de nouveaux avec des assemblages de foulards… Une sorte de neo-vintage où ils mettent la main aux coutures et créent des modèles uniques.

2010 Photo Goran Vejvoda
-Apparus surtout dans les années 80 (mais ne pas oublier Issey Miyake !), les Japonais continuent sur leur lancée radicale. Yohji Yamamoto joue davantage la féminité et rend plusieurs fois magnifiquement hommage à la couture française.

1999
Radicale, Rei Kawakubo pour Comme des garçons approche d’un art total dans des défilés où le choix des maquillages et des coiffures impose toujours une vision très personnelle. En style, toujours de l’audace avec notamment l’incroyable collection de vêtements à bosses qui servit aussi de prétexte à un ballet de Merce Cunningham.


1997 2006
-Junya Watanabe trace une voie personnelle dans la famille radicale dont il est un des plus importants tenants. A découvrir, la collection de vêtements imperméables dont le défilé eut lieu sous une pluie artificielle.

1995-96
-Belge, Martin Margiela s’impose avec l’exploration de la perte d’identité du vêtement sous son étiquette banche tandis que les mannequins ont les traits oblitérés d’anonymat. Revisité, reconstruit, le vêtement remonte jusqu’à ses origines avec la veste façon Stockman.


1997 Ronald Stoops 2008 Guy Marineau
-Dries van Noten a un sens de la couleur et plonge son inspiration dans un ailleurs ethnique aux splendeurs d’Orient. Dans des formes confortables, une mode raffinée et très facile à porter (sans que cela soit péjoratif). Le créateur poursuit avec raffinement un beau voyage.`

1997
-Véronique Leroy incarne aussi la Belgique mais du côté francophone. La Liégeoise poursuit une belle aventure dans un style construit, mais très féminin.

1993
-En Grande-Bretagne Vivienne Westwood continue un savoureux mélange où l’esprit punk se mâtine de références historiques et picturales avec une maîtrise de la coupe sans faille.

1995-96
-La nouvelle génération anglaise s’est poursuivie avec les créateurs issus de la Saint Martins School de Londres. La fantaisie débridée de John Galliano s’est d’abord réveillée sous son nom avant d’imposer une couture audacieuse chez Dior, pure merveille quand l’audace est au rendez-vous.
-Si Alexander Mc Queen n’est plus, il a marqué ces années là avec des défilés spectaculaires et originaux magnifiant ses modèles très construits.


1999 2004
-Hussein Chalayan explore le présent pour le futur, intègre de la technologie, transporte ses vêtements entre deux univers avec ses modèles proches du design (robe-table, vêtements chaises…). Un des grands noms de la mode d’aujourd’hui en termes de création.

2000
-Dolce Italia. La péninsule en mode se dessine à la fois raffinée et élégante, mais aussi exubérante, flamboyante et sexy. Dolce & Gabbana en duo magnifie la féminité dans un style sensuel qui n’hésite pas à faire rugir la femme dans des imprimés fauves.

Archives D&G 2007
A l’opposé, Prada, avec son minimalisme chic, incarne une mode aux allures intellos et raffinées.

2007-2008
Lost in fashion
-Helmut Lang incarnait l’avant–garde minimaliste d’une mode radicale, conceptuelle et simple. Les aléas d’un rachat de son nom ont mis fin à une importante histoire de mode.

2002
-Sybilla travaille encore en Espagne, mais elle apporta à la mode à Paris une poésie, un travail sur les formes où sa fantaisie se bridait paradoxalement et élégamment d’une palette de couleurs raffinée, sourde et discrète.

Juan Gatti
-Claude Montana. Si son nom n’est plus celui d’une marque aujourd’hui, il incarne les années 80 dans leur splendeur et marque également la décennie suivante avec sa mode géométrique sublimement et subtilement architecturée.
Photos Guy Marineau sauf mentions
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Diplômé d’histoire de l’art devenu styliste de mode en Grèce, son pays, Thanos Kyriakides vit sa vie bouleversée par un déficience visuelle (retinitis pigmentosa) qui l’a conduit à un projet artistique aux frontières de la mode et de l’art. Son travail s’inspire très librement du conte des habits neufs de l’empereur mâtiné de l’univers poétique et surréaliste de Cocteau et de l’apparence des sculptures filiformes de Giacometti.

A partir de 2007 le créateur va se créer une nouvelle identité sous le nom de Blind Adam, un nouveau premier homme touché par la cécité. Thanos Kyriakides va sélectionner une matière, un fil de laine acrylique qu’il va travailler de façon essentiellement tactile. Multipliant les noeuds à intervalle régulier (défini par l’amplitude du passage du fil entre ses doigts), il se construit un module personnel. Il ajoute : « Je calcule beaucoup, tous les noeuds m’aident à calculer. Je commence à faire un noeud comme pour un chapelet. Après des kilomètres de métrage, je construis des pièces. » Au début il était encore styliste et c’est naturellement la mode qui s’est imposée. Avec les fils assemblés, le vêtement est réduit à son ossature, à sa trame principale, juste souligné de traits fondamentaux. « Au début il s’agissait de squelettes de vêtements comme un modèle invisible inspiré par les habits neufs de l’empereur tandis que le côté filiforme torturé vient de Giacometti » Quand le créateur parle d’une veste, il la détaille, raconte le col, la doublure, le travail… Son discours vient suppléer au manque de vision, d’imagination du voyant. Ariane a donné une pelote de fil à ce nouveau Thésée dont le travail précis et minutieux devient émouvant. Entre la réalisation des fils et le montage des modèles, le créateur peut passer un mois et demi sur une pièce. Vêtement oui, mais Thanos Kyriakides précise : « on peut l’utiliser comme un ornement ».

Dans la première collection, l’acte 1 était assez simple. Avec l’acte 2, la collection s’enrichit d’une structure qui se complique. Les modèles portent souvent des noms, hommages, références : Veste Napoléon, robe Médée.
La collection Les ailes est une autre thématique autour de l’idée de voler. « Il y a le côté ange et le côté oiseau de paradis et aussi un côté plus sombre, ange noir. »
La collection 3 (à venir) sera un hommage aux années vingt : Mata Hari, Greta Garbo, Louise Brooks, Joséphine Baker (pas en ceinture de bananes précise le créateur). Isadora Duncan aussi, pour laquelle il a déjà imaginé deux écharpes.


C’est en 2009 que les premiers « modèles » de Blind Adam ont été montrés à Paris chez C Lagence. En septembre 2010, son travail participe à l’exposition Beyond Dress Codes à Athènes (l’exposition met en scène le vêtement grec historique et ses influences jusqu’à la création contemporaine) et qui va ensuite circuler en Europe et aux Etats-Unis jusqu’en 2012.
Le vêtement au fil des créations semble disparaître. « Au début c’était plus évident dans ma tête de suivre cette direction et puis avec le temps, le travail évolue. En ce moment je continue dans une direction plutôt proche d’une installation artistique qui se construit loin du corps ». Quand le vêtement s’efface, s’estompe, le fil se pose sur une toile, en relief. La série des « Canvas » porte sa croix noire sur fond blanc et surgit l’ombre de Malevitch. Le noir joue un rôle essentiel. Si Thanos Kyriades l’apprécie, c’est pour son graphisme et parce qu’il aime « l’opposition entre le blanc et le noir ».


Avec une colonne de trois mètres de haut, le fil devient sculpture, prélude à la construction d’un Parthénon aux 56 colonnes. Chez lui aujourd’hui à Athènes des fils partent des quatre coins d’une pièce, ils se croisent, se superposent, symbolisent un système de communication dans une toile (d’araignée) géante.

Un fil à suivre, tissé entre art et mode.


Marque de parfums de niche, Byredo a été créée en 2006 par Ben Gorham. Après des études d’art à Stockholm, le fondateur a choisi l’univers du parfum en travaillant avec des nez comme Olivia Giacobetti ou Jérôme Epinette. Un peu aux antipodes d’une approche artistique épurée scandinave (même si flacon et étui jouent la simplicité), Ben Gorham plonge volontiers dans des inspirations ethniques (lui même est d’origine indienne par sa mère). Si l’humeur de la maison vagabonde et voyage avec Palermo, Bal d’Afrique, elle a aussi rendu hommage à Baudelaire avec une fragrance boisée et épicée. Le nouvel opus signe une collaboration avec Michaël Amzalag et Mathias Augustyniak, les M/M, duo créatif auteur de nombreuses directions artistiques avec (et pour) Yohji Yamamoto, Balenciaga, Calvin Klein… La rencontre a conduit à un parfum baptisé M/MINK. En guise d’inspiration, le duo avait donné trois éléments à Ben Gorham : un bloc d’encre noire solide de Corée, un portrait d’un maître calligraphe japonais et une formule utopique dessinée par Mathias Augustyniak. Au final a été composée une fragrance où se retrouve une odeur d’encre. Tracée d’un pinceau invisible, l’encre emporte dans son sillage : adoxal (une odeur fraîche aldéhydée et marine), encens, miel de girofle, patchouli, ambre. Un parfum au sillage puissant et intrigant.


Visuellement l’encre se retrouve sous forme d’élégantes taches calligraphiques qui viennent oblitérer l’étui ainsi que les photos réalisées par Inez Van Lamsweerde et Vinoodh Matadin.
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