Tapis rouge

A côté du cinéma, le festival de Cannes, c’est aussi un tapis rouge où déambulent stars de toujours et people d’un jour.

Enjeu de communication pour la mode, la joaillerie, les accessoires, le maquillage et les coiffures, les vedettes jouent les femmes sandwichs dans le club de plus en plus ouvert du cinéma. Chaque jour les communiqués sont envoyés par internet avec photos (avec ou sans droits). Aux grandes actrices les grandes marques et aux débutantes les jeunes créateurs ? Pas toujours, mais… souvent. Dans la course aux infos, on apprend que mademoiselle Tartempionne est habillée par Trucmuche. Google rend heureusement l’identification d’une femme possible. Les héros du jour sont aussi simplement mannequins de passage ou échappés de la télé-réalité en séance de rattrapage de notoriété. A côté du tapis rouge du palais, les soirées caritatives (amFAR) ou simili privées (les photos sont partout), ainsi l’anniversaire de Naomi Campbell habillée par Versace, permettront de remplir les pages people des magazines et … ? de faire rêver.

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Robe Versace et… quelques sponsors

Le beau mariage. Dans Copie conforme, Juliette Binoche porte pratiquement une seule tenue, une robe toute simple de Lanvin (par Alber Elbaz). Pour la montée des marches, sa robe du soir habillée, au drapé asymétrique en lamé doré, était aussi signée Lanvin. L’actrice continue ainsi une collaboration déjà réussie lors de son spectacle de danse avec Akram Khan. On songe aux belles histoires entre muses et couturiers : Givenchy et Audrey Hepburn, Catherine Deneuve et Yves Saint Laurent.

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L’argent. Les actrices qui ont des liens (commerciaux, publicitaires) avec des marques arborent évidemment les tenues des maisons pour lesquelles, en campagnes (de pub), elles portent sacs ou rouges à lèvres.

Quatre étoiles. Dans les grands hôtels des suites proposent des tenues prêtent à l’emploi, souvent à condition de faire une taille mannequin et de correspondre à l’ « image » que veut véhiculer une marque. Il est aussi possible de se faire maquiller, coiffer et d’emprunter des accessoires allant de la haute joaillerie (avec gardes du corps) à la fantaisie. La maison Swarovski prête des bijoux et des sacs qui brillent lors de la montée des marches. Chaque année Swarovski édite des collectors. Pour la onzième participation au festival a été créé un « Mybag » cristal argent et noir édité à 80 exemplaires. Les happy visiteurs de la suite du Martinez ont reçu une chaîne collector pour attacher les accréditations.

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Fashion Victime. Pour les jeunes ou nouveaux créateurs, Cannes est une vitrine qui permettra de montrer leurs créations parfois très originales. Bjork, de passage à Cannes pour le film de Lars Von Trier, fit beaucoup pour la notoriété de talents particulièrement pointus (Junya Watanabe, Alexandre et Matthieu ou Marjan Pejoski lors des oscars). Cette année, deux créateurs qui ont défilé lors de la haute couture ont pu présenter quelques modèles. Si Alexandre Vauthier a habillé Noomi Rapace (actrice vedette de Millenium), Julien Fournié a proposé à Gabriella Wright une robe en organza de soie argent, écossais.

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Des souris et des hommes. Si les femmes sont les plus remarquables sur le tapis rouge, les hommes sont tenus de respecter le code du smoking, mais qui peut aussi être très recherché, voire fashion. Lambert Wilson portait un smoking grain de poudre et satin noir signé Christian Dior.

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Visage. Le maquillage est capital pour paraître et être photographiée. Les équipes Christian Dior sont particulièrement présentes lors du festival. Les plus grandes actrices se font ainsi maquiller tandis que les petits secrets des produits sélectionnés sont expliqués. Les « crédits maquillages » fournissent les références des fonds de teint, rouges à lèvres, ombres à paupières…

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Un teint ivoire, un rouge à lèvres corail fantaisie, un blush rose anglais et… une Louise Bourgoin

Nostalgia. Si les choix des robes s’ancre plutôt dans le présent, la nostalgie et le vintage ont aussi droit de cité. Des robes d’esprit futuriste (comme on l’imaginait dans les années 60) signées Paco Rabanne sont venues briller de vif argent sur tapis rouge. Ce fut le choix de Diana Rudychenko et d’Héloïse Godet avec une robe en lamelles de rhodoïd noires et rouges.

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Barry Lindon. Toujours magnifique, Marisa Berenson porte souvent les couleurs de Dior, même en soie noire.

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Lebanon. Si les couturiers libanais sont de plus en plus présents pendant la couture (en in et off), ils étaient aussi à Cannes. Elie Saab habillait aussi bien des actrices confirmées comme Helen Mirren que la fille d’Alain Delon, la jeune Anouchka en passsant par Eva longoria, Aishwarya Rai et Fan BingBing. Sans oublier Penelope Cruz.

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Le couturier libanais Rani Zakhem a lui créé différentes tenues pour la comédienne Firmine Richard.

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Les habits de la vanité. Si le travail des costumières est primordial pour un film ; les actrices ont maintenant aussi de plus en plus recours à des stylistes pour s’habiller… L’« image » véhiculée par le versant tapis rouge étant capitale, la profession a de beaux jours devant elle.

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Quand la femme pourra-t-elle enfin porter la culotte en France ?

Si aujourd’hui la plupart des femmes portent le pantalon au quotidien, elles enfreignent, sans le savoir, une réglementation toujours en vigueur. Enjeu de combats féministes pour l’égalité, symbole de pouvoir, le port du pantalon n’est toujours pas, curieusement, un acquis pour les femmes.

Petite histoire du pantalon au féminin

La Bible déjà interdit à la femme le port du pantalon. « La femme ne portera pas un habit d’homme (Deutéronome 22-5), ce serait « abomination », « horreur » ; mais tout comme l’homme ne peut se travestir en femme. Chacun a ainsi une place déjà bien définie, l’habit faisant le sexe.

Quelques exemples historiques ont accordé le port de la culotte à des femmes d’exception ainsi Jeanne d’Arc dont les représentations (quelques siècles plus tard) figurent la pucelle habillée en homme. Au XVIè siècle la poétesse Louise Labé pour qui l’habit était comme « la feuille autour du fruit » n‘aurait pas hésité à porter des tenues d’homme, notamment à cheval. Au XVIIè siècle la brillante Christine de Suède s’empare du costume d’homme.

Révolutionnaires, les amazones de 1789 tentèrent le port de la culotte en signe d’égalité, mais elles ne furent guère suivies. Théroigne de Méricourt fut dénudée et fouettée. Olympe de Gouge finit guillotinée en 1793 pour ses idées (égalité des sexes) et ses vêtements. Face à ces soubresauts de révolution pas seulement d’ordre symbolique, le préfet de Paris, Dubois, décide en 1800 de prendre des mesures pour remettre les femmes dans le droit chemin (16 brumaire an IX). Le préfet réagit parce que « beaucoup de femmes se travestissent » et ordonne que :

2.Toute femme, désirant s’habiller en homme, devra se présenter à la Préfecture de police pour en demander l’autorisation.

3. Cette autorisation ne sera donnée que sur le certificat d’un officier de santé

Au fil du temps, des autorisations furent demandées, mais il est difficile de mesurer l’importance de ces requêtes. Catherine Marquet-Mayer fut autorisée en 1806 à s’habiller en homme pour monter à cheval. L’artiste Rosa Bonheur faisait régulièrement renouveler son autorisation tout comme George Sand qui avait aussi opté pour une masculinisation de son patronyme.

Aux Etats-Unis la féministe Amelia Bloomer participe à la convention pour les droits de la femme en 1848 et s’attelle à défendre ses idées dans une revue : The Lily (de 1849 à 1853). Elle tenta une simplification du vêtement féminin en associant une jupe confortable avec un pantalon ou en proposant veste et pantalon pour la femme. Si le succès ne fut pas complètement au rendez-vous d’Amelia B., son nom est cependant resté associé (même si elle ne l’a pas inventé) à un vêtement : le bloomer.

Le pantalon devient un signe de lutte pour les femmes. En 1848 en France, alors que les femmes sont toujours exclues du droit de vote, un petit groupe milite sous le nom de Vésuviennes. Si elles demandent le port du pantalon, elles ont des réclamations plus fantasques : le service militaire au féminin ou même le mariage obligatoire à 21 ans ; ce qui décrédibilise leur cause. « Pour vaincre les despotes… Nous portons la culotte » clamait une de leurs chansons. Dans La Marseillaise des cotillons où il est question de supprimer la couturière, il est écrit : « tremblez tyrans portant culotte. » L’enjeu du pouvoir se signe du pantalon. Le chant du départ des Vésuviennes prend les armes contre les hommes, prône la « guerre au sexe barbu » et mène à transformer le coq en chapon !  De 1850 à 1860, une douzaine de femmes auraient été concernées par ces autorisations temporaires.

Un costume en marche

Du côté des femmes qui travaillent comme des hommes, l’évolution est en marche. Calamity Jane aux Etats-Unis se comportait comme un homme ; elle monte à cheval, porte le pantalon et construit sa légende d’aventurière. Dans les lettres à sa fille (apocryphes ?), elle explique : « Je porte un pantalon d’homme et ça me permettait de me déplacer pendant que ces femelles en jupons appelaient à l’aide. » Vers 1880 Charles Poynter, couturier anglais pour Redfern, imagine des tailleurs pour dames et crée des costumes pour Alexandra, princesse de Galles, s’approchant d’une masculinisation du vêtement, mais sans aller jusqu’au pantalon avec son « costume-trotteur » à double jupe. En 1889 Madame Liber, travaillant dans une imprimerie, argumente pour obtenir son autorisation : « le costume d’homme permet aux femmes de se livrer avec plus de liberté aux travaux de commerce ».

Mais cette évolution semble concerner les couches les plus aisées de la population. Le travestissement est ainsi associé à une élite, à la bourgeoisie, aux artistes, aux intellectuels. En 1886 le Moniteur des syndicats ouvriers écrit : « Depuis quelque temps, il était de bon ton dans un certain monde, que les femmes s’habillent en hommes… Etait-ce pour affirmer qu’elles portaient réellement la culotte que ces femmes se travestissent ainsi ? Ce n’était vraiment pas la peine ».

Au-delà du goût, d’une envie de style, la valeur symbolique s’associe au pouvoir, à la puissance d’un sexe traditionnellement dit fort.

Si les autorisations se donnent, elles sont aussi l’objet de refus. Si l’ordonnance de 1800 n’est pas trop répressive, le chapitre n’est pas encore clos. Après un refus, Astié de Valsayre réclame et se plaint auprès des députés en 1887. Par contre l’écrivain Rachilde (Marguerite Eymery), auteur d’un Monsieur Vénus où les rôles homme-femme s’inversent dans un jeu pervers, obtient elle une autorisation en 1888 en tant que journaliste. Son costume est symbolique de ses opinions qui s’opposent à réduire la femme à la féminité. En 1890 sur une dizaine de femmes autorisées, plusieurs portent symboliquement la culotte dans la vie ainsi un directeur imprimerie. Les artistes, fantasques, obtiennent l’autorisation aisément. Dans les cas où l’apparence n’est pas très féminine, ainsi les femmes à barbe, elle est simple à obtenir.

Le port du pantalon se révéla aussi très utile pour pratiquer le vélo, de plus en plus populaire auprès des femmes. La petite reine participa ainsi à l’émancipation de la gent féminine. Les étudiants de Cambridge, pour protester contre l’admission des femmes au baccalauréat, pendirent une effigie de femme à bicyclette en 1897. Mais le coup de pédale est définitivement donné et accélère l’autorisation de porter le pantalon. Le texte de 1800 évolue ainsi en 1892 et 1906. Le port du pantalon est ainsi publiquement toléré dans deux cas très précis : si la femme tient un guidon de bicyclette à la main ou alors les rênes d’un cheval.

Le début du XXè siècle

En 1903 les Sufragettes choisissent le port de la jupe-culotte, hybride porté notamment par Emmeline Pankhurst. A Paris la maison Bechoff-David propose avec succès des jupes culottes pour la promenade. Ce compromis pour sauver les convenances ne sera pas du goût de Colette. L’écrivain dit en 1912 : « La jupe, oui. La culotte, oui. La jupe-culotte, non. » Avec son amie Mathilde de Morny qui s’habillait en homme, Colette provoquait la société dans des pantomimes. Dans Rêve d’Egypte, les deux femmes s’embrassaient ; le préfet Lépine fit interdire le spectacle. Ce même préfet, à l’origine d’un concours d’invention qui porte son nom, avait une vision de la femme peu progressiste : « Il faut refuser aux femmes le port du pantalon. Elles perdraient tout attrait sexuel aux yeux des hommes. » La femme objet a encore du chemin à parcourir pour s’émanciper et pourquoi pas en passant par la case pantalon ?

La mode se mettra à l’heure d’un certain type de pantalon avec Paul Poiret qui s’inspire de l’Orient et imagine une culotte bouffante que portent ses belles élégantes suivant l’inspiration d’une époque où s’admirent des spectacles comme Shéhérazade et où le couturier organise des fêtes ainsi la mille et deuxième nuit.

Loin de la veine orientaliste, Madeleine Pelletier oeuvre pour les féministes et publie en 1914 un manifeste d’éducation. Elle prône la virilisation du sexe féminin en optant pour le costume et les prénoms masculins, associant les vêtements de la femme « à une livrée de la servitude » et incite les mères de famille à habiller leurs filles en garçons. « Ce que nous voulons supprimer, ce n’est pas le sexe féminin, mais la servitude féminine, servitude que perpétue la coquetterie, la retenue, la pudeur exagérée. » Si la militante voit la masculinisation comme une étape temporaire, elle va aussi plus (trop ?) loin, considérant le célibat comme un état supérieur !

Sport et loisirs, le pantalon gagne du terrain

Après guerre, les années vingt découvrent davantage le sport, les loisirs ; les frontières entre masculin et féminin s’estompent. Victor Margueritte écrit en 1922 La garçonne dont l’héroïne, Monique Lherbier, est très émancipée ; elle travaille, vit librement, a des aventures y compris homosexuelles, mais son existence finit par rentrer dans l’ordre et se termine par une classique maternité. Un phénomène de mode est en route, emporté par une femme libre d’esprit et de style de vie. Visionnaire, Coco Chanel crée des silhouettes avec des pantalons, des tenues décontractées qu’elle porte, elle dessine également des pyjamas de jour.

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Mademoiselle Chanel dans sa propiété du Midi de la France, La Pausa, avec son chien Gigot. DR

PCHANEL 6Gabrielle Chanel en Ecosse, en tenue sport décontractée. DR

Patou travaille dans l’esprit du sportswear et habille Suzanne Lenglen sur les courts de tennis. Mais le combat n’est pourtant pas gagné pour toutes ! En 1930 Violette Morris, pilote, est radiée de la fédération féminine du sport automobile de France. Si elle portait la culotte et la cravate, elle alla aussi, amazone des temps modernes, jusqu’à subir une mastectomie des seins qui la gênaient. Sportive accomplie, elle pratiqua boxe, football et fut championne de lancer (poids et disque). A son procès ressurgit l’application de la vieille ordonnance de 1800 pour la faire condamner en raison du « déplorable exemple » donné à la jeunesse notamment par son port du pantalon. Son attitude pendant la seconde guerre mondiale fut malheureusement moins glorieuse.

Pour ne pas trop choquer, certains pantalons se donnent des allures de robes et s’appellent « robe du soir divisée ».

Aux Etats-Unis, les stars du cinéma de l’époque ont du style, de la personnalité et plusieurs d’entre elles arborent fièrement le pantalon ainsi Katharine Hepburn, rebelle absolue. Marlene Dietrich à son arrivée aux Etats-Unis en 1930 remarque que les hommes ne regardent pas les femmes en pantalon. A un tournant de sa carrière, Greta Garbo exigea d’interpréter, et le choix est plus que symbolique, le rôle de la reine Christine !

Pendant la guerre, les femmes travaillent en remplacement des hommes et il semble normal qu’elle puissent dans ces conditions particulières porter le pantalon. Pourtant en Italie, Mussolini l’interdit aux femmes parce qu’il utilise trop de tissu.

Le Deuxième sexe (1949) de Simone de Beauvoir se met sur la route de l’émancipation (le droit de vote a été accordé en 1944).

Les années 50 proposent et imposent le pantalon corsaire ; le fuseau s’échappe aussi des pistes de ski ; le pantalon est en marche. Marilyn est aussi sensuelle dans son jean, qui devient un vêtement emblématique d’une génération unisexe.

Les années 60 ont une vision futuriste de l’an 2.000. Courrèges imagine la conquête de la lune, habille sa femme de blanc ou de pastels et lui propose mini-jupe ou pantalon. La confusion des genres s’instaure et participe à une future assimilation du pantalon pour les femmes.

Yves Saint Laurent habille la femme et la trouve superbe quand elle emprunte son style au vestiaire masculin. Il associe caban et pantalon. Avec le smoking pour femme, il impose (pas simplement) le pantalon du soir, habillé. Dans un restaurant à New York en 1968, Nan Kempner s’en vit refuser l’accès avec son tailleur pantalon (à voir dans l’exposition Yves Saint Laurent au Petit Palais). Pour pouvoir finalement y dîner, elle enleva le pantalon et resta en veste !

Sonia Rykiel émancipe aussi la femme, met les coutures de ses pulls à l’envers et crée des ensembles masculin-féminin avec des pantalons fluides.`

01-1rykielLe pantaon chez Rykiel un classique jusqu’à aujourd’hui.

Mais 68 se passe sur les barricades et en 69 un conseiller de Paris, le Dr Bernard Lefay, demande au préfet une modernisation de la réglementation de 1800 puisque « la désuétude ne peut se substituer à un texte formel ». Le préfet ne voit pas l’utilité de « changer des textes auxquels les variations prévisibles ou imprévisibles de la mode peuvent à tout moment rendre leur actualité. » Pas de remous et pas de changement !

Valeur de symbole, les femmes portent le pantalon et brûlent leur soutien gorge pour gommer au maximum toute apparence de féminité. Au concours de Miss Amercia en 1968, des féministes ont débarqué pour protester contre cette vision réductrice de la femme. Symboliquement elles ont jeté dans une « poubelle de la liberté » soutien-gorge, mais aussi talons hauts. N’ayant pas eu l’autorisation de brûler les objets-symboles sur la voie publique, l’événement fut ensuite reconstitué. S’il n’y a pas eu réellement beaucoup de « bra-burning », la légende s’est propagée comme une traînée de poudre y compris en Europe et en France.

C’est surtout en tant que vêtement d’un quotidien « habillé » que le pantalon eut le plus de mal à être accepté. Dans les années 80 et même 90, certains employeurs demandaient encore à leurs employées de privilégier le port de la jupe pour conserver l’apparence de la féminité.

Le paradoxe de cette ordonnance de 1800 se trouve aussi confronté à des métiers ou le port du pantalon au féminin est parfois obligatoire (pantalon d’intervention pour la police).

En 2003 Le débat refait surface avec un député UMP, Jean-Yves Hugon qui demande à la ministre déléguée à la parité Nicole Ameline de modifier l’ordonnance de 1800 qui fit que George Sand (originaire de l’Indre comme le député) devait demander une autorisation pour porter le pantalon. La ministre répondit que « la désuétude est parfois plus efficace que l’intervention ».

La mode, elle, a définitivement adopté le pantalon qui défile chez les créateurs (la couture l’utilise moins) en tailleur pantalon. Parfois se joue un jeu subtil où l’un est l’autre, Yohji Yamamoto ayant fait défiler pour une collection masculine des femmes portant la culotte.

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Si effectivement aujourd’hui le port du pantalon est entré dans les moeurs de fait en France, il n’en est pas de même en Afrique. Le débat a ressurgi avec une demande des femmes députées au parlement de la république démocratique du Congo qui fut rejetée en 2007 à Kinshasa : les femmes doivent porter pagne cousu ou veste et jupe. Au Soudan un article de loi (152) interdit « une tenue vestimentaire indécente » qui inclut le port du pantalon.

En France aujourd’hui ?

L’article 433-14 du code pénal stipule qu’:  « est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende le fait par toute personne, publiquement et sans droit : 1° de porter un costume… réglementé par l’autorité publique. » L’ordonnance de 1800 étant toujours en vigueur, c’est ce qu’il pourrait en coûter à chacune. A Saint-Elix-le-château en 2009 a été mise en scène une fausse contravention sous l’instigation d’un ancien conseiller municipal pour faire réfléchir aux lois qui ne sont plus applicables en France et qui ne sont pourtant pas abrogées. Renseignement pris à la préfecture de Police par téléphone, l’ordonnance n’est pas connue et, de poste en poste, les préposés se déchargent du problème (sans raccrocher) mais avec étonnement ou avec des réactions personnelles : « Alors là je suis aujourd’hui hors la loi ». Ou encore, après réflexion, : « Mais il y a des professions où le port du pantalon est obligatoire. »

Sur place, à la préfecture de police, les trois préposées de l’accueil, toutes en pantalon, ne connaissent pas cette ordonnance. Une responsable intervient (aussi en pantalon) et m’explique qu’en 44 ans personne ne lui a jamais demandé une telle autorisation ! Seule solution : écrire directement au préfet pour qu’enfin je puisse porter en toute légalité le pantalon…

J’attends mon autorisation, en attendant je porte la jupe.

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Impériale violette

Celle que l’on imagine discrète est une des très jolies fleurs de la parfumerie. Impériale, mais pas reine comme la rose ou le jasmin, elle s’épanouit en soliflore au début du XXè siècle. Aujourd’hui la violette chahute son souvenir rétro pour s’imposer avec délicatesse dans de nombreux nouveaux parfums.

Histoire

Depuis l’Antiquité est connue la violette. Appréciée par Zeus, la belle Io fut transformée en génisse pour échapper au courroux d’Héra. Ce sont ces deux voyelles (dans le mot grec iodes, violet) qui sont les racines des ionones, ces molécules odorantes qui caractérisent l’odeur de la violette. Bouquets et tisanes ont, de tout temps, toujours été appréciés. Henri IV (celui de la poule au pot) se parfumait, paraît-il, avec de la violette. Si elle est originaire d’Italie, de Naples ou de Parme, elle se vendait pendant la révolution en France. Est-ce un militaire toulousain qui l’a implanté dans sa région au point qu’elle devint une gloire locale avec une production au début du XIXè siècle de centaines d’exploitations ? En cuisine, en sirop pour adoucir la voix, en bonbon, elle se cristallise, délicieusement confite.

Toujours discrète la violette est mise en poème par Jean-Baptiste Rousseau : « Et la timide violette Se cache encor sous les gazons » Naturaliste, elle fleurit dans Paul et Virginie, cachée mais odorante : « Ainsi des violettes, sous des buissons épineux, exhalent au loin leurs doux parfums, quoiqu’on ne les voie pas. »

La violette devient impériale avec l’histoire d’une marchande de fleurs qui aurait prédit l’avenir de la future impératrice Eugénie et lui sauva la vie. En 1924 sort la première version du film Violettes Impériales avec des chansons et plus tard une opérette. Pour Luis Mariano, l’amour est à jamais un bouquet de violettes.

De l’eau de voilette à Quai des enfers

En 1921 Marcel Duchamp interprète avec humour une « Eau de voilette » à son effigie, déguisé en femme (une photo de Man Ray). Lors de la vente Bergé Saint Laurent, le flacon fut vendu plusieurs millions d’euros. Ce virtuel parfum est au coeur du premier roman policier d’Ingrid Astier, Quai des enfers (Série noire Gallimard, 2010). Si l’histoire plonge dans les eaux troubles de la Seine, l’Eau de voilette aussi y coule. Elle signe de son nom ambigu le grand succès du parfumeur Camille Beaux (hommage à Ernest Beaux, auteur du N°5 de Chanel), un des personnages clefs inspiré par Jean-Michel Duriez (aujourd’hui parfumeur pour Patou et Rochas).

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Camille Beaux explique aux policiers son Eau de voilette :

-La violette ?

-Oui, je l’ai entièrement déconstruite, gardant son ossature, son squelette si vous préférez…

-La violette flotte dans ce parfum comme une ombre. Une réminiscence en quelque sorte, un spectre.

De l’odeur au parfum

C’est la feuille qui donne son odeur si caractéristique tandis que la fleur, rebelle aux techniques d’extraction classique, demeure muette. Aujourd’hui joliment recomposée chimiquement avec les ionones découvertes en 1893, l’odeur de violette est essentiellement donnée par l’alpha ionone et la beta ionone, plus “framboise”.

Fleur de jardin de curé, campagnarde modeste, la violette est timide et fut longtemps désuète, associée à des parfums de grand-mère.

« Violettes de février, fleuries sous la neige, déchiquetées, roussies de gel, laideronnes, pauvresses parfumées… O violettes de mon enfance ! «  décrivait Colette qui appréciait  la fleur et sa couleur. La couleur joue aussi un rôle : impériale au Japon, elle s’associe en Occident au deuil.

Le début du siècle voit quelques parfums de violette à une époque où règnent les soliflores. Ensuite les violettes laisseront poindre leur délicate odeur parfois avec une timide discrétion, mais aussi en puissante dominatrice.

Carte d’une tendre violette

-Après l’ondée de Guerlain en 1906 se dessine autour d’une violette entourée d’un délicat iris et d’une suave vanille. Une douceur exquise accompagnée de la “guerlinade”, signature Guerlain par excellence.

-En 1913, Caron lance une Violette précieuse qui a été reformulée en 2006 (éphémère édition pour Sephora) mêlant des notes feuilles et fleurs avec ajout d’iris et de fleur d’oranger.

-Berdoues (maison fondée en 1902 à Toulouse) continue d’incarner le parfum à la violette de nos grand-mères. Composée en 1936, Violettes de Toulouse est un poudré délicat qui ne s’oublie pas. Impériale, la violette est enrichie de notes santal, iris, bergamote, fleur d’amandier, jasmin, framboise, musc, fève tonka, héliotropine. Pour célébrer l’immortalité de la fleur en parfumerie a été composée par Berdoues une Violette chérie (2009) avec des notes florales de muguet, néroli, lilas, mimosa et miel.

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-Au masculin, la violette habille superbement l’homme fleur de Dior qui porte avec éclat le subtil Fahrenheit composé en 1988. La tête hespéridée (mandarine, bergamote) se fond sur un coeur puissant de feuille de violette, muscade, oeillet.

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-En1992 Serge Lutens imagine une merveille : Féminité du bois où le bois est paradoxalement féminisé, une note violette se dessine. La variation Bois de violette amplifie ce côté fleur discrète, mais avec opulence et sensualité. Un loukoum oriental et capiteux, une petite merveille.

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-Le premier parfum de Lolita Lempicka en 1997 joue en tête anis, citron sur un coeur floral muguet, réglisse où s’imagine une violette. Une variation Caprices (2007) a mis l’accent sur la Violette.

-Pour Annick Goutal est composée en 2001 une Violette  soliflore. Pour le parfumeur Isabelle Doyen : “Cette violette est sauvage, cachée aux creux des chemins de campagne. Rebelle à toute technique qui tenterait d’en capturer le délicat parfum, le nez sait en décrypter l’odorant secret et « recompose ». D’abord quelques ionones pour jouer les jolis coeurs poudrés et framboisés, une touche d’Absolu volé aux feuilles de l’insoumise pour apporter  verdure et fraicheur et enfin un rien de rose lui donnera son air penché.”

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-Lipstick Rose chez Frédéric Malle en 2003 est une création de Ralph Schwieger. Autour de l’idée d’un rouge à lèvres parfumé de rose bonbon, une note violette chauffée de vanille, vétiver. Un étonnant parfum « cosmétique ».

-Violette Angel fleurit en 2005 dans le jardin de Thierry Mugler. Françoise Caron a présidé au mariage réussi avec le patchouli. En tête un vert de violette, des notes gourmandes de sucre cristallisé sur fond boisé.

-Jean Charle Brosseau en 2005 orchestre une jolie rencontre Violette Menthe.

-Insolence est la violette surdosée composée en 2006 par Maurice Roucel pour Guerlain.

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-Tom Ford imagine en 2007 l’improbable, la violette noire mythique avec Black violet qui s’épanouit sur un fond boisé et mousse.

-Stephen Jones avec Comme des garçons lance son parfum serti dans une mini boîte à chapeau. Pour créer sa fragrance le chapelier fou voulait traduire l’idée d’ « une violette percutant une météorite ». Antoine Maisondieu a superbement réussi la collision, la fragrance est une magnifique composition autour d’une violette piquante tandis que l’idée de  météorite est donnée par des notes stridentes d’aldéhydes sans oublier des épices : cumin et la traduction volcanique d’un « magma ».

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-Féerie de Van Cleef se dessine en 2008 autour d’un bouquet de violette ajoutant rose et jasmin après un départ vert cassis et mandarine sur fond vétiver et muscs.

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-Pour le retour de Balenciaga dans l’univers du parfum (ère Nicolas Ghesquière en association avec Coty), en 2010, on s’attendait à une vision quasi futuriste de la parfumerie, à de l’audace et… délicieuse surprise, c’est la violette qui a été élue. Parmi les propositions du parfumeur Olivier Polge, il y avait une odeur de violette qui a séduit le couturier. Dans un flacon classique et élégant aux allures de cape, la fragrance florale très violette ajoute des accents verts, du poivre, et des notes boisées poudrées, des muscs.

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-Francis Kurkdjian a lui choisi de faire des bulles à la violette en Chine. Le pavillon Lille 3000 (sorte de Off de l’expo universelle à Shanghaï) sera parfumé à la violette. Les bulles délicatement colorées de mauve peuvent se découvrir également dans la boutique du parfumeur. Après une visite chez le pâtissier Mert à Lille qui a notamment créé un bonbon à la violette, Francis Kurkdjian a choisi la fleur :  « Je trouvais que c’était très français comme odeur/goût. En plus la couleur est très « orientale » sans oublier Luis Mariano. Ce thème de l’amour est d’autant plus important que le thème global de l’exposition universelle est « Better City Better Life ».

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Impériale, divine, la violette n’est plus discrète, mais s’épanouit tendrement. Qu’elle demeure timide ou s’affiche audacieuse, elle est magnifique à suivre à la trace.

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Jean-Louis Dumas, messager d’Hermès

S’il fut président d’Hermès pendant 28 ans (de 1978 à 2006), Jean-Louis Dumas en fut aussi et surtout l’âme. S’il vient de disparaître, son nom reste attaché à une maison qu’il a su faire évoluer. En tant que directeur artistique, il a réussi à insuffler poésie et humour à une entreprise pour laquelle qualité et savoir-faire allaient de soi.

-A comme Architecture. Sous son impulsion, la maison Hermès a ouvert ou rénové des boutiques prestigieuses mais pas tapageuses, faisant appel notamment à Renzo Piano pour un bâtiment en briques de verre à Tokyo, dans le quartier de Ginza (2001). L’architecture intérieure étant confiée à Rena Dumas, son épouse, aussi à l’origine de la remise à neuf de l’historique vaisseau amiral du 24 Faubourg.

-B comme Birkin. Si la maison avait un sac mythique au nom de la princesse Grace de Monaco, le Kelly. Jean-Louis Dumas eut l’idée d’en faire imaginer un pour Jane Birkin qu’il avait simplement croisée lors d’un voyage et qui rêvait d’un sac grand format, pratique.

-C comme Carré. Le carré est l’incontournable chez Hermès depuis 1937 et continue à représenter un chiffre d’affaires conséquent pour la maison. Chaque année de nouveaux motifs viennent habiller le 90X90cm (ou aussi désormais le 70X70cm). Depuis 2003 Bali Barret préside à la division soie et orchestre les créations de designers, d’artistes.

-F comme Fantaisie. Un petit sac, un motif de visage bonhomme, drôle et singulier. Une idée farfelue de Jean-Louis Dumas s’est posée en couleurs sur un mini-sac de cuir.

-G comme Groupe. Née en 1837, la maison est aussi devenue un groupe avec l’acquisition notamment de John Lobb, Puiforcat, Saint-Louis et des parts dans la société Jean Paul Gaultier. Si la société est cotée en bourse depuis 1993, la famille en détient toujours une large majorité.

-H comme Hilton Mc Connico. Le designer collabore régulièrement avec Hermès et Jean-Louis Dumas depuis 1989, créant des scénographies poétiques et surprenantes (le teddy bear géant dans la boutique !).

-M comme Mode. Pour le développement de la mode au féminin (débutée en 1967) ont été choisies de fortes personnalités, de vrais talents. Après le pôle de créateurs (Tan Giudicelli, Thomas Maier, Mariot Chanet, Marc Audibet…) dirigé par Claude Brouet ont succédé Martin Margiela de 1997 à 2004 et ensuite Jean Paul Gaultier. Au masculin, c’est Véronique Nichanian qui, depuis 1990, crée les collections masculines avec succès.

-P comme Parfum. Depuis la première eau composée en 1950, les parfums se sont succédés avec les mythiques Calèche, l’Eau d’orange verte… Après le merveilleux Jardin en Méditerranée, Jean-Claude Ellena est devenu le parfumeur exclusif d’Hermès en 2004, ajoutant un exquis Jardin sur le Nil et un intrigant Jardin après la mousson. Fragrances plus intimistes, les Hermessences complètent la perception d’Hermès en tant que véritable maison de parfums.

-T comme Thème. Chaque année Jean-Louis Dumas choisissait un thème qui allait nourrir les différents secteurs en termes d’inspiration. Pour lancer le thème étaient organisés des événements fantaisistes où les invités se comportaient de façon bon enfant, chantant en choeur Etoile des neiges, portant sur la tête un ridicule déguisement d’insecte, dégustant un mémorable repas sans couverts (« les mains »), se travestissant pour un improbable bal ou encore partant dès potron-minet visiter Rungis à 5 heures du matin.

-V comme Vitrines. Depuis 1978, c’est Leila Menchari qui orchestre les mises en scènes toujours étonnantes de la boutique du 24 Faubourg quatre fois par an. Raffinement, fantaisie baroque, onirisme, métissage de cultures, d’inspirations, fête des couleurs signent l’esprit Hermès tel que Jean-Louis Dumas le voyait.

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