Mode idéale 70/80

Une histoire idéale de la mode peut passer par la case la plus représentative de son image : le défilé. Olivier Saillard a choisi cet angle dans un livre qui recense plus de cent défilés majeurs de 1971 à nos jours. Une première partie (chronologique) de cette sélection est aujourd’hui mise en scène au Musée des arts décoratifs. Cette plongée dans le temps permet de voir ce qui a « bien » vieilli », de redécouvrir des merveilles en termes de création, mais aussi de remettre en mémoire des noms que le temps a oublié. Cette histoire de mode contemporaine oscille également entre les feux de la couture et la montée en puissance du prêt-à-porter. Les années 70 sont des années charnières où la haute couture, qui existe encore, s’efface progressivement face au prêt-à-porter des créateurs de mode qui incarneront la création, le style, les tendances… L’exposition met en scène les grands de la mode dont certains représentés par de nombreux défilés, mais de façon statique.

-Resté attaché à la couture, Yves Saint Laurent a aussi eu l’idée visionnaire de Rive gauche, se positionnant à cheval sur deux univers. L’exposition débute par la collection couture d’Yves Saint Laurent de 1971 en hommage aux années 40 et qui fit scandale sans doute plus par son écho à une période sombre que pour les vêtements eux-mêmes. En 1976, c’est le Saint Laurent baroque et opulent avec la collection Opéra ballet russe où il excelle. En 1988 ses oeuvres en hommage à la peinture avec des inspirations Braque ou Van Gogh magnifient le travail artisanal de broderies somptueuses.

-Dans les années 70, on retrouve Chloé, marque dessinée depuis 1964 par Karl Lagerfeld. Sa collection de 1974 propose des « robes à la Loïe Fuller » à l’envolée féminine.

-Si Madame Grès a débuté dans les années 30, elle est toujours présente dans les années 70. Son sens du drapé à l’antique est parfaitement intact en 1976 (haute couture) où se découvrent également des audaces de coupes asymétriques.

-Avec Issey Miyake s’effectue un bond dans une nouvelle dimension, la création n’est pas dans le rétro, mais propulse la mode vers le futur pour le présent. A piece of cloth en 1976 met notamment en scène un jumpsuit, sorte de combinaison large, resserrée au niveau des chevilles, des  poignets. L’amplitude des formes crée un espace entre le corps et le tissu qui l’enveloppe, dans le droit-fil de la tradition des vêtements japonais comme le kimono.

-Reine de la maille, des coutures à l’envers et du non fini,  Sonia Rykiel a joué un rôle important dans l’évolution du style. Sa silhouette fluide, décontractée, habille la fille (la femme) de Saint-Germain-des-Prés et d’ailleurs. S’ajoute une signature maison avec l’oblitération de nombreux modèles de rayures multicolores.

-Incarnant à la perfection le style des années 80, Thierry Mugler déjà en 1979 présente une femme à l’allure déterminée. Sa working girl aux épaules marquées porte des vêtements très construits et architecturés à la perfection. Sans oublier la dimension de spectacle de ses défilés avec un Zénith en 1984 et plus tard, en 1995, une rétrospective époustouflante au Cirque d’hiver.

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-A la fin des années 70 il faut aussi compter avec un style radical et différent, celui des Japonais Yohji Yamamoto et Comme des garçons (Rei Kawakubo) qui choisissent de défiler à Paris. Les formes sont déconstruites, l’asymétrie osée, des trous, des accidents, des bords francs. Sous une apparence un peu paupériste (en opposition à la mode léchée occidentale), les Japonais réalisent une vraie révolution, imposent un noir majeur en mode et ouvrent la voie à une nouvelle vision de la mode.

-Pour Yohji Yamamoto, une magnifique collection de 1983 impose des « trous » dans les vêtements qui deviennent dentelles. En 86- 87 une collection autour du pliage.

-Comme des garçons pratique la déconstruction comme personne dans une mode perpétuellement radicale, remarquable. Sa collection de 83 mettait en scène d’extraordinaires pulls torsadés, asymétriques, déconstruits.

-En France Jean Paul Gaultier est qualifié d’enfant terrible. Il ajoute une bonne dose d’humour (les seins obus par exemple) dans ses collections, il bouscule les conventions, il pratique le métissage des styles et joue sur la confusion des genres avec notamment une garde-robe pour deux en 1985. La même année, il imagine, en travaillant avec Régine Chopinot, un hybride entre la danse et le défilé de mode.

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Photo Guy Marineau

-Grande année pour Chanel avec en 1973 la première collection de Karl Lagerfeld qui réinterprète les codes de la maison avec succès. Et remet pour longtemps le tailleur Chanel sur les rails de la mode.

-Dans une démarche pop et récup, Jean-Charles de Castelbajac débute avec des serpillières et des couvertures. Ses hommages à Warhol se retrouvent avec la soupe Campbell, tandis que ses collaborations avec des artistes se multiplient : Ben, Blais… Sans oublier le pull en teddy-bear (larmes personnelles éternelles). Un des espaces les plus joyeux de l’exposition.

-Essentiel dans la mode des années 80, Marc Audibet n’est plus sur le devant de la scène aujourd’hui. A la recherche de formes épurées, il a travaillé avec une simplicité minimaliste tout en intégrant les nouveautés technologiques des fibres de son époque (élasticité).

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-87-88 la haute couture se révèle flamboyante avec Christian Lacroix qui n’est plus chez Patou et débute sous son nom. Sa première collection ravive les racines provençales et met en lumière un style baroque et coloré. Sa haute couture restera un grand moment des collections pendant vingt ans.

-Autre grand nom de la mode architecturée des années 80 Montana mais avec douceur et féminité, opposant la courbe à la droite. Dans le défilé de 1988, d’enveloppants vêtements carapaces.

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Photo Guy Marineau

-Avec son inspiration commedia dell’arte, Popy Moreni a imaginé un univers très personnel qu’elle mettait en scène dans des défilés menés au son de musiques de Nino Rota. Collerettes, arlequinades, clown blanc, la mode parade.

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-Extraordinaire Sybilla, la créatrice espagnole a encore aujourd’hui une boutique en Espagne et signe des chaussures. Pourtant, à la fin des années 80, son nom était majeur ; un style poétique, un brin d’humour, des drapés, des bouillonnés, le tout dans une gamme de couleurs sourdes.

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Photo Guy Marineau

-En Italie, c’est Roméo Gigli qui imagine une femme baroque dans des vêtements cocon aux coupes magnifiques.

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-Alaïa magnifie la femme avec ses robes qui la sculptent, la mettent en valeur. Un travail d’architecte, un sens de la coupe étonnant ; un créateur intemporel.

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Photo Guy Marineau

Vingt ans de mode sont ainsi épinglés au travers de défilés majeurs. Si quelques ténors sont heureusement toujours présents, beaucoup de noms n’appartiennent plus qu’à l’histoire. Une exposition qui rend nostalgique face à ces grandes années de création.

A suivre à l’automne la deuxième partie, à partir des années 90.

Un commentaire pour “Mode idéale 70/80”

  1. Vraiment magnifique toutes ces tenues de mode 70 / 80.
    Julia
    http://www.modz.fr

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