Giorgia on my mind

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Irakli Nasidze

Sulfureuses sont les eaux qui ont présidé à l’implantation de la capitale géorgienne à Tbilisi où d’anciens thermes sont toujours en activité. Pays de la Toison d’or, la Géorgie, à peine sortie de la guerre (révolution des roses en 2003, accord de cesser le feu avec la Russie en 2008…), se met aujourd’hui à l’heure de la mode en organisant sa première « fashion week ». Le président du Parlement rappelle dans son discours qu’il y a peu subsistaient encore des problèmes d’électricité. La capitale aujourd’hui se reconstruit, illumine son architecture de dentelles de bois de guirlandes électriques colorées. Ancienne ville de la route de la soie, Tbilisi a présenté les créations d’une vingtaine de designers géorgiens.

Christophe Josse, On aura tout vu et Agatha Ruiz de la Prada, invités, ont eux ajouté une dimension internationale à l’événement.

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C. Josse                                        A. Ruiz de la Prada                   On aura tout vu

A l’heure de la mode dans les couvertures de la presse locale, la ville dégage encore un mélange de souvenirs d’un passé aux accents russes (les reliquats de l’armée au marché aux puces) et d’un folklore riche dans les costumes et poupées des nombreuses boutiques de souvenirs.

Entre tradition et religion : les costumes

Le très beau et élégant manteau à cartouchières : le tchokha est la tenue typique et traditionnelle. Elle peut se faire faire sur mesure et est élégamment arborée par une partie du personnel des grands hôtels (vive la différence et non à l’uniformisation mondiale). Dans les danses folkloriques se découvre la richesse des costumes dont les longues robes pour les femmes. La danse de khandjlouri avec des poignards esquisse la permanence, dans un registre pacifique, du caractère guerrier d’un peuple qui a beaucoup combattu face à ses nombreux envahisseurs (Tbilisi fut à vingt reprises occupée). La danse de Tbilisi met en scène des marchands avec un costume à pantalon bouffant. Le Mkhedrouli est la danse des cavaliers, spectaculaire avec les passages sur la pointe des chaussures. Religion officielle de la Georgie depuis le  IVè siècle, le christianisme orthodoxe est très présent (églises magnifiques en périphérie de Tbilisi) et se traduit par des chasubles et mitres de prestige qui se découvrent et s’achètent dans le quartier religieux, sorte de Saint Sulpice de la capitale.

De  la soie au néoprène en passant par le feutre

Les vestiges de la route de la soie sont encore visibles dans un musée qui lui est consacré exposant les étapes de la sériciculture et une collection de tissus. La laine bouillie se découvre sous forme de feutre dans des costumes traditionnels et toute une série de sacs, colliers, bonnets… vendus aux touristes pour ressembler aux paysans géorgiens. Mais le feutre est aussi utilisé par les créateurs. Formée à l’école des Beaux arts de Tbilissi, Mariam Partskhaladze a redécouvert les techniques du feutre dont elle fait oeuvre. Son travail a été utilisé à plusieurs reprises par Christian Lacroix pour ses collections haute couture. Cette technique régionale a servi de fil d’inspiration à plusieurs créateurs de cette première fashion week. Pour de nombreux designers le travail de la matière joue un rôle capital. Irakli Nasidze crée ses tissus, ses impressions, utilisant merinos, lurex, mohair… Et pour ceux qui veulent jouer une carte contemporaine, le néoprène a même droit de cité.

Une vraie fashion week

Organisée de façon pratique puisque tous les défilés ont eu lieu dans un même espace, la semaine de la mode (du 26 au 29 mars) se calquait sur ses grandes soeurs du monde entier. Pour répondre à des « standards internationaux », les présentations ont été orchestrées pour montrer le travail des designers géorgiens aux journalistes et acheteurs (un show-room annexe permettait de voir les collections de près). La plupart des créateurs ont suivi un cursus à l’académie des beaux-arts locale qui est établie dans un ancien palais avec quelques salles extraordinaires d’inspiration persane, en miroirs, en céramique… Plusieurs de ces designers ont aussi poursuivi leurs études à Paris comme Lolita Meskli. Irakli Nasidze était l’invité d’honneur pour ouvrir la semaine, il s’est installé à Paris en 1996 et crée sous son nom depuis 2002.

Si l’ensemble des collections est dans le droit fil d’une vision globale et universelle de la mode avec des critères très occidentaux, se découvrent néanmoins des éléments plus personnels et traditionnels comme l’utilisation du feutre, les broderies… Le pantalon est souvent travaillé de façon ample en volume, en souvenir du costume local ? Si l’opulence cède souvent le pas à une sobriété de mise, le goût revient souvent à la (sur)charge. Dans l’air du temps se dessinent souvent des épaules très puissantes, des hommages appuyés au style Lanvin ou Balmain et, dans de très nombreux défilés, des zips très visibles sur les vêtements.

-Atelier informel représente la famille minimaliste avec ses silhouettes très épurées.

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-Bicholia, imaginait un street wear à la frontière du masculin-féminin avec ses hommes à turban et chaussettes turquoise. Des détails de broderie ancrait le style dans la tradition tandis que le néoprène découpé projetait dans un présent techno.

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-Goga Nikabadze. Inspirée par la chanson Feuilles d’automne, la collection suggérait un climat mélancolique tandis que se dessinaient des fleurs dans des tons pastel.

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-Irakli Nasidze a initié la fashion week avec un défilé rétrospective avant de présenter sa collection Sonate des étoiles en hommage à un peintre et compositeur lituanien. Des perles, des fils, des broderies viennent enrichir son vêtement aux accents baroques.

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-Keti Chkhikvadze est déjà vétéran des fashion week puisqu’elle a présenté sa mode plusieurs fois au Kazakhstan depuis 2004. Sa collection était cohérente avec toute une série de robes à pois.

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-Leia Kuliani travaille le feutre en le laissant dévorer sur des mousselines légères, sa laine est rebrodée et les couleurs sont travaillées dans des camaïeux délavés. Ses formes amples enveloppent le corps.

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-Nino Makhharoblidze et Teo Odzelashvili ont imaginé une collection mixte très streetwear dans des couleurs qui se fondent avec la ville. Pattes, boutonnage doubles, sangles, perfectos…

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-Patuna Bushyhead avait choisi de rendre hommage au vêtement géorgien sans qu’il devienne costume, mais en choisissant les couleurs, les motifs typiques de la nation. L’ajout d’accessoires en pierres naturelles ajoutait une touche d’ethnicité.

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-Tata Vardanashvili. Inspirée par Klimt la créatrice a imprimé les tableaux du peintre viennois et les brode de fils de soie, de laine, de perles dans une démesure baroque intéressante. Face à ce travail, des formes plus simples auraient été parfaites.

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-Zenka & Maris, inspirés par les lettres de l’écriture géorgienne, ont brodé ces signes sur leurs vêtements avec sobriété sur des toiles dures, rigides, en hommage aux monuments de pierre.

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Si les Georgiens n’ont pas encore terrassé le dragon de la mode, leur fierté à montrer leurs créations et l’énergie déployée, les inscrit dans le nouveau cercle des fashion week qui se créent, de plus en plus nombreuses dans le monde (un « dommage collatéral » de Fashion TV ?).

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