A single man

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Tom ! L’énoncé du seul prénom du créateur d’origine texane suffisait à l’identification dans les sphères de la mode, comme John, Karl, Jean Paul ou Martin. Mais le grand Tom (Ford) de l’ère Gucci et Saint Laurent a quitté la scène en 2004, dix ans après sa nomination en tant que directeur artistique de la griffe italienne. En une décennie, il avait réussi à remettre en selle la marque au mors et à en faire une référence convoitée, locomotive d’un train où le porno chic culmina avec le point G dessiné en emblème pubien.

Avec Tom Ford, la fonction de directeur artistique atteignit une forme de paroxysme conduisant presque à une fusion avec le terme de dictateur tant ses choix, ses désirs et son influence étaient puissants ces années là. Moins heureux chez Yves Saint Laurent, Tom Ford eut là à affronter l’ombre du commandeur toujours vivant.

Quand en 2004 Tom Ford quitte la scène avec le PDG Domenico de Sole, il ne part pas les mains vides. Serait-il prêt pour de nouvelles aventures ? Son « retour » n’aura pas vraiment lieu, pas de fanfare ni de pom-pom girls pour saluer ses incursions en mode et beauté. Une collection de maquillage et de parfums pour et avec Estée Lauder. Une marque de lunettes sous son nom et puis en 2007 le créateur revient avec des collections pour homme et une boutique à New York puis une à Milan. Dans le dernier James Bond, Daniel Craig porte costumes et lunettes siglés Tom Ford.

Mais Tom Ford avait toujours parlé de son désir de cinéma. S’il a pris du temps, il a réalisé un film très personnel et plutôt très réussi. Le temps va et vient, parfois suspendu, au fil d’une vie en questionnement.

A la recherche de Tom Ford dans Single man

-Architecture. Tom Ford avant la mode avait pensé à l’architecture d’intérieur. Le compagnon du héros du film est architecte et ils vivent dans une magnifique maison de verre et de bois. Une grande baie vitrée sera aussi à l’honneur dans la construction imaginée pour Tom Ford par Tadao Ando à Santa Fe.

-Costumes. Parfaitement taillées, les vestes de Colin Firth sont signées Tom Ford. Le sens du détail va jusqu’aux boutons de manchettes ou à la présence d’un valet de nuit (sens de l’organisation). Dans la préparation pour l’ultime voyage, le héros laisse une note demandant un noeud Windsor.

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-Deuil. Le héros subit la perte d’un proche. ? A mettre en parallèle au deuil de la mode de Tom Ford qui en a un peu tourné la page.

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-France. Une touche de France avec une chanson de Gainsbourg : Baudelaire de 1962.

-Hitchcock. Des références font penser au père Alfred. Une silhouette et coiffure façon Kim Novak dans Vertigo. En fond de parking une affiche géante où figure la peur de Janet Leigh dans Psycho tandis que le jeune homme rencontré à des allures de James Dean. Ode au cinéma.

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-Homme. Les héros de Tom Ford au masculin sont beaux et élégants, presque parfaits. Les « men in black » qui participaient aux événements Gucci et YSL étaient toujours d’une plastique irréprochable.

-Homosexualité. Si les héros sont homosexuels, le film ne milite pas pour une cause gay (même s’il a reçu à Venise le Queer Lion de la mostra). Située dans les années 60, l’histoire esquisse juste, sans lourdeur et avec humour, les a priori d’une époque. Une petite fille exprime les pensées de ses parents :  « Vous êtes de la jaquette ».

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-Lectures. Si Aldous Huxley est le sujet de lecture pour la classe qui s’agite autour de la peur ; à la maison, le couple dialogue entre La Métamorphose et Breakfast at Tiffany’s.

-Lunettes. Une imposante monture très sixties dessine le personnage du professeur. Un modèle Tom F. (?) qui pose lui même souvent avec des lunettes.

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-Maquillage. Tom Ford a imaginé pour Estée Lauder quelques références avec des packagings très glamour. Dans le film, il s’amuse avec les maquillages des années 60, multiplie les yeux de biche et le gros plan flouté du maquillage de l’oeil de Julianne Moore est magnifique.

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-Mode. Située au début des années 60, l’histoire est traitée de façon historique, comme un film en « costumes ». Les filles décontractées sur les campus se baladent en corsaires, les grandes jupes corolle flamboient. Les petites filles ont des robes de princesses ou d’enfants sages.

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Pour le personnage de Charley, excentrique, une longue robe bicolore noir et blanc très sixties. Charley est la quintessence des femmes qui entourent Tom Ford et son personnage s’inspire en partie de sa grand-mère, extravagante.

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-Noms. Jeux de prénoms, hasards ? « Mon frère Tom ». Charley dit  : « Je pense à Richard chaque jour ».

-Nu. plusieurs scènes extrêmement pudiques (l’action se situe au début des années 60) mettent en scène des corps nus (de dos). Nu était le nom du premier parfum de Tom Ford chez YSL. Le créateur avait imaginé pour le lancement un vivarium géant rassemblant une cinquantaine de corps masculins et féminins juste vêtus d’une culotte chair (à la Bourse de Paris !).

-Ordre. Dans le détail des scènes où figurent les vêtements se retrouve le sens de la perfection (rangées de chemises…), voire d’une quasi maniaquerie qui habitait un créateur qui ne laissait rien au hasard (comment prendre la parole lors d’une conférence de presse quand une porte n’a pas été fermée ; comment régler le minutage d’une interview pour ne pas dépasser le temps imparti…).

-Parfums. A son arrivée chez YSL, Tom Ford s’était penché sur les parfums, affichant une sensuelle Sophie Dahl pour Opium et lançant sous sa direction artistique des fragrances. Mais c’est surtout avec sa propre collection qu’il a su exprimer ses goûts. Dans le film, le héros est sensible aux odeurs. Est-ce symbolique de dernières réminiscences à capter, à ancrer dans sa mémoire. En s’approchant d’une femme, il suggère : « Arpège », sans doute le Lanvin mythique des années 20. Respirant et caressant un chien (il en a), le héros dit : « odeur de toast beurré ».

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-Richard. Tom Ford n’a jamais fait mystère de l’existence de son compagnon, Richard Buckley (ancien rédacteur en chef du Vogue Homme) à qui est dédié le film. Il y figure assis dans une scène de salle des professeurs ( ?) où serait aussi présent le compagnon de Christopher Isherwood, l’auteur du livre à la base du scénario de Single man.

-Rodin. Dans une position intime et dans un lieu privé, le héros lit. Tel le penseur de Rodin ? Les défilés YSL selon Tom Ford avaient lieu dans une « boîte noire » au musée Rodin.

-Soudain l’été dernier. Ce film de 1959 serait-il en filigrane ? Est-ce le thème de l’homosexualité, la scène au bord de la falaise en noir et blanc, la végétation luxuriante chez Charley… Sweet memories.

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Images Courtesy Mars Distribution

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