Luxury in fashion

robes circa 1850

Luxury in fashion reconsidered

Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde
O le bon temps que ce siècle de fer !
Le superflu, chose très nécessaire
Voltaire

Une grande exposition de mode à Tokyo questionne la notion de luxe autour de la mode. Jusqu’au XIXè siècle le luxe s’affiche aisément et avec ostentation dans le choix de belles matières (soie, organdi…), dans le travail artisanal fait main (broderies, dentelles…) et dans le détail des finitions, mais la problématique se révèle différente avec le XXe siècle. L’exposition de Tokyo (après Kyoto) tente de lever le voile et de décrypter ce qu’a pu signifier le luxe en mode hier et ce que sa définition implique aujourd’hui. Si le luxe signifie l’abondance et se situe au-delà de la nécessité, il est évidemment très présent dans les sociétés prospères. Si l’Occident est à l’honneur au début, un glissement s’opère avec la deuxième moitié du XXe siècle qui fait définitivement la part belle au Japon et à la Belgique en termes de création.

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Intitulée ostentation la première partie expose des tenues qui (dé)montrent avec éclat les signes extérieurs de richesse. Cent modèles de la collection du Kyoto Costume Institute mettent à l’honneur des tenues aristocratiques précieuses où se découvre l’utilisation de fils d’or et d’argent. La plupart des robes ont nécessité des centaines d’heures de travail. Un vêtement pour Elizabeth 1ère côtoie avec majesté une tenue créée par Poiret pour la fête de la 1002ème nuit. Une cape du soir de Schiaparelli brodée de paillettes d’or resplendit comme un soleil. Toutes ces majestueuses et imposantes tenues du passé sont parfois confrontées à un présent qui utilise les mêmes codes : Balenciaga par Nicolas Ghesquières, Viktor & Rolf … représentés par des modèles d’exception. Cette section de faste et d’opulence aurait pu aussi s’intituler falbalas. Féminines, la plupart des tenues sélectionnées traduisent le choix que fait l’homme d’exposer ses signes de richesse sur son épouse alors que lui va progressivement s’effacer de la quête de l’apparat. Toute cette partie autour d’un passé encore très attaché à l’aristocratie (les vêtements de cour doivent tenir leur rang !) voit son prolongement avec les bourgeois qui, s’ils privilégièrent les notions de confort et d’utilité, ont aussi eu la tentation du luxe. Toutes ces tenues très travaillées, précieuses, impliquent un coût qui rend impossible financièrement la démocratisation du luxe.

La deuxième partie baptisée Less is more semble tourner le dos à une forme de show off et préfère la simplicité au glamour ; l’élégance à la décoration. Dans cet espace, les vêtements sont architecturés et habités d’une simple élégance, voire même d’une certaine modestie (pas de broderies, pas de plumes, pas de paillettes…). Si les Chanel, Madeleine Vionnet, Grès, Christian Dior, Balenciaga d’hier en sont les chantres, la relève est aussi présente, allant du Courrèges des années 60 imaginant un futur épuré à Issey Miyake et son intemporel plissé ou Lanvin par Alber Elbaz. Au vu de cette partie, à la question du luxe, la réponse est différente et simple ; son expression vraie est désormais sans ostentation mais avec élégance.

Un troisième espace, mis en scène par Kazuyo Sejima, sert d’écrin avec poésie au travail de Rei Kawakubo (Comme des garçons) et met l’accent sur une recherche sans fin qui pousse la création et le vêtement là où il ne s’était pas encore aventuré. Une réflexion profonde, des codes transgressés, une maîtrise incroyable des coupes, un travail sur les matières bouscule la mode de façon novatrice. Les codes de l’élégance à l’occidentale percutent les fondations d’une esthétique japonaise où le vêtement s’éloigne du corps et y laisse un espace-temps. Une mode un peu intellectuelle sans doute, mais tout simplement originale et créatrice ; là où le luxe serait synonyme de création.

Dans le dernier espace consacré à la notion d’unicité, est rendu hommage à un autre créateur majeur du XXè siècle : Martin Margiela. Si le créateur belge a aussi déstructuré, décomposé et recomposé le style dans un permanent « work in progress », il a travaillé dans un esprit récup depuis le début (pulls en éléments de chaussettes de laine, gilets en assiettes cassées, manteaux couettes…). Depuis plusieurs saisons, la maison propose des modèles uniques composés essentiellement d’éléments de récupération. Ces collections ont choisi pour cadre de présentation le calendrier off de la haute couture parisienne. Mais là où Martin Margiela se distingue de tout ce qui a été fait en couture, c’est par le choix de matériaux sans noblesse qui n’ont aucune valeur intrinsèque. Ce sera juste l’assemblage des éléments, leur « couture », le nombre d’heures de travail nécessaire qui va inscrire l’objet, le vêtement au rayon luxe (le prix également !). Les collections artisanales osent un bric-à-brac de bazar : vestes en brides de chaussures de cuir, vêtements assemblages de cravates, capsules de bouteilles, cartes à jouer, fleurs en tissu, guirlandes de fêtes, pièces de dentelle, bandes velpeau… Chez Martin Margiela tout peut devenir pièce artisanale, se découvrir une nouvelle vie et s’apparenter avec éclat au luxe. Faut-il y voir de l’ironie, une démarche quasi duchampienne ou juste un bel éloge de l’artisanat ?

Aujourd’hui aucune loi somptuaire ne règle le choix de ses atours et pourtant la voie du « luxe » n’est pas simple. Paradoxal, le luxe hésite toujours entre Voltaire et Rousseau. S’il suscite envies et convoitises, il ne met pas à l’abri s’un sentiment de culpabilité qui incite à consommer au-delà de la nécessité. Du côté de Voltaire, je me range et ne bouderai point le plaisir des belles choses qui sont aussi un fleuron de la civilisation, voire un art.
Mais où trouver le luxe aujourd’hui ? Si les formes exposées à Tokyo trament des histoires différentes, elles aboutissent toutes à de beaux objets qui ne déparent pas dans les musées.
Dans la querelle entre vrai et faux faut-il opposer un vrai luxe qui serait discret et chic au faux luxe ostentatoire et clinquant. Faut-il opposer le Faubourg Saint-Honoré à l’avenue Montaigne ? Et dans quelle famille classer la rue Cambon ? Le vrai luxe participe à une recherche de beauté et survivra au temps qui passe. Et si sa valeur dépend essentiellement de sa conception (création), de la qualité de ses matières, du temps passé (en heures de travail) et aussi de sa rareté, il va falloir aussi aujourd’hui ajouter un nouveau paramètre qui se dessine dans l’air du temps : le juste prix.
A Tokyo au MOT, jusqu’au 17 janvier.

www.mot-art-museum.jp
www.maisonmartinmargiela.com

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Les trois stades du parfum

Si l’Italie avec la Toscane est le berceau des eaux de Cologne, la ville de Florence a la chance de conserver aujourd’hui encore la présence des trois stades de la parfumerie : religieux, thérapeutique et hédoniste.

Si les parfums ont été historiquement associés à l’idée de croyance (depuis les Egyptiens le parfum participe au culte, aux cérémonies funéraires en invoquant des divinités). A Florence ce sont les religieux qui se sont intéressés aux parfums et les ont composés d’abord dans un but thérapeutique et étaient utilisés par voie interne : Aqua mirabilis, Aqua regina…
Gardiens du temple aux sources des eaux de Cologne, les moines ont vu leurs recettes migrer des monastères vers l’Allemagne via Jean-Paul Feminis et Jean Marie Farina dont le nom est toujours associé à une eau de Cologne.
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Le souvenir vivace de cette tradition est précieusement conservé à Santa Maria Novella où une partie des bâtiments religieux ont été transformés en pharmacie puis en boutique où sont aujourd’hui encore vendus des parfums. Sise dans une ancienne chapelle, la boutique a probablement plus de visiteurs que l’église. Le souvenir de l’association thérapeutique subsiste encore un peu dans la ville et ses alentours.

A la Villa San Michele, un ancien monastère reconverti en hôtel de luxe, la limoneria (lieu où étaient conservés les agrumes utilisés dans les préparations médicinales) est devenue une chambre. Aujourd’hui le profane a pris le pas sur le sacré dans la ville. Lorenzo Villoresi, devenu parfumeur par passion (et prix François Coty en 2006), crée tant sur mesure des fragrances personnalisées que des collections de parfums sous son enseigne.
A découvrir notamment un exquis Teint de neige, délicatement poudré.
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Florence, une ville au(x) parfum(s).

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La Renaissance à Florence

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Eclipsé le David de Michel Ange de l’Académie, oubliée la coupole de Brunelleschi, négligés les Masaccio de la chapelle Brancacci, aux oubliettes les Fra Angelico du couvent San Marco… la nouvelle Renaissance à Florence se dessine autour de la mode des créateurs, même si le siège historique de Gucci vient de quitter Florence au profit de Rome.

Avec le phénomène des outlets, la mode bradée est devenue LA véritable attraction touristique florentine. Au programme des tours operators et recommandées par les hôtels de la ville, des journées entières de shopping sont organisées. Prisés par des touristes venus du monde entier (les Japonais y figurent en nombre), les outlets sont conçus sur le principe des magasins d’usine mais haut de gamme.

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A Florence se déstockent des collections de grandes marques avec des prix affichant une réduction allant de 50 à 80 ou même 90% pour des modèles plus anciens. Situés dans les environs de Florence (une occasion d’entrapercevoir la campagne toscane), les outlets se composent notamment du Mall (à 30 minutes en voiture du centre), une sorte de village où les boutiques ont pour enseigne Pucci, Yves Saint Laurent, Gucci, Marni, Armani, Botega Veneta, Balenciaga, A. Mc Queen, Burberry,… sans oublier chez Tod’s la présence de quelques modèles de Roger Vivier.

Le mall ? Le paradis gagné des serial shoppeuses.

Et si ce n’est pas assez, il y a à deux pas un outlet Diesel et à cinq minutes en voiture Dolce & Gabbana.

Enfin à une heure de Florence un grand espace réunit les enseignes Prada et Miu Miu. Si on aime la « vraie » mode (celle des créateurs), le voyage en vaut la peine.

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