Ce qui frappe dès l’ouverture d’Apocalypse Now, c’est le travail sur le son. On entend d’abord, sur fond noir, les pales de l’hélicoptère qui tournoient… Et on comprend aussitôt que l’on est dans l’espace mental du personnage. S’agit-il d’un flashback? La structure est utilisée par Joseph Conrad dans Heart of Darkness, dont le film est adapté. Mais au fil de la scène, cette exposition s’avère être plutôt une anticipation. Une double surimpression révèle, aux côtés de la tête renversée de Willard, une statue cambodgienne que l’on retrouvera bien plus tard – au bout du film et au fond de la jungle – chez Kurtz. Willard n’est encore jamais allé chez Kurtz : de qui cette image reflète-t-elle le point de vue? C’est bien le cinéaste omniscient  qui nous livre une indication de ce qui se produira à la fin du film. Cette juxtaposition des deux têtes opposées figure aussi l’antagonisme de départ des deux personnages principaux.
La tête de Willard se présente à l’envers, indiquant ainsi au spectateur que l’ordre naturel du monde a été renversé. Logique, pour un film qui commence, avec une formidable ironie, par  « This is the end » . La destruction est devenue la norme, de là une certitude : l’apocalypse est imminente. Le fameux « this is the end » et la statue cambodgienne permettent à Coppola de mettre en place la structure circulaire du film. En effet, la fin nous ramènera à la chanson et à la statue. La caméra elle-même opère un mouvement circulaire, qui mime celui des pales de l’hélicoptère et la répétition constante de “This is the end” dans la chanson. C’est tout un jeu visuel et symbolique que Coppola met en Å“uvre.
Le bruit des pales de l’hélicoptère  et la vision des pales du ventilateur indiquent que Willard est hanté par le mal et la destruction (qui sont les sujets mêmes du roman de Conrad). Coppola nous transmet ainsi nombre d’informations sur son personnage sans jamais avoir recours au dialogue : on comprend qu’il est soldat, que sa femme (vue en photo) l’attend au pays, qu’il est alcoolique et avant tout, traumatisé. La destruction, symbolisée par la présence du revolver, est omniprésente. On la retrouve dans les paroles de la chanson : « wilderness of pain », « all the children are insane » (un pressentiment des enfants que l’on verra chez Kurtz?)… Le présent de la chanson est aussi celui du film : ce n’est pas la menace de l’apocalypse qui fait le sujet du film, mais bien son avènement.
Viddy Well !
E.C
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