(Edité après précision des organisateurs sur les circonstances de l’accident.)
Difficile de dégager un évènement de l’étape du jour. Dans l’instant, on retient évidemment l’hallucinante image d’une voiture renversant dans un fossé deux des cinq échappés, l’Espagnol Juan Antonio Flecha et le Néerlandais Johnny Hoogerland. Une image que France 2 a remontré avec beaucoup de parcimonie, et pour cause: un joli logo France Télévisions trônait sur le capot.
Il ne s’agissait pas, ont dit les organisateurs, d’une voiture d’invités, mais de celle d’un prestataire technique travaillant pour France télévisions. Les voitures circulant dans la course sont souvent conduites par d’anciens coureurs cyclistes et ne peuvent doubler un groupe de coureurs que lorsque la voiture de direction de course les y autorise. Ce n’était pas le cas ici selon le directeur de l’épreuve Christian Prudhomme, qui dit avoir demandé aux voitures suiveuses de s’effacer – et non d’effacer la moitié de l’échappée. Le peloton du Tour de France est précédé et suivi par de très nombreux véhicules, voitures ou motos, qui sont souvent conduits de manière kamikaze, bien que le code de la route s’applique aussi sur la course. Il y a quatre jours, un coureur danois, Nicki Sörensen, a été renversé par une moto de photographe. Ces deux accidents ne resteront probablement pas sans conséquence sur le nombre de ces véhicules et leurs règles de circulation.
Cet épisode ne risque pas non plus d’arranger les relations entre le peloton et les organisateurs, déjà mises à mal par les très nombreuses chutes qui ont émaillé le début de course. Après Brajkovic, Wiggins et Horner, c’est Jürgen Van den Broeck, cinquième l’an dernier, et Alexandre Vinokourov – entre autres – qui ont été contraints à l’abandon sur chute dans le Cantal, sur des routes de qualité inégale, tantôt sèches, tantôt humides, ce qui rend les descentes très dangereuses. Brutale fin de carrière pour le Kazakh. Bref, ce Tour de France est un jeu de massacre et la liste des outsiders a rétréci comme un jour d’opération Puerto.
Tout cela éclipse le maillot jaune conquis par Thomas Voeckler, qui a eu le mérite de ne jamais être retardé par les chutes depuis le début du Tour et de prendre la bonne échappée de cette première moitié de course. Cela lui a permis d’être le mieux placé des cinq échappés au classement général et donc de revêtir ce maillot, comme il y a sept ans. Compte tenu de son avance (deux minutes et demie sur les favoris) et de sa forme du moment, il peut espérer le garder jusqu’au Plateau de Beille.
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Messieurs les coureurs, Jacky Durand, roi des baroudeurs, nous explique comment sortir et blouser vos compagnons d’échappée.
Quand?
Il n’y a pas d’étape idéale pour partir, il n’y a rien d’écrit. Ca se fait en fonction des circonstances de course et de la forme.
Avant le départ on vérifie le profil de l’étape, on regarde où se situe le 40e kilomètre qui est souvent un lieu stratégique: souvent une échappée se crée soit dès le départ (comme depuis le début de ce Tour), soit au bout d’une heure de course, quand tout le monde en a un peu marre.
Ca ne sert à rien d’aller dans toutes les tentatives d’échappées car on se disperse et c’est la meilleure chance de ne pas réussir. En fait, c’est quand soi-même on commence à sentir qu’on en a un peu marre ou que ca roule trop vite qu’il faut y aller, puisqu’il faut se dire que tout le monde pense pareil. C’est le moment où le peloton aimerait bien boire, aller chercher les bidons, calmer le jeu.
Le relief peut jouer aussi. Si au bout de 25 kilomètres il y a un long faux plat et que ça roulait fort avant, il y a de bonnes chances que ça parte en haut de ce long faux plat
Avec qui ?
Il y a toujours des coureurs à qui on pense et qui sont de bons équipiers d’échappée. Les coureurs qui sont plus forts que soi, on préfère les laisser partir car on ne s’échappe pas pour s’échapper mais pour aller chercher la victoire. Sortir avec un mec beaucoup plus fort sur une étape compliquée, à quoi bon ! Pareil sur une étape plate, si un sprinteur attaque on n’y va pas non plus.
L’idéal, c’est le novice : quand j’ai gagné mon étape de Paris-Nice en 1999 j’avais découvert un jeune coureur, Laurent Lefèvre (retraité depuis cette année), qui était courageux et vaillant. Mais surtout je savais que j’avais de bonnes chances de le battre à l’arrivée et qu’en même temps il allait bien rouler sans arrière pensée.
A combien ?
En première semaine du Tour il faut être au moins cinq ou six pour réussir. On sait que si on est que deux ou trois, les équipes de sprinteurs vont revenir. D’ailleurs en début de tour la première ou la deuxième tentative d’échappée est la bonne car tout le monde sait que derrière les équipes vont rouler. Et sur le Tour, beaucoup ont la peur du lendemain donc ne vont pas vouloir sortir en première semaine.
Comment empêcher le retour du peloton ?
Au moment où on part, on va rouler quasiment à fond pour prendre du temps au peloton. A partir du moment où le peloton se relève, les hommes de tête commencent à se relever tout en roulant un peu plus vite que le peloton. Il faut rouler à 60, 70%. de ses possibilités. C’est un jeu avec le peloton. On est toujours à l’écoute de quelle équipe roule ou ne roule pas et dans la dernière heure de course on se livre davantage.
Comment on gagne ?
En général le coureur qui roule le moins dans une échappée ne sera pas celui qui va gagner parce qu’il y aura une coalition entre les coureurs qui se donnent plus. Il y en a qui donnent moins parce qu’on sent qu’ils sont moins forts, dans ce cas là on en fait peu de cas mais si c’est un coureur un peu connu, roublard, on se méfiera de lui. Sans même se parler on sait qu’il ne gagnera pas l’étape parce qu’aucun de ceux qui ont vraiment roulé ne voudra le laisser partir.
Je n’ai pas toujours donné le plus mais je faisais ma part de travail… sans en faire de trop non plus.
Souvent, (mon directeur sportif) Cyrille Guimard me disait d’en faire autant que celui qui en fait le moins !
Lorsqu’il y a un coureur réputé bon sprinteur, tous les adversaires vont essayer de l’attaquer dans le final pour lui laisser faire le travail. À partir du moment un bon sprinteur est dans un groupe de plus de cinq coureurs, si les autres coureurs ont de l’expérience il n’arrivera pas à gagner. A moins, évidemment, qu’il soit très fort.
Si on est échappé, il vaut mieux connaître le peloton, savoir si un tel va vite au sprint ou pas. Il ne faut pas se désintéresser de l’adversaire et faire sa course.
Dans une échappée, ça reste souvent un vieux briscard qui s’impose. Quand tu es jeune dans le Tour de France, tu en fais peut-être un peu trop, avec les caméras qui sont là, ta famille qui te regarde et parfois c’est une erreur.
Ton successeur ?
Le meilleur baroureur du peloton aujourd’hui, ça reste Thomas Voeckler, il se loupe quand même pas trop, il sent bien la course. Son avantage par rapport à un coureur comme moi, c’est qu’il peut y aller sur tous les terrains. Chez les plus jeunes il y a Jérémy Roy, un coureur qui sent bien la course et qui est capable de gagner sans être le plus fort, comme quand il a gagné son étape de Paris-Nice en 2009.
lire le billetOn regardait l’étape la plus plate et la plus ch…. du Tour quand bim, c’est tombé au milieu du peloton, à gauche de la route, sur une longue ligne droite. Il y a eu des dégâts : Bradley Wiggins is out, fracture de la clavicule gauche. En remportant le Critérium du Dauphiné, le leader de l’équipe Sky était redevenu un prétendant crédible au podium. Au moins n’aura-t-il pas perdu complètement sa saison en remportant la plus belle course de sa carrière sur route. Le Tour est cruel.
La chute a aussi fait perdre près d’un quart d’heure à Chris Horner, un Américain qui n’a jamais été aussi fringant que cette saison, à bientôt 40 ans, et a terminé 10e du Tour l’an passé. Levi Leipheimer a perdu trois minutes supplémentaires. La Radioshack pensait choisir son leader dans les Pyrénées, elle le fera dans l’Indre, ce qui est moins sexy: ce sera l’Allemand Andreas Klöden (36 ans), l’homme qui n’a jamais attaqué de sa vie.
Piégés aussi: Ryder Hesjedal et Roman Kreuziger respectivement septième et neuvième l’an dernier.
L’échappée du jour a été reprise dans les 15 derniers kilomètres et Mark Cavendish a remporté l’étape, comme attendu. Cela fait donc cinq victoires en sept étapes pour les équipes américaines (voir ma note d’hier). Quatre Français terminent dans les dix premiers de ce sprint massif, ce qui n’a pas dû arriver souvent depuis dix ans.
lire le billetLe pays du jour, c’est la Norvège. Thor Hushovd porte bien le jaune et finit troisième de l’étape –même si c’est plus qu’agréable de voir le maillot de champion du monde dans le peloton –et Edvald Boasson Hagen, un prodige rapide et précoce, remporte sa première étape dans le Tour –sûrement pas la dernière, puisque dans son équipe Sky, on l’appelle Eddie.
Mais la langue de la semaine, c’est l’anglais. Certes, Philippe Gilbert a remporté la première étape. Un Belge d’une équipe belge, ça sent bon le vélo à l’ancienne et ça ne peut pas leur faire de mal en ce moment.
Mais depuis? Garmin-Cervélo remporte le contre-la-montre par équipes, Tyler Farrer (Garmin) gagne au sprint à Redon, Cadel Evans (BMC) à Mûr-de-Bretagne, Mark Cavendish (HTC-Highroad) lève les bras au Cap Fréhel et Boasson Hagen, de l’équipe anglaise Sky, se montre le plus fort à Lisieux – devant deux coureurs d’équipes américaines.
Parmi les équipes anglophones, seule la Radioshack broie du noir: après l’abandon de Janez Brajkovic mercredi, c’est Levi Leipheimer, son deuxième leader, qui a perdu une minute sur chute jeudi. Mais l’avantage d’avoir quatre leaders, c’est qu’il en reste deux indemnes dans l’ancienne équipe de Lance Armstrong: Chris Horner et Andreas Klöden.
Au classement général, même tendance : dix des 15 premiers appartiennent à une équipe anglophone.
Le parcours de ce début de Tour, avec un contre-la-montre par équipes et des étapes pour sprinteurs et puncheurs, explique en partie cette hégémonie. On devrait voir davantage la vieille Europe dans quelques jours. Mais ces chiffres illustrent une tendance lourde, celle de l’internationalisation du cyclisme et de l’arrivée de sponsors puissants du monde anglo-saxon.
«Avant on était entre Français, Belges, Espagnols, Italiens, maintenant c’est mondial, c’est l’évolution normale et ce n’est pas une surprise», commente le Français Alain Gallopin, directeur sportif de la Radioshack.
Jonathan Vaughters, le manager de Garmin-Cervélo qui a fait d’un groupe amateur américain l’une des plus fortes équipes du monde, pense que «cela n’a rien à voir avec la langue».
«Je crois que les équipes qui marchent sont les plus professionnelles et les plus mondialisées. Il faut être innovants, essayer de travailler les détails, pousser tout le monde à travailler pour le collectif.»
Puis un petit tacle à la vieille école. «On ne peut pas dire ‘on faisait comme ça il y a 20 ans donc il faut faire comme ça’, car le cyclisme change et il faut s’adapter à ces changements. Ils (les Européens) s’adaptent aussi, on a juste un peu d’avance.»
Chez Garmin, HTC, Radioshack et BMC, le sponsor est américain, la langue est l’anglais, les leaders sont américains, anglais ou australiens et les nationalités sont multiples. Mais la direction sportive est souvent européenne. Les deux directeurs sportifs de Garmin sont le Français Lionel Marie et l’Espagnol Bingen Fernandez. Le manager sportif de BMC-Racing est le Belge John Lelangue, son homologue chez HTC-Highroad est l’Allemand Rolf Aldag. Chez Radioshack, le Belge Johan Bruyneel est le grand manitou, ses seconds sont Gallopin et le Belge Dirk Demol.
L’équipe Sky, dont l’objectif est qu’un Britannique remporte enfin le Tour, est un cas à part. L’Espagnol Juan Antonio Flecha, formé au pays, a évolué en Italie (Fassa Bortolo) et aux Pays-Bas (Rabobank) avant d’arriver chez Sky. Il affirme que la formation britannique est différente de celles qu’il a connues: «Je ne crois pas que ce soit une question de nationalité. C’est plutôt la philosophie de chaque équipe. Tout le monde a sa façon de comprendre le cyclisme, il y a différentes cultures mais ce n’est pas une question de passeport. Je ne sais pas comment mesurer la valeur d’une équipe, sûrement pas au nombre de victoires, moi je peux juste vous dire que je suis plus heureux ici, que je n’ai jamais été aussi bien dans une équipe.»
Quand l’équipe anglaise est arrivée dans le peloton, l’an passé, ça jasait. Sky roulait des mécaniques et se déplaçait en Jaguar. Le bus grand confort avec les Who à plein tube, ce n’est pas vraiment dans l’esprit de «la course de clochers», comme on appelle les courses de villages en France. Et quand les British ont expliqué à la presse avoir les meilleures méthodes dans tous les domaines, ça n’a pas plu à leurs adversaires. Il n’y avait pas grand monde pour pleurer quand ils se sont plantés sur le Tour l’an dernier.
Dave Brailsford, son manager, admet devant un confrère de L’Equipe y être allé un peu fort. «On aurait dû arriver en faisant beaucoup moins de bruit. Je ne suis pas fier de ça », lui dit-il. «Cette année on est beaucoup plus accepté dans le peloton. On peut pas revenir en arrière mais il faut respecter tout le monde, je pense que de temps en temps on a fait des choses… (silence) J’espère que dans l’avenir tout le monde va voir qu’on est des gens corrects.»
Devant la presse anglaise, le discours change légèrement: «Je suis ambitieux, je l’ai toujours été, j’ai été critiqué pour ça. J’ai dit que nous venions pour des étapes et le général, et c’est ce que je pense, sinon je ne l’aurais pas dit. Les gens pensent parfois que je parle trop mais on a confiance en nos coureurs et en ce qu’on fait et le temps montrera qu’on a raison. On a des entraîneurs formidables, des directeurs sportifs formidables, des sponsors fantastiques. Si on ne vise pas très haut on n’obtient rien.»
Vendredi après-midi, à Châteauroux, on pourrait bien parler anglais à nouveau. C’est là que Mark Cavendish a remporté sa première victoire dans le Tour de France, en 2008. Et vu que le Manx Express est lancé depuis Cap Fréhel, on cherche plutôt le nom du deuxième sur la ligne.
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Bim, bam, boum, crac, ouille. Un carnage, cette cinquième étape du Tour de France entre Carhaix-Plouguer et le Cap Fréhel. Les victimes du jour n’étaient pas les premiers venus. Janez Brajkovic, le Slovène de RadioShack, vainqueur du Critérium du Dauphiné l’an passé? Traumatisme crânien, fracture de la clavicule droite, abandon. Tom Boonen, le Belge ancien champion du monde? Déchiré à l’épaule droite, perdu dans la pampa, arrivée dans les délais pour une poignée de minutes. Parmi les autres coureurs pris dans les chutes, beaucoup de leaders: Alberto Contador, Robert Gesink, Sylvain Chavanel, Bradley Wiggins notamment. Ils sont arrivés dans le peloton mais les blessures nuisent à la récupération et tout finit par se payer dans le Tour.
Pourquoi toutes ces chutes aujourd’hui? Hormis la fameuse gamelle du premier jour, celle qui a coûté plus d’une minute à Contador, ce Tour 2011 n’avait pas eu droit à sa journée de chutes à répétition. Bizarrement, aucun des coureurs (et anciens coureurs) interrogés n’a la même explication.
Jens Voigt (Leopard-Trek),14e Tour de France:
«Trop de coureurs sur une trop petite route. Voilà, c’est très simple. Les petites routes comme ça, tu peux les choisir dans la dernière semaine. En première semaine, les coureurs sont encore frais, il y a de la tension, tu essayes de protéger le sprinteur, le leader, et là, la route est trop petite. Il y a beaucoup de trucs sur les routes en France (des îlots directionnels partout, notamment) mais malheureusement c’est comme ça. »
Plus tôt, sur RMC, le professeur Cyrille Guimard (sept Tours de France remportés en tant que directeur sportif) disait une toute autre chose:
«Les chutes ont eu lieu sur des routes larges et de longues lignes droites. Les étapes comme aujourd’hui, sans grand enjeu, on parle plus dans le peloton, il y a un relâchement général. Hier, la consigne était de faire attention, il pleuvait, ça glissait donc il fallait rester concentré et il y a eu moins de chute. »
Le fait qu’il n’y ait pas eu de chute dans le sprint, malgré un parcours tortueux, tend à accréditer la thèse de Guimard.
Mais Jérémy Galland (Saur-Sojasun), qui dispute son premier Tour de France, n’a pas vu les choses comme ça au sein du peloton:
«C’était très nerveux, une route très sinueuse. Il y a eu du vent dès le départ, tout le monde voulait rester placé et voilà. Il y avait toujours autant de concentration dans le peloton mais tout le monde a peur du vent. Les équipes ne veulent pas se faire piéger comme le premier jour. Beaucoup de leaders ont perdu du temps donc tout le monde est vigilant, tout le monde veut frotter et ça provoque des chutes. »
Frotter ? Placer son leader ? Pierre-Henri Menthéour, ancien équipier de Laurent Fignon et vainqueur d’étape sur le Tour 1984, explique:
«Dès qu’il y a du vent, c’est une lutte de tous les instants pour protéger son leader. Il y a 22 équipes, donc 22 fois quatre coureurs qui jouent des coudes pour remonter dans le peloton. Un équipier qui veut remonter avec son coureur, il joue des coudes, il lâche le guidon pour pousser un type et ouvrir la voie. »
Je vous rappelle que tout cela se fait entre 45 et 65 km/h.
Pourquoi remonter ? Dans la deuxième moitié du peloton, un leader peut être piégé si le peloton se scinde en plusieurs parties et perdre du temps. Il a aussi plus de chances d’être retardé par une chute, comme le sait Contador. Le travail des équipiers est d’aller le chercher, parfois par la peau du cul car le leader n’aime pas toujours frotter, et de le replacer devant. C’est d’autant plus vrai par jour de grand vent, comme aujourd’hui sur la côte bretonne.
La parole à Menthéour, régional de l’étape:
«Le vent a une grosse importance car tout le monde veut s’abriter. Quand on est dans les 30 premiers, c’est très organisé, le leader est protégé par ses équipiers. Derrière, il n’y a plus de bordure, on est dans la caillasse.»
«Dès que t’es obligé de freiner, tu perds 30 places que t’avais gagnées en frottant grave», poursuit Pierrot:
«Au moindre trou que tu vois, tu sprintes pour t’y engouffrer. Au bout d’un moment, tu ne freines plus parce que tu veux pas reculer. Et quand plus personne ne veut freiner et aller au même endroit, ça tombe ou ça fait un écart. Et le moindre écart pour ne pas tomber, mettons de 30 cm, est multiplié par deux pour le mec derrière toi. Le cinquième, il va faire un mètre cinquante de côté et tomber.»
Evidemment, il y a des coureurs qui ne connaissent pas ces ennuis. Philippe Gilbert, deuxième sur la ligne, à nouveau maillot vert, parle comme le numéro un mondial qu’il est : «Vous savez, les chutes, ça se passe à l’arrière donc ça me concerne pas trop.»
Brajkovic et Contador? «Ils n’étaient pas bien placés au moment où (l’équipe) Garmin a accéléré et voilà, on connaît le résultat.» Prenez ça les grimpeurs.
PS : Au fait, Cavendish a gagné et a dédié la victoire à son chien, piqué il y a deux jours.
lire le billetMickael Delage de la FDJ et Jose Gutierrez de Movistar, le 4 juillet 2011 en Olonne-sur-Mer et Redon. REUTERS/Denis Balibouse
Olonne-sur-Mer – Redon, c’était une étape du Tour comme il y en a eu, comme il y en a et comme il y en aura. On a traversé Beaufou, Saint-Philbert-de-Bouaine et Arthon-en-Retz. Au bout, à Redon, ville qui nous a offert Régis Laspalès, Tyler Farrar a assuré au sprint une victoire signée d’un W, pour Wouter Weylandt, son ami disparu en course sur le dernier Tour d’Italie. C’était l’histoire du jour et elle sera oubliée dans une semaine.
Moi, j’étais avec l’équipe FDJ (1). Histoire de savoir ce qui se passe dans le peloton du Tour une journée comme celle-là, où l’imprévu ne se présente pas. Thierry Bricaud et Franck Pineau, les directeurs sportifs de la FDJ, m’avaient raconté l’étape avant le départ: Mickaël Delage devait partir dès le baisser de drapeau, emmener trois ou quatre compagnons de galère, «des bons bourrins» en l’occurrence, et remporter un sprint pour des pois au passage du pont de Saint-Nazaire. Après, il se ferait reprendre par le peloton et personne n’en doutait. «La ligne d’arrivée, elle est en haut du pont», disait Bricaud. Ce fut fait et bien fait.
Delage, un type souriant et chambreur, était le héros du jour. Mais c’eût pu être un autre. Tous les coureurs pouvaient prendre une échappée, sauf Jérémy Roy, déjà devant samedi et toujours volontaire pour jouer les éclaireurs. «La route est plus longue que large, on veut pas le ramasser à la serpillère dans une semaine», soulignait Pineau. Ah oui, il faut que je vous dise: dès que les micros sont éteints, les cyclistes sont de merveilleux clients. Michel Audiard a dû passer quelques semaines dans le peloton. Exemple, lorsqu’un directeur sportif hèle Bricaud :
– Hé, Rouston, il a déjà cartonné ?
– Ouais, il a refait le cul d’HTC.Comprendre :
– Didier Rous (directeur sportif de Cofidis) a déjà eu un accident de voiture ?
– Oui, il est rentré dans le pare-chocs arrière de la voiture de l’équipe HTC.
La circulation des véhicules à l’arrière d’une course est un spectacle à elle seule. Entre les voitures des équipes et des invités et les motos de commissaires, de journalistes, de cameramen et de photographes, c’est un barnum qui ridiculise la porte d’Orléans à 19 heures. Pourtant, le système «à toi d’y aller, moi je me range» est si bien intégré par tous que les accidents sont rares. Même si Rouston…
Ce genre d’étapes offre au téléspectateur autant d’émotions qu’un mauvais Derrick. Du coup, j’ai regardé par la fenêtre et vu défiler la France. En Vendée, à l’heure du digestif, il y avait beaucoup de monde. En Bretagne, à l’heure de la sieste, il y avait énormément de monde. Il y avait à peine la place pour pisser – on reviendra dans une prochaine note sur ce problème majeur de la vie du cycliste.
J’ai regardé les champs en me demandant de quelles maisons avaient pu sortir tous ces gens. On a vu de tout, même un maillot du FC Nantes. Tous les âges, tous les bobs, toutes les longueurs de short et toutes les tailles de ventre.
A chaque traversée de village, la Sainte Trinité de la France rurale: la pancarte, l’église, le bar des sports. Et partout, des sourires, des cris et des applaudissements. La France du Tour n’a pas l’air malheureuse. Le meilleur remède à la chute du moral des ménages serait d’organiser le Tour tous les mois. Bien sûr, il faudrait demander leur avis aux coureurs. Car dans le confort des voitures de directeurs sportifs, on a souvent de la peine pour eux – même sur une étape de plaine comme aujourd’hui.
Ça sue, ça frotte, ça chambre, ça craque. Prenez Sandy Casar. Le matin déjà, il savait qu’il n’avait pas de bonnes jambes. Ceux qui le connaissent bien relèvent qu’il peut dire ça un matin et gagner une étape du Tour l’après-midi – il l’a fait trois fois ces quatre dernières années. Mais ce lundi, il n’avait pas menti. Casar était en queue de peloton en bas du pont de Saint-Nazaire, que les organisateurs, respectueux du bel ouvrage, avaient classé en côte de quatrième catégorie.
Jouer des coudes pour rester au chaud dans le peloton, très peu pour lui. Le peloton a mené grand train, avec un fort vent de côté, et Sandy a lâché. Attardé dans un petit groupe, cet homme du Tour serrait les dents comme moi en Vélib dans la côte de Ménilmontant. Casar a fini par rentrer mais n’y voyez aucune clémence du peloton.
Dans la première voiture de la FDJ, conduite par Thierry Bricaud, on a fait causette et géré le tout venant. Transmettre les bidons – entre quatre et neuf par personne, suivant le gaillard qui les remonte aux copains – sans oublier de donner un peu d’élan en même temps, ça fait partie du jeu. «Nono», le mécano, a fait le métier en changeant une roue arrière en dix secondes après une crevaison. Une chute, un coureur qui annonce qu’il a crevé, et Nono saute de la voiture avec deux roues dans les mains, court sur les lieux du crime et fait sa petite affaire.
Ce mardi, Thierry et Nono remettent ça entre Lorient et Mûr-de-Bretagne. Ils n’ont aucun doute sur la victoire de Philippe Gilbert, comme l’ensemble du peloton. Autant dire que Gilbert a déjà gagné.
(1): C’est ici que l’on signale que l’équipe FDJ m’a nourri, logé et transporté.
lire le billetDimanche, c’est contre-la-montre par équipes. J’en connais qui on dû mal dormir. Pas grand chose à gagner, beaucoup à perdre, par exemple faire tomber son leader en prenant mal un virage, ou perdre la roue de ses coéquipiers au bout de cinq kilomètres. L’humiliation.
Le contre-la-montre par équipes est sans doute l’épreuve la plus télégénique du cyclisme. Disputée sur 23 kilomètres plats et à l’abri du vent, elle sera d’ailleurs davantage l’occasion de regarder le ballet des coureurs et de découvrir les maillots que de creuser des écarts importants. Hormis Samuel Sanchez et peut-être Ivan Basso, tous les leaders seront d’ailleurs bien entourés sur cette épreuve.
Parmi les coureurs qui courront le contre-la-montre par équipes, il est probable que certains n’en aient jamais disputé. Le calendrier en compte une demi-douzaines par an au maximum, essentiellement sur les Grands Tours.
Cette épreuve nécessite préparation, cohésion et solidarité au sein de l’équipe. Les directeurs sportifs ont parfois organisé des stages et fait leur sélection de coureurs en fonction de cet effort de moins d’une demi-heure. L’équipe Garmin-Cervélo, qui sera favorite – avec deux autres équipes américaines, RadioShack et HTC-Highroad – a ainsi sélectionné au dernier moment le champion de Lituanie Ramunas Navardauskas (comme ça se prononce) au détriment de Johan Van Summeren, le vainqueur de Paris-Roubaix, parce qu’il était plus efficace lors des derniers tests. Pour celles qui ne l’avaient pas fait avant, toutes les équipes ont reconnu le parcours jeudi ou vendredi.
Un contre-la-montre par équipe, explications technico-tactiques
Pour comprendre le contre-la-montre par équipes, il faut comprendre un principe de base de la course cycliste : celui qui roule en tête d’un groupe fournit plus d’effort que ceux qui sont derrière lui. C’est de la simple physique. Dans la roue d’un autre, voire, encore mieux, encadré par plusieurs autres coureurs, on subit moins de résistance de l’air. Sans vent et à vitesse moyenne pour un peloton (40-45 km/h), l’économie d’énergie lorsqu’on reste dans la roue est d’environ 30%. Avec du vent, c’est encore plus. Dans les deux cas, c’est énorme.
Une fois que l’on a digéré ça, on comprend déjà mieux le Tour de France, mais ça ne suffit pas pour le contre-la-montre par équipes.
Les neuf coureurs vont donc se relayer en tête de groupe, en tentant de maintenir l’allure du relayeur précédent pour ne pas produire d’à-coups qui font perdre du temps et des forces à tout le monde. On peut le faire en file indienne ou en deux files parallèles, s’il y a un vent de côté ou si l’on veut raccourcir les relais.
L’idée est d’utiliser au mieux les forces de chacun, puisque tous les coureurs ne se ressemblent pas. Un grimpeur d’1m68 roule moins vite sur le plat qu’une bête à rouler d’1m98. Accessoirement, il abrite moins ses coéquipiers du vent. Faites le test en roulant derrière votre petit cousin, vent de face.
Ce contre-la-montre est court, 23 kilomètres. Pourquoi ne pas laisser les trois meilleurs rouleurs de l’équipe partir avec le leader et laisser les boulets derrière ? Parce que le temps est pris sur le cinquième coureur à l’arrivée. Et que même si vous n’êtes plus que cinq dans les derniers kilomètres, vous prenez le risque de perdre beaucoup de temps avec une chute ou un incident mécanique.
Ces bases posées, cinq conseils si vous voulez organiser un contre-la-montre par équipes avec vos voisins :
Comment ça on s’ennuie la première semaine sur le Tour ? Première étape et paf, plus d’une minute de retard pour Alberto Contador. Le triple vainqueur du Tour, qui n’avait déjà pas envie de venir, s’est fait siffler par le public jeudi et a été pris dans une chute massive lors de cette première étape près de l’arrivée. Il commencera demain une course à handicap sur Andy Schleck. Contador doit se demander dans quelle galère l’a mis son manager, Bjarne Riis. Quant à ce dernier, pointilleux comme il est, il doit enrager de voir son leader pris dans une cassure dans les dix derniers kilomètres.
L’avantage pour l’Espagnol, c’est qu’il ne prendra pas de sitôt le maillot jaune. Il s’évitera ainsi les conférences de presse obligatoires et les affrontements stériles avec une partie des journalistes
Pour la victoire d’étape, Philippe Gilbert a fait, comme on s’y attendait, une démonstration. Le peloton étant une machine à soupçons, il ne doit pas être facile pour lui d’être tellement au-dessus du lot. On est aussi un peu perplexe de voir un coureur si dominateur se teindre les cheveux couleur argent, comme, jadis, Dario Frigo et Richard Virenque, deux symboles du dopage sur le Tour de France. Son conseiller en communication n’a pas dû être consulté.
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Les jours précédant le Tour de France suivent un rituel immuable: entre mardi et jeudi, les coureurs et journalistes arrivent au Grand départ, se rencontrent lors de conférences de presse — artisanales ou à grand spectacle selon l’équipe —, les favoris promettent que ce sera une sacrée bagarre et les newbies ouvrent des yeux écarquillés. Mais surtout, chaque semaine pré-Tour de France a son affaire de dopage.
Des scoops plus ou moins valables et retentissants que des journaux gardent, disent les mauvaises langues, pour les sortir quelques jours avant le Tour. Ça fait le buzz et, au pire, ça anime les deux ou trois premiers jours de course. L’an passé, c’étaient les nouvelles accusations de Floyd Landis contre Lance Armstrong, parues dans le Wall Street Journal la veille du départ. Aussi inattendues qu’un contrôle positif de Riccardo Ricco.
En 2009, la presse prenait ses quartiers à Monaco lorsqu’est tombée la décision du Tribunal arbitral du sport (TAS) de laisser Tom Boonen prendre le départ du Tour contre l’avis des organisateurs, après un contrôle positif à la cocaïne hors compétition. En 2006, la veille du départ, l’affaire Puerto a offert à la salle de presse du départ du Tour ses heures les plus folles, avec l’éviction des principaux favoris, tous clients présumés du docteur Fuentes, et le départ de l’équipe Astana-Würth, qui avait tellement de coureurs cités dans l’affaire qu’elle n’en avait plus assez pour prendre le départ.
Cette année, on fait dans le bas de gamme mais pas forcément dans l’anodin. Ça, on le saura dans de longs mois. Mercredi, la presse flamande a révélé que les douanes belges avaient saisi il y a deux semaines dans un aéroport flamand un colis contenant des doses de TB-500, des hormones peptidiques en provenance d’Australie.
Leur destinataire, Wim Vansevenant, trois fois lanterne rouge de la Grande boucle – ce qui est, sans rire, une vraie performance — a confirmé qu’il avait bien commandé ce produit destiné aux chevaux. Parce qu’il «se sentait vieux» et «voyait son corps dégénérer». Un coureur retraité depuis trois ans a donc commandé en Australie un produit pour les chevaux (ce qui semble assez clair sur ce site), parce qu’il perdait ses muscles à force de regarder la VRT. Pourquoi pas. Les culturistes semblent en être friands eux aussi.
L’affaire tombe mal en tout cas pour l’équipe Omega Pharma-Lotto, où évoluent Philippe Gilbert, le meilleur coureur de l’année, et Jürgen Van den Broeck, cinquième du Tour l’an dernier. Car Vansevenant, s’il n’était pas le plus talentueux, n’était pas le plus discret des coureurs: durant ses six années chez Lotto (2002-2008), il a fait de très nombreux kilomètres en tête du peloton au service de ses leaders. En guise de remerciement, l’équipe l’avait engagé pour assurer ses relations publiques – ce qu’il devait faire pendant le Tour.
Ce matin, les deux mêmes journaux flamands — Het Nieuwsblad et De Standaard — ont sorti une autre affaire. Les autorités belges ont arrêté lundi un soigneur, destinataire présumé de 195 doses d’EPO interceptées… il y a plus d’un an et demi. Sven, de son prénom, est arrêté à cinq jours du départ du Tour et aurait avoué avoir passé cette commande. Pourquoi ? Pour relancer sa carrière de cycliste. Louable intention, mais était-il nécessaire de commander presque l’équivalent de ce que trimbalait Willy Voet lorsqu’il a été intercepté par les douanes en 1998 ?
La vie est mal faite pour la BMC, l’équipe de Cadel Evans, qui lui avait offert quelques piges la saison dernière et cette saison. Il avait encore accompagné l’équipe il y a deux semaines en Italie.
Pas suffisant pour être connu du manager de l’équipe, Jim Ochowicz, l’un des premiers entraîneurs de Lance Armstrong : «Un soigneur occasionnel pour nous ? Son nom ne me dit rien», a-t-il réagi.
Epilogue (pour l’instant): les deux hommes ont perdu leur colis, leur travail, et la BMC et la Lotto quelques heures de tranquillité précieuse avant le départ du Tour.
Promis, dans les prochains jours, on essaiera de parler de vélo.
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Entre Morzine et Saint-Jean-De-Maurienne, le 13 juillet 2010. REUTERS/Francois Lenoir
Cette semaine s’arrête vendredi. En juillet, le premier samedi du mois, c’est plus seulement un film pour Pascal Feindouno, c’est le début d’un nouveau calendrier. Samedi, c’est Tour de France. Plus de dimanche mais des jours de repos – cette année les lundi, des étapes de transition – « je suis libre jusqu’à 16 heures » – ou étapes de montagne «busy de midi à 17h30».
Sur ce blog, on vivra donc à ce rythme, tantôt devant l’écran, tantôt sur la course. On donnera la parole aux acteurs et aux techniciens, ceux qui savent pourquoi un tel n’a pas roulé avec tel autre (le cyclisme est un sport d’équipe), pourquoi le peloton a ralenti à tel moment (le cyclisme est un sport tactique) ou comment on peut être largué un jour et brillant trois semaines plus tard (le cyclisme est parfois déroutant).
On ne va pas tenter de vous vendre le duel entre Alberto Contador et Andy Schleck. Les deux bretteurs sont trop polis pour enlever la mouche, qui permet, dit Wikipedia, « les assauts courtois ». Contador et Schleck s’excusent de s’attaquer et respectent la priorité au sommet du Tourmalet.
On ne va pas non plus se convaincre que cette année, c’est sûr, regardez sa cadence, ses grimaces, le vainqueur du Tour est propre. Le cyclisme est depuis 13 ans dans l’ère du soupçon et n’en sortira plus, ce qui gâche un peu le plaisir.
Parenthèse: c’est un peu de sa faute. Quand on cherche du dopage, on en trouve. Quand on trouve, on en parle. Et quand on ne trouve pas, on en parle aussi. Tout le monde est négatif ? Ce serait la preuve que les tricheurs passent entre les mailles du filet; pas qu’ils sont moins nombreux.
Jeudi dernier, l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) présentait son rapport d’activité. Aux côtés des dirigeants de l’AFLD ont pris place le conseiller scientifique et le responsable de la communication de l’Union cycliste internationale (UCI), mais pas Michel Platini. Ça n’a pas surpris grand monde. Cyclisme et dopage se sont mariés dans les années 90 et il n’y aura pas de divorce par consentement mutuel.
Citons pourtant le président de l’AFLD, Bruno Genevois:
« Le chef de l’Oclaesp, le colonel Thierry Bourret, a dit urbi et orbi qu’aucune discipline n’était à l’abri du dopage. L’Agence mondiale antidopage (AMA) dit que le dopage a davantage cours dans les sports d’endurance et qu’il concerne davantage les hommes que les femmes. On sait enfin que, là où les intérêts économiques et financiers sont importants, c’est quand même une incitation au dopage. Ce sont les trois critères. »
«Mais alors, c’est dans le football qu’il devrait y avoir le plus de dopage!», relançait un collègue. Et le tennis, murmurais-je. Elémentaire. Et pourtant, le soupçon nous effleure rarement lorsque l’on voit jouer Nadal ou Messi. L’inégalité de traitement a eu de quoi indigner le docteur Eufemiano Fuentes (1). Ce tranquille gynécologue espagnol faisait des miracles auprès des cyclistes, on l’a su grâce à l’affaire Puerto. Mais il s’est offusqué qu’on oublie sa contribution au tennis, au football et à l’athlétisme.
Pas d’illusions au sujet des tous meilleurs, donc, mais pas non plus question d’oublier que des mois d’EPO, de clenbutérol et de transfusions autologues ne me feraient pas tenir dix kilomètres dans un peloton. Un docteur plus un fainéant ne feront jamais un champion. Le cyclisme est un sport de masos et les coureurs du Tour de France en bavent. Particulièrement à l’entraînement, lorsqu’il faut se lever à l’aube pour aller rouler avant l’arrivée des fortes chaleurs, ou lorsqu’il faut s’entraîner seul sous la pluie. Perso, quand il pleut fort, je prends le métro.
On peut lire le classement général avec un sourire en coin mais se passionner pour les multiples enjeux du Tour. Lutte pour le maillot jaune, pour les victoires d’étapes – la seule accessible aux coureurs français, pour arriver dans les délais après trois cols hors-catégorie , lutte pour passer à la télé ou pour décrocher un nouveau contrat.
Voilà ce qui rend passionnant le Tour de France, pour ceux qui s’y intéressent. Pour les autres, il reste toujours le plus sûr moyen de faire la sieste en été.
Clément Guillou
(1) : Le magazine Pédale, réalisé par l’équipe de So Foot, tire un portrait très documenté de l’animal. Cinq euros, c’est une pinte de moins mais du bonheur en plus.
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