Enlightened entre dans la lumière

Enlightened, dont l’ultime saison débute ce soir sur OCS Novo, a été victime, selon moi, d’une des plus grosses injustices de ces dernières saisons. Ou plutôt d’une incompréhension. Fallait-il être branché sur une certaine fréquence, être capable d’une sensibilité différente, pour saisir le propos simplement bouleversant de Mike White et Laura Dern ? Je ne prétend pas – je ne le prétend jamais – qu’il y ai une vérité, comme il y aurait un bon et un mauvais goût, mais j’aimerais tellement convaincre ceux qui se sont arrêté à leurs premières impressions de faire un effort.

Enlightened marchait, avec une grâce inédite, sur un fil d’une fragilité infinie : au premier regard, elle semblait poussive, criarde, cul-cul, caricaturale, cette histoire de quadra qui veut changer le monde, « illuminer » ceux qui sont autour d’elle. Et Laura Dern méritait des baffes. Mais Enlightened était, à mon sens, comme ces disques qui insupportent à la première écoute, avant de révéler toute leur profondeur. Elle disait avec une candeur bouleversante la difficulté d’être et la beauté d’exister, elle osait sans peur répéter ces petites phrases, de celles qui naissent dans notre cœur au miracle simple d’un rayon de soleil ou du souffle du vent dans les arbres, elle appelait à ressentir plutôt qu’à penser, à agir plutôt qu’à regretter, à être fou plutôt qu’à marcher en rang. Elle disait tout doucement, mais tout haut, ce qu’on n’ose dire tout bas, de peur d’avoir l’air ridicule : la vie est belle, même si elle est pleine de souffrances, il faut aimer, respirer, briser nos chaines, regarder les oiseaux et marcher pieds nus dans l’herbe fraiche. Que les cyniques rient tant qu’il leur plaira. Enlightened avait une rare qualité : elle savait s’émerveiller.

Sa saison 2, sans doute pour trouver une audience plus large, reposait sur une intrigue plus dynamique, sans oublier les tourments de son héroïnes. Et ça marchait. Drôle, toujours joliment mise en scène (Todd Haynes, réalisateur de Loin du Paradis, est passé par là), révélant des acteurs de talent – Mike White est tout simplement parfait dans le rôle du collègue coincé, solitaire ; Diane Ladd est bouleversante en mère brisée – elle avait gagné en humour, en rythme et, mine de rien, se payait gentiment la tête des grandes entreprises américaines, questionnant, là aussi avec plus de subtilité et de complexité qu’il n’y paraît, la notion de révolution et une autre limite fragile : celle entre changement et destruction. Bonne nouvelle, l’ultime épisode de cette saison 2 convient presque parfaitement en fin de série, même si les questions intimes de l’héroïne ne sont pas résolues. C’est une fin acceptable, en tout cas.

Sans doute Enlightened n’était pas faite pour plaire à tout le monde. Ils sont nombreux à l’avoir rejetée, mais si vous vous étiez arrêté sur un a priori négatif, essayez au moins de confirmer cette impression. Peut-être Enlightened vous agacera encore, mais peut-être aurez-vous la chance, finalement, comme moi, de tirer de ses 18 petits épisodes un peu de lumière…

Enlightened, saison 2, le vendredi à 20h40 sur OCS Novo.

3 commentaires pour “Enlightened entre dans la lumière”

  1. La saison 1 m’a également beaucoup touché, c’était trop court ! Laura Dern y est à la fois drôle, bouleversante, lumineuse, pathétique… bref, toute en contradictions, mais l’univers de la série, son ambiance, sont à nulle autre pareils. J’ai hâte de voir la saison 2, dommage qu’il s’agisse de la dernière… Frustrant, ces bonnes séries étouffées en plein essor, comme Rubicon par exemple.

  2. ça fait du bien de lire un article aussi enthousiaste sur Enlightened! Il faut dire que c’est grâce à vous que j’ai découvert la série à ses débuts… Je vais me faire un plaisir de revoir et rerevoir ses deux splendides saisons, pour moi c’est une série unique, qui vous élève l’âme…

  3. C’est une série courageuse qui remet en cause toutes sortes de préjugés. La preuve: il déplaît et dérange. Le rêve americain, la dite normalité qui nous empêche de sortir des rails… Tout cela est mis à mal sans discours directs, sans passer la démarche didactique. Les personnages sont des loosers et, paradoxalement ils sont plein de complexité et de richesse.
    sana

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