J’ai 10 ans, comme dirait l’autre. Et je ne suis pas tout seul. Charlotte Blum, à ma gauche, a aussi 10 ans. Aujourd’hui, l’exercice du visionnage de vieux pilote est en mode nostalgie. Au programme, Sauvés par le gong et Alf. Rien que ça. Toute ma jeunesse. Kelly, Kelly, Kelly, les pompes de Zack, et Alf, à qui j’aurais à l’aise filé mon chat à bouffer. Et, là, au creux de l’estomac, un doute, terrifiant : et si on se rendait compte que, en fait, les séries qui nous faisaient rêver étaient toutes pourries. McFly, direction 1986 (Alf) et 1989 (Sauvés par le gong)…
On commence avec les élèves de Bayside, et… AH, horreur, qu’est-ce que c’est moche ! A côté, les mecs de Beverly Hills sont sapés par Armani. Tout est fluo, bariolé, gominé, trop large, mal coupé… Dès les premières secondes, on perd 2 dixièmes d’acuité. C’est Afflelou qui va être content. « Rien que de penser au port du cycliste sous les mini-jupes et aux jeans neige, j’ai des frissons », note, stoïque, Charlotte. Et ce n’est que le début de la chute. On a beau être nostalgique, il faut le reconnaître : comme on disait à la récré, c’est tout pérave. « Qu’est ce qui nous a fait tant aimer cette sitcom ratée, pas drôle, fatigante, molle du genou quand nous étions ado ? Je me le demande », s’interroge ma voisine. Euh, Kelly pour les mecs, Zack pour les filles – ou l’inverse, n’en déplaise à Frigide ?
Le scénario du pilote est faignant au possible : il y a un concours de danse à la cafet’ (décor tellement en carton qu’on redoute que les murs s’effondrent). Zack, Slater (oh.Pu.Tain.Les.Déb.Bar.Deurs), Screech, Kelly, Lisa et Jessie vont devoir choisir leurs partenaires. « L’épisode a le mérite d’installer les personnage et de tisser des liens entre eux, note Charlotte. Malheureusement, c’est fait de manière tellement grossière que je me sens presque insultée en regardant. » On a quand même le droit de se réjouir du côté méta de la série, net dès le pilote – un véritable animateur télé, de la télé US de l’époque, joue son propre rôle, et Zack ne cesse de casser le 4e mur. Le reste est accablant et sidérant – notamment une scène de plusieurs minutes où les élèves jouent en cours de musique, sous les envolées lyriques (foireuses) de leur prof illuminé.
Charlotte ne s’en remet pas. « Le pire, dans cette série, ce n’est même pas l’écriture bas du front ou le jeu d’acteur quasi inexistant (sérieux, ces gens, ils n’utilisent jamais leur corps ? Ce ne sont que des piquets de tente qui récitent un texte ?), non, le pire, c’est que ce n’est pas marrant. Mais vraiment pas du tout du tout. La seule vanne dont je me souvienne, c’est « Il danse tellement vite qu’on l’appelle La Tornade, hihihi », accompagnée d’un rire de dinde de Kelly Kapowski. » Tristesse, donc. Mais pas question de se renier. On a aimé, on a regardé, on avait nos raisons. Les mêmes qui nous faisaient manger des Froot Loops juste parce que c’était joli dans le bol.
A noter, tout de même, cette belle comparaison, tentée par Charlotte : « j’ai l’impression d’assister à l’adolescence de la bande de Friends, avec un cast respectant la formule 3 filles + 3 garçons. Il y a le couple bizarre : Screech (un Joey, mais sans charisme et avec des bretelles) et Lisa (une Phoebe, l’originale du groupe qui multiplie les malaises capillaires et vestimentaires). Il y a aussi le couple évident : Zack (un Chandler qui aurait hérité de sex-appeal) et Kelly (une Monica, bien psycho rigide et moralisatrice). Et enfin, il y a le couple qui ne prend pas : Slater (un Ross version hot hot hot) et Jessie (une Rachel qui n’a jamais croisé la route d’un fer à lisser). » Ça se tente. Pas évident, mais ça se tente…
Histoire d’être sûrs qu’on n’a pas ruiné notre jeunesse devant un ramassis de trucs pas drôles, on change de DVD, pour un spécimen plus poilu que Zack : Alf.
Ce n’est pas vraiment une redécouverte pour moi. J’avais replongé dans la série l’an passé, à la sortie de l’intégrale en DVD. Avec plaisir. Au-dessus de mon bureau, j’ai une peluche de Alf qui me surveille de son regard bienveillant. « Alf, donc. L’épisode commence comme un conte par « Il était une fois » et me fait retomber en enfance, comme par magie. Je dois l’avouer, même si je risque d’être déshéritée et de perdre mon job à cause de cette déclaration : la série m’épate de minute en minute. » Donc, c’est une série au poil. Pardon.
Preuve qu’on est quand même très atteints par la nostalgie, c’est en VF, avec la voix du génial Roger Carel, qu’on revoit ce pilote. Charlotte s’enflamme, je lui laisse la parole. « Alf est cheap, c’est vrai. Les effets spéciaux sont pathétiques, mais assumés, la famille est tellement ringarde et mal sapée (salopette, cols roulés en lycra, pull du père digne des pires fashion faux-pas de Chandler Bing) qu’elle devient crédible, et le petit Alf, il faut être honnête, il le fait, GRAVE. La voix française y est certainement pour beaucoup : elle est parfaite. Alf me fait l’effet de l’ours Ted, dans le film de Seth MacFarlane sorti l’an dernier. Il dit ce qu’il pense même quand il ne faudrait pas, s’incruste partout (même dans la salle de bain, pendant que papa Tanner prend sa douche) et est capable d’énerver et d’attendrir en même temps. »
Même s’il lisait l’annuaire, Alf serait marrant. Sa tête et sa voix à elles seules sont capables de faire sourire, en souvenir, n’importe quel trentenaire un poil nostalgique. Charlotte en a presque la larme à l’œil. « Les vannes sont très drôles, voire parfois totalement grotesques (« William, c’est pas un nom ça, c’est un défaut ! »), mais tout fonctionne : le rythme, les intonations, le jeu. Alf est adopté par la famille Tanner en vingt minutes, mais il l’a d’abord été par deux trentenaires riant aux éclats devant une sitcom que je n’aurais pas offerte à mon pire ennemi pour noël. Je la mets sur ma liste de rattrapage pour cet été. » Bon, on se lâche un peu, Alf n’est pas exactement du niveau de Louie, mais c’est un doudou télévisuel, un Lexomil sériel, une pétard en forme de sitcom. Ça détend. Je veux un Alf. Je veux même que les Ochmonek emménagent en face de chez moi.
Pour info, Sauvés par le gong ne semble pas exister en DVD chez nous, seulement en import chez Fabulous Films (je me trompe ?). Alf, en revanche, existe dans un beau coffret avec peluche édité chez Warner Bros.
C’est bien beau la nostalgie, mais parfois ça ne tient pas la route, si l’on compare Gundam Wing à Goldorak on sent tout de même le poids des années…
ça me donner envie de manger un chat. tout frais!
OH! j’aime bien
C’est comme les chants gregoriens: on faisait ce qu’on pouvait avec les moyens du bord. N’empeche que pas d’elecro dans gregorien! Faut le temps que ca mature quoi!