Good tripes, bad tripes

Bouh. Si ce post ne fait pas peur, les séries, elles, voudraient vous foutre les jetons. L’horreur sous toutes ses formes s’installe sur le petit écran, et se plante rarement. Même les networks s’y essayent, par le truchement de ces bons vieux serial killers, un pied dans le polar, un pied dans les intestins de votre voisine. Dimanche, OCS lançait la saison 3 de The Walking Dead, dont le succès sur AMC n’est sans doute pas étranger à cette vague de frayeur cathodique. La veille, sa lointaine cousine de FX, American Horror Story, revenait sur nos écrans, sur Ciné+ Frisson. Deux séries qui incarnent chacune à leur manière la mode horrifique, deux œuvres en pleine forme côté audiences… mais qui sont loin de me faire le même effet. La première a fini par me convaincre pleinement, malgré ses faiblesses. La seconde, en revanche, me tape violemment sur le système, malgré ses (rares) qualités. Je m’explique…

The Walking Dead, good tripes.
Il aura fallu être patient, mais l’adaptation des romans graphiques de Robert Kirkman et Charlie Adlard semble avoir trouvé son rythme. Évènement à son lancement, puissamment humaine, suffisamment bien produite, écrite et réalisée pour compenser certaines lacunes dans l’interprétation – pour ne pas dire un flagrant manque de charisme des premiers rôles – elle a survécu à une fin de saison 1 presque ridicule et à un début de saison 2 soporifique, grâce à quelques beaux dialogues et une poignée de morceaux de bravoure. Sa saison 3 est une formidable leçon de révolution interne, presque une nouvelle série, mais qui ne serait pas ce qu’elle est sans les chapitres précédents. En partie sans doute par volonté de construire ses personnages, en partie parce qu’elle ne savait pas trop où elle allait (et surtout comment elle y allait, sa vilaine tendance à changer de showrunner comme de chemise n’aidant pas) The Walking Dead a su donner corps à son groupe de survivants. Elle nous a laissé nous acclimater à eux, nous faire du souci pour eux, nous a titillé, par à-coups, une petite attaque de zombies par ci, un meurtre par là,  mine de rien a enclenché la seconde, en souplesse.
Avec cette saison 3, elle explose la pédale d’accélération, passe subitement la quatrième (la cinquième n’est pas loin). On somnolait, on s’étonnait par instant, on tremblotait. On flippe désormais pour de bon. Tout va plus vite, ça zigouille, ça étripe, ça étale du mort-vivant et du vivant bientôt mort à tous les étages, mais la base humaine, le socle battit deux saisons durant supporte aisément le coup de champignon. On craint sincèrement pour Rick et compagnie (surtout compagnie, d’ailleurs), et les scénaristes ne s’interdisent plus quelques méchouis de premiers rôles. Plus personne ne semble à l’abri, une banalité indispensable dans toute œuvre horrifique. Plus fun, plus vive, plus sanglante, très forte en cliffhangers, cette saison 3 ne perd pas (complètement) de vue la dimension humaine de son histoire. L’interprétation reste inégale (Andrew Lincoln n’est pas un mauvais acteur, mais il n’est pas non plus l’incarnation du héros complexe, du leader torturé dont la série aurait besoin), certains rebondissements improbables, mais, en fan du comic book, j’aurais tendance, après deux saisons de frilosité et de critique, à applaudir les scénaristes, et à conclure : The Walking Dead est une série horrifique réussie.

American Horror Story, bad tripes.
Ryan Murphy a ses adorateurs. Je n’en suis pas. Le manque de finesse et la prétention de ses séries le place aux antipodes de ce qui me plait dans une fiction télé. American Horror Story est ce qu’il a fait de pire. Un gloubiboulga horrifique qui, sous prétexte de choquer, de briser des tabous et de rendre hommage au genre, nous assène ses histoires poussives et ses images hideuses. Le choix de l’anthologie, intéressante d’un pur point de vue technique (à la manière d’une troupe de théâtre, les acteurs changent de rôles, ce qui est en un sens intriguant), empêche l’attachement aux personnages, qui sont de toute façon tous globalement détestables. On se fiche royalement de leur sort, on n’a donc aucune raison de trembler pour eux. Ryan Murphy ne semble pas s’en soucier. Pour  nous faire peur, il multiplie les monstres, les cinglés, les menaces, les images « terrifiantes », cellules glaciales, caves, salle d’opération, bois obscurs, et j’en passe. Là où The Walking Dead invente progressivement son univers, American Horror Story nous la jette au visage en beuglant, comme si un amas de trucs autrefois flippants dans tel ou tel film ferait, une fois condensé dans ce pudding morbide, un plat terrifiant.
Tout cela est un hommage, diront ses fans. Un jeu, un exercice de style. Soit. Mais un exercice de style crispant, qui dessert toutes ses idées, bonnes ou mauvaises, à force de lourdeurs et d’effets criards. On a l’impression que Ryan Murphy et ses scénaristes se livrent à un concours de références, de clins d’œil, de relectures de l’histoire du cinéma d’horreur… en saturant leur récit. Faire une série dans une maison hantée ou un hôpital psychiatrique, c’est une bonne idée. En faire un hommage, pourquoi pas ? Mais Murphy est comme ces fans qui hurlent plus fort que leurs idoles, et qui vous ruine un concert. Il tient pourtant de bons comédiens (voire d’excellents comédiens), mais auxquels il fait jouer une partition sans nuances, où il s’agit avant tout de rouler des yeux et de prendre la voix la plus cinglée. Boulet sur ce gâteau étouffant, la réalisation est un enfer, clipesque, maniérée, certainement pleine de caractère, mais du genre de caractère qui vous écorche les pupilles — et tout ça mis en musique par un ancien de Black & Decker qui n’aurait pas renoncé à son amour de la perceuse.

Bref, j’aime bien The Walking Dead, et je n’aime pas American Horror Story. Enfin, comme je le dis toujours, ce n’est que mon avis. Les fans d’American Horror Story sont nombreux. Leurs arguments sont les bienvenus en commentaire !

The Walking Dead, saison 3, le dimanche à 20h40 sur OCS Choc / American Horror Story Asylum, le samedi à 20h45 sur Ciné+ Frisson

Images : American Horror Story (FX/Ciné+ Frisson) / The Walking Dead (AMC/OCS)

5 commentaires pour “Good tripes, bad tripes”

  1. Bonjour,

    je rebondis sur votre remarque concernant l’évolution à travers les trois saisons de Walking Dead.
    “Sa saison 3 est une formidable leçon de révolution interne, presque une nouvelle série, mais qui ne serait pas ce qu’elle est sans les chapitres précédents. ”
    Il y a peu de temps, pour être précis jusqu’au 11 février, j’aurais entièrement appuyé votre analyse et me serais joint à votre parole en l’acclamant sur les toits! Oui, oui, mille fois oui!

    Une saison 1 qui donnait l’impression d’avoir été bâclée sur la fin du fait du nombre réduit d’épisodes ; une seconde qui au contraire, donnait la sensation d’avoir été étirée outre mesure sur une trop grande durée… La première moitié de la troisième saison avait été une surprise de taille. Enfin, le rythme était trouvé! Aucun ennui, de l’action, des moments forts, bref tout ce qu’on attendait ! Et en plus, une réinvention originale des éléments du comics (ce gouverneur… miam!). Bref, un sans-faute jusqu’à la coupure de mi-saison.
    Suis une attente interminable et là… énorme déception.
    Autant la première moitié de la troisième saison m’a ébloui, autant la seconde m’a plongé dans un ennui profond. Ainsi, les épisode 11, 12, 13 et 14 semblent faire du surplace : quatre épisodes pour nous annoncer la venue du gouverneur sans que rien de concret ne se passe, un faux suspens qui dure, dure, dure…
    Voire même des presque-“bottle episodes” comme l’inutile “Clear” ou le soporifique “Arrow on the doorspot”, où l’on sent à chaque fois la volonté de créer des défis pour scénaristes mais qui hélas font systématiquement flop.
    Sur cette seconde moitié, seul “Prey” m’a cloué au siège comme avait pu le faire l’ensemble des premiers huit épisodes. Et je n’aborderai pas ma déception face au season finale, d’autant plus grande qu’il avait été plus que préparé par les six épisodes précédents.

    Bref, ça me peine de le dire après avoir été aussi excité ce début de saison, mais la seconde moitié de la saison 3 m’apparaît largement inférieure à tout ce qui avait été fait jusque là dans la série, même aux deux précédentes saisons.

    Peut-être suis-je un peu sévère. Peut-être mes espérances trop grandes après ce début réussi m’ont rendu trop critique face à la suite. Mais la différence de ton et de rythme entre ces deux moitiés de saisons ne me paraît pas être uniquement subjective…

    (au passage, ça ne coûte rien : un bravo et un merci pour ce blog, ainsi que pour votre émission sur Le Mouv’. C’est toujours un plaisir de lire/entendre vos analyses)

  2. @Benjamin : j’ai quelques épisodes de retard… Si la fin de saison 3 est faible, je le dirai ici 🙂

  3. La fin de saison de The walking dead est une mauvaise blague…

  4. Je suis entièrement d’accord avec DMaad, j’attendais la seconde partie de la saison 3 avec impatience, et quelle déception… Je ne comprends pas ce qu’ont cherché à faire les scénaristes, on dirait que d’un coup ils n’avaient plus rien à dire, ça traîne et ça traîne…. on retrouve le coup de mou de la première partie de la saison 2. On passe 4 épisodes à suivre les allées retour entre woodbury et la prison !

    Ayant lu les comics, j’attendais beaucoup de cette fin de saison, la série s’était recentrée sur le comics pour la 1ère partie de la saison 3 donc je m’attendais à un fin magistrale, digne de ce nom et qui ferait honneur au comics. On a juste l’impression qu’ils ont bâclé ça à la va vite, qu’ils étaient à court d’idées et ont tiré à la courte paille pour savoir comment se débarrasser du gouverneur !
    Et en plus ils nous suppriment un personnage hyper important, il y en a plus d’un qui sont fades, lisses et ne servent à rien, mais pas celui là, je ne comprends pas cette décision….

    Bref tout ça pour dire, je suis déçue, et il faudrait qu’ils arrêtent de jouer au YoYo, ils n’arrivent toujours pas à se stabiliser, j’attends beaucoup de la saison 4 !

  5. Oui, la fin de la 2 et le début de la 3eme sont assez enthousiasmants mais les derniers 2/3 sont pitoyables, une vision même en accéléré ne provoque que bâillements. Comprend pas le carton en terme d’audience. Avant de poster des critiques dithyrambiques, ce serait pas mal de voir la série en entier d’abord ou le préciser ? z’êtes journaliste non ? idem pour american horror, vous avez vu que les 3 premiers ? oui, c’est poussif, vulgaire, souvent insoutenable de violence mais la fin est pourtant assez étonnante (limite émouvante concernant un personnage) avec des fulgurances dans la mise en scène et la réal.

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