C’est moi, ou il y a quelque chose qui cloche dans Community ?

Serais-je de mauvaise foi ? Y aurait-il un syndrome post Harmon, une perte d’appétit suite au licenciement du créateur de Community ? Après avoir si longtemps attendu le 19 octobre, après m’être jeté sur le premier épisode de cette saison 4, j’ai perdu mon enthousiasme. J’ai pris deux, puis trois semaines de retard, que j’ai rattrapé sans rire, au mieux en souriant, cherchant, comme un chien cherche son vieil os fétiche, un signe de ce qui m’avait rendu dingue de cette série. Je ne pensais pas à mal, je ne voulais pas fuir, je n’étais juste pas pressé de voir les nouveaux épisodes. Et puis, j’ai croisé un papier de Vulture, où plutôt juste vu son titre, Le concept aux dépens des personnages, où comment la saison 4 de Community révèle de graves défauts dans les trois premières saisons. Un titre inquiétant, qui va plus loin que l’analyse que je voudrais faire ici, mais qui n’est à mon sens pas complètement faux. Je n’ai pas lu ce papier, volontairement, pour vous dire plus honnêtement ce qui, sans doute, cloche dans le Community nouvelle version…

Soyons équitable avec les nouveaux showrunners, Moses Port et David Guarascio : sans doute le génie des débuts de la série, son originalité, son ton, son humour, ses références, bref, le phénomène qu’elle a été, rend difficile une complète objectivité. J’ai mon sac Community, mon t-shirt Greendale, ma peluche Human Being, et le départ de Harmon a été, pour moi comme pour tous les fans, une très mauvaise nouvelle. Je voulais voir Community durer, mais au fond de moi, il y avait un sale type qui se disait que voir la série se ramasser, dans les audiences comme dans sa qualité, donnerait raison aux fans. Un souhait un poil maso, qui, peut-être, me fait voir des défauts là où je ne les aurais jamais vu si on m’avait dit « nan, t’inquiètes, ces épisodes sont signés Harmon. » Ceci étant dit, il y a un truc qui cloche.

En critiquant le premier épisode de cette saison 4, j’écrivais « Port et Guarascio en font un peu trop. Plutôt que de reprendre l’histoire en douceur, pour nous en mettre plein la vue au fur et à mesure, ils se lâchent d’entrée de jeu, comme si deux fans sous amphétamines avaient pris les commandes. » Avec le recul, et cinq épisodes, je crains que ce que je ressentais là était un manque de substance, de chair, dans l’esprit des nouveaux showrunners et de leurs scénaristes. Leur Community en fait des caisses sur le méta, et chacun de ses épisodes est une parodie de quelque chose – de film de maison hantée, de film de guerre, de convention de fans, etc. On croule sous les invités – Malcolm McDowell, Tricia Helfer, Matt Lucas, le retour de Giancarlo Esposito et, il faut l’admettre, un chouette caméo de Jennie Garth et Luke Perry – et les clins d’œil à d’autres séries, à des films, à toute la culture pop… mais en vain.

Les répliques sonnent souvent faux, les acteurs sont mécaniques – surtout Joel McHale, dont on réalise qu’il possède une palette de jeu assez limitée – et même Abed n’est qu’une caricature de lui-même. Les ficelles si folles qui autrefois provoquaient la surprises et le rire semblent désormais énormes. A-t-on appris à les identifier, les connaît-on trop pour qu’elles nous amusent encore ? Est-ce simplement l’effet du temps ? Community aurait du, c’était mon point de vue initial au moment de son retour, se renouveler, prendre des risques, s’inventer un futur différent de ce que Dan Harmon en avait fait. Elle semble pour le moment se contenter de garder les éléments que la critique – et moi le premier – s’acharnait à mettre en avant : Community, c’est super geek, super méta, super absurde, super pop. On devrait être aux anges…

Malheureusement, il manque l’ingrédient qui tenait le tout, tous ces personnages, toutes ces histoires de dingues, toutes ces blagues. Ce que Vulture veut dénoncer, me semble-t-il (promis, une fois ce post terminé, j’irai lire l’article), c’est qu’en fait ce liant n’a jamais été là. Que Community a toujours été un peu artificielle, un peu creuse, un peu désincarnée. Je me souviens avoir eu un débat passionné, sur Twitter, avec une blogueuse qui me reprochait de ne pas avoir perçu la beauté cachée de la série, ses personnages blessés, souvent seuls, coincés dans leur enfance, en conflit avec leurs parents, ses misfits en quête d’une famille. C’était en effet un élément clef pour Dan Harmon, qui ne concevait pas sa série sans toujours garder un œil sur la sensibilité de ses héros, et ce que leurs aventures leur apportaient de réconfort et d’armes pour avancer dans la vie. Et c’est sans doute cela que Community a perdu dans cette saison 4. Scène révélatrice, ce moment de l’épisode 4 où Jeff explique que « la salle d’études est là où est née notre famille. » Un dialogue mal amené, mal écrit, trop vite lâché, mal exploité.

Je n’irai pas aussi loin que (je crois que va) le journaliste de Vulture, mais peut-être Harmon n’a-t-il pas laissé assez d’armes aux nouveaux showrunner pour exploiter ses personnages. Peut-être, sur le papier, Jeff, Britta, Annie, Abed, Troy et consorts sont-ils des héros pas si complexes que ça, sans parler des seconds rôles, dont certains comme le Dean sont de pures figures de style comiques. Peut-être lui seul savait rendre humaine cette histoire, non en écrivant des scènes trop didactiques comme celle décrite ci-dessus, mais en glissant cette épaisseur, cette chair, au cœur même du processus comique de Community. Un équilibre qui tient de l’alchimie humoristique, et qui, je l’espère, sera atteint tôt ou tard par Moses Port, David Guarascio et leurs scénaristes. Sinon, à mon grand regret, je crains de ne plus voir dans une de mes séries préférées qu’une coquille vide…

P.S : J’ai lu l’article de Vulture. Il me semble un peu dur, mais loin d’être complètement faux…

Image de Une : Community (NBC/Numéro23)

8 commentaires pour “C’est moi, ou il y a quelque chose qui cloche dans Community ?”

  1. Je n’ai pas lu l’article non plus, mais non, les personnages ne manquaient pas de substance. C’est même ce que j’aime en premier lieu dans Community. Eux. Mais c’est ce qu’il nous manque maintenant. Je me souviens, avant le départ d’Harmon, d’avoir lu qu’il fallait des épisodes “normaux” pour établir les personnages. Je pense que les nouveaux showrunners sont trop vites partis dans les ficelles connues, en oubliant l’âme des personnages.
    J’ai un épisode qui m’attend, et pas tellement envie d’aller le regarder…

  2. A la lecture de cet article, je suis forcée de constater que ce n’était pas seulement de la mauvaise foi de ma part.

    Dans les saisons précédentes, les personnages étaient à la fois pleins de subtilité et de folie, maintenant il n’y a plus que de la folie (méta-geek-pop) et les personnages sont des caricatures d’eux-mêmes. On voit les ficelles (si fines auparavant) devenues énormes.

    C’est comme regarder un mauvais magicien exécuter un tour. D’abord, on est un peu gêné de le voir se planter. Puis triste, parce que d’un coup toutes les illusions qu’on avait contemplé, ébahi, ne sont plus, pour nous, que de vulgaires trucages.

    Oui, la magie ça n’existe pas, il y avait un truc. Damned !

  3. Je trouve que c’est difficile à déterminer si la série a perdu en qualité. Les personnages sont les mêmes, l’ambiance semble être la même, mais je suis d’accord, quelque chose a changé. Je dois avouer que déjà au cours de la 3ème saison j’avais un peu décroché, et j’avais même cumulé trois ou quatre épisodes de retard. Pour cette 4ème saison il en est de même.
    Et oui, cette 4ème saison est encore en deça. Je suis d’accord avec Pierre Langlais sur le fait que les nouveaux auteurs en veulent faire trop. Ce que je trouve le plus dommage c’est comment ils poussent à bout certains personnages, Abed est trop méta, Troy est trop candide (même si c’est bien drôle quand il s’agit de sous-entendus sexuels), Brita est encore plus insuportable avec l’accentuation de son côté psychologue.
    Mais malgré tout je continue quand-même à me marrer. Certes, les épisodes sont irréguliers, mais il y a quelques scenes, quelques idées qui me semblent toujours fraiches et bien marrantes, peut-être plus qu’une part de la saison 3 de Harmon. Je ne trouve pas nonplus que les personnages soient delaissés dans leur développement, pour preuve l’histoire de Jeff et son père ou la relation amoureuse qu’a Troy (même si j’avoue que ça semble un peu forcé, on comprend pas ce qu’il fait avec Brita).
    Dans tous les cas il faut essayer de sauver l’ecceuil de la glorification d’un passé qui fut toujours meilleur. Biensur, on aimait plus au début, mais c’est que c’etait la nouveauté de ce high-concept qui nous a éblouit. Et puis c’est le lot de toute série de s’user et de descendre dans notre estime, enfin, je pense.

  4. Oui la saison 4 est moyenne (doux euphémisme ?) mais la chute de qualité de Community est bien antérieure au départ d’Harmon. Suite à une première saison vraiment géniale, seuls quelques épisodes ont pu retrouvé ce niveau et me faire rire aux éclats…. ça doit être du à la façon dont le personnage de Chang a changé :-))

  5. Si je suis d’accord avec certains points des deux articles, je trouve cela tout de même un peu facile de cracher sur la série tant adorée “auparavant”, que ça soit seulement la première saison pour certains ou les trois premières.

    Il est évident que la série n’offre plus la même chose, je ne vais pas revenir là dessus, on est tous d’accord.
    Non, ce qui me chagrine, c’est l’impression d’effet de mode qui s’installe comme quoi “Community, finalement, c’est/c’était nul”. Les commentaires sur l’article de Vulture (des gens passionnés/passionnants, s’il en est) sont dans l’ensemble du “j’vous l’avais bien dit” ou du “j’avais remarqué ça depuis un moment”.

    Une sorte de théorie du complot bizarre dont on ne pouvait pas parler avant (avant, quand Community était cool). Alors qu’aujourd’hui, avec ces 5 épisodes décevants (à l’échelle d’une série, c’te galère) on peut vider son sac et ça passera.

    Les fans ont la critique facile. Descendre Community devient le nouveau aimer Community ? Baaaaah. :/

  6. Pour moi la deuxième partie de la saison 1 a été l’apogée de la série, depuis c’est vraiment très inégal et la série n’a pas réussi à me faire autant rire que depuis “Contemporary American Poultry” et “Modern Warfare”. Allez peut être dans “Epidemiology”.
    Parce que la série gardait une cohérence dans son histoire, même si de nombreux épisodes partaient dans des gros délires métas, et c’est pour ça qu’on regardait.
    Il y avait dans l’ensemble une suite logique de l’histoire. Par contre depuis que Chang est devenu fou, c’est vraiment n’importe quoi.
    Dans ce début de saison 4, il y a plusieurs histoires où j’ai l’impression de manquer d’éléments, la relation Britta/Troy qui débarque d’un coup en saison 4, la disparition de Chang (quoi il avait disparu?), Troy censé être dans l’école d’AC repairman mais on en parle plus…
    J’ai revu ce week end les deux derniers episodes de la saison 3 parce je pensais avoir oublié des détails, mais non.

    Mais oui en y réfléchissant les personnages ne sont plus vraiment développés. Annie n’a plus aucune histoire, Jeff qui se montre sentimental ça sonne faux, Pierce devient plus énervant que drôle à être si prévisible… Bon les costumes du Dean sont toujours aussi drôles, mais comme tous les autres, c’est une caricature.

    Je sentais déjà que cette saison serait la dernière, le college c’est que 4ans et je ne vois pas comment ils pourraient continuer l’histoire après. On ne les voit quasiment jamais en dehors de Greendale, dans leur “vraie” vie.

  7. La relation entre Troy et Britta commence pendant la saison 3. On les voit à plusieurs reprises se faire des câlins, des sourires etc. Et surtout dans le dernier épisode on voit que Troy a une chambre pour lui, et Britta vient l’aider à ranger. Chang est allé en prison et en est sortit d’après le Dean. Troy est considéré comme un élu pour les réparateurs, c’est ce qu’il dit dans le dernier épisode, et il le laisse faire ce qu’il veut.

    Ce que je reproche à cette saison est le manque d’épisode normaux ou l’on en apprend plus sur les personnages, leurs relations se développent etc. Et un petit manque d’humour par rapport aux saisons précédentes.

  8. Au fond de moi je sais que je suis d’accord avec cette analyse, même si je me refuse à l’admettre en tant que fan de la première heure …

    Les 5 premiers épisodes de cette 4 ème saison m’ont fait l’effet d’un reste de pizza froide un matin de gueule de bois : on la retrouve avec plaisir mais tous les ingredients sont secs et cartonneux.

    J’aimerai quand même mettre un bémol à cet article basé sur les 5 premiers épisodes : l’épisode 6, que je vient de regarder, me semble un peu meilleur ! ( Non ce n’est pas de la mauvaise foi d’amoureuse inconditionnelle ).
    On est pas dans un “Grand episode d’anthologie” mais j’y ait perçu un souffle plus leger dans l’écriture déjà un peu présent dans l’épisode 5 selon moi. Une intrigue autour de Chang qui, si elle peut paraitre rébarbative à certain, est intéressante.

    Je pense que la délicate alchimie comique de Community demande du temps pour qu’un scénariste la maitrise pleinement. D’ailleurs les premiers épisodes de la saison 1 étaient très très moyens, ce qui m’a forcé à souler nombres d’amis en leur disant “Mais tu vas voir, au bout de 10 épisodes ça devient vraiment bien”.

    Laissons les auteurs s’installer dans cet univers, se sentir libre d’exploiter leurs propres délires et non les fantômes de Harmon.

    Moi j’y crois encore !!!

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