Le Visiteur du Futur, saison 3 : Interview de François Descraques

Plébiscitée sur la toile depuis son lancement en 2009, la websérie Le Visiteur du Futur, comédie SF sur les traces d’un voyageur temporel qui veut empêcher l’Apocalypse, revient pour une saison 3 ce dimanche, sur le Studio 4.0, la plateforme de créations en ligne de France 4. Après un visionnage des deux premiers épisodes (réussis) de ce troisième volet, j’ai pu discuter un moment avec le créateur du Visiteur, François Descraques.

Cette saison 3 est sous-titrée « Les Missionnaires. » Une histoire de religieux ?
Non, c’est juste qu’on parlait tout le temps des « missions » du Visiteur, et que quand ces nouveaux personnages sont apparus, qui eux aussi font des « missions », je ne suis pas allé chercher très loin : je les ai appelé Les Missionnaires. J’aime bien le double sens du mot, qui fait aussi penser à la religion, et aux dérives qui sont venues de ce qu’étaient les missionnaires chrétiens. C’est un terme ambigu… surtout si on pense que « missionnaires », ça fait un peu aussi penser au cul.

Et qui sont ces Missionnaires ?
Il faut attendre l’épisode 3, où tout est expliqué. Dans le premier, on comprend qu’ils recrutent des gens. Dans le deuxième, on réalise qu’ils veulent contrer tout ce que fait le Visiteur, et dans le 3 on explique leur mission, qui est simple, mais qui va remettre en question tout ce que fait le Visiteur…

Pourquoi les Missionnaires ont un nom d’équipe, et pas le Visiteur, Raph, Judith et Mattéo ?
J’ai voulu faire ça au début… et puis je me souvenu qu’ils le faisaient tout le temps dans Kaamelott, avec les Petits Pédestre, les Semi-Croustillants, etc. Je me suis dit, si on fait nous aussi des noms d’équipe foireux, ça va faire plagiat. Et puis, ça fait partie de l’ADN du Visiteur de ne pas donner de noms, de ne pas en avoir non plus, d’être ambigu sur la dénomination des choses.

Cette saison 3 a l’air plus feuilletonnante encore que les deux premières…
Absolument. Les deux premières saisons ont été écrites au fur et à mesure, et on se laissait un peu porter. Là, il n’y a qu’une seule ligne directrice, une seule et même histoire, avec des cliffhangers et une narration suivie, autour des Missionnaires, en dix parties.

Ça n’a pas l’air d’empêcher, en tout cas au visionnage des deux premiers épisodes, de faire apparaître des personnages secondaires qu’il faut empêcher de créer une « petite catastrophe », comme il est dit dans la bande-annonce…
C’est un peu comme dans la saison 2. Les prédictions du Visiteur sont le point de départ de l’histoire, mais ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Ça sert a réexpliquer le boulot du Visiteur, mais je préfère ensuite développer les complications de la mission, entre les personnages, etc.

Le Visiteur du Futur : Les Missionnaires… par Studio-4-0

Dans un gros mois, c’est la fin du monde. Vous comptez intégrer cette prévision maya dans le scénario ?
Quand on commencé à écrire la saison, on s’est dit que ça allait être super de sortir en même temps que l’Apocalypse… et puis on s’est rendu compte qu’on allait commencer avant la fin du monde, mais qu’on devait finir après ! Vu qu’à mon avis, ça va être comme le « bug de l’an 2000 », tous les gens auront oublié ça dès le 22 décembre, on n’a pas voulu en faire tout un plat, et plutôt glisser la référence subtilement. Donc, dans le premier épisode, le personnage que joue Simon Astier demande à un des personnages si 2012 c’est bien la fin du monde, et il lui répond : « Non, c’est le début de la fin du monde. » Qui aura lieu dans environ 300 ans.

L’Apocalypse est tendance en ce moment, The Walking Dead, Revolution, on en parle partout, y compris dans Le Visiteur du Futur. Quel genre d’Apocalypse est celle du Visiteur ?
C’est une fin du monde provoquée par les hommes. Ce n’est ni un truc divin, ni un événement brutal comme dans The Walking Dead. Ce qu’on dit, c’est que les individus, dans leur quotidien banal et insouciant, provoquent indirectement la fin du monde. L’Apocalypse vient pour moi de notre habitude à nous concentrer sur nous même. Quand un type comme le Visiteur déboule en nous demandant d’arrêter d’être heureux pour sauver le monde dans 500 ans, ce n’est jamais convaincant. Les hommes ne veulent changer les choses que si elles les concernent directement.

Dans cette saison 3, tout le monde est en couple, sauf le Visiteur…
Ah, mais le Visiteur est lui aussi en couple, avec Henry Castafolte. Même si c’est une autre forme de couple… C’est important de faire évoluer les personnages, et à force de cohabiter, il fallait bien qu’il se passe quelque chose entre eux. Ça marche aussi dans la vraie vie. Dans la saison 2, le défi pour Raph, c’était de séduire Stella. Maintenant qu’ils sont en couple, c’est amusant de voir comment il va tenir l’équilibre entre sa vie de couple et ses « missions. » Stella s’en fiche de ce « job » qui ne paye pas. Elle ne connaît pas le futur, elle ne voit pas le côté concret des missions du Visiteur, mais c’est pourtant la plus maligne, qui trouve parfois les solutions à la place de Raph et des autres – c’est en fait la moins bête d’entre tous.

Simon Astier tient un rôle dans le premier épisode (il incarne un glandeur « victime » du Visiteur, ndlr). Le reverra-t-on dans les épisodes suivants ?
Oui. Au départ, il est venu faire un seul épisode, car je n’étais pas sûr que ça lui plaise. Quand il m’a dit qu’il avait aimé, je l’ai ajouté aux scénarios futurs. Grâce à lui, on a je crois les scènes les plus marrantes de la série.

Va-t-on voir d’autres invités ?
Oui, quelqu’un qui est très connu dans le milieu des jeux vidéo, qui s’appelle Benzaie, qui intervient sur internet et sur la chaîne Nolife, et Yacine, du Jamel Comedy Club, dans un rôle à contre-emploi. Au-delà, on ne veut pas trop charger la série, qui a déjà beaucoup de personnages.

Cette saison fait 10 épisodes de 13 minutes, la saison 2 avait 15 épisodes de 9 minutes environ, la première 22 épisodes de 4 minutes environ…
C’est une évolution qui est venue naturellement. Dans la saison 1, les situations étaient très simples, et se résolvaient rapidement. C’était facile de tout faire tenir en 3 minutes. Avec l’arrivée de plus de personnages, on n’a pas pu tout faire tenir en 6 minutes. Du coup, on s’est rendu compte que 12 ou 13 minutes, c’était parfait. L’idée reste qu’au final, en mettant les épisodes bout à bout, ça fait un long métrage.

Pourquoi ne pas aller jusqu’au format sitcom, à 26 minutes ?
J’aimerais bien, mais si on est diffusé que sur internet, 26 minutes, c’est trop long. On a atteint les limites de la toile avec 12 minutes.

Et si vous faisiez un coup à la Kaamelott, passer de la comédie courte au drame long ?
Je suis fan des dernières saisons de Kaamelott, qui sont les plus sombres, mais qui contiennent aussi les passages les plus drôles. Il y a un contraste qui se créé. Dès qu’il y a de vrais enjeux, du vrai drame, la moindre connerie ressort mieux que jamais. C’est une orientation que j’aime beaucoup, mais je ne sais pas si ça collerait au Visiteur. Certaines personnes trouvent que cette saison 3 est la plus drôle, d’autres qu’elle est glauque, qu’il y a trop de pression, que les gens y ont l’air malheureux. Moi, je vois les deux, mais surtout plus de subtilité, et un vrai jeu entre premier et second degré. Ceux qui prennent tout au premier degré trouvent ça sombre, ceux qui vont au second degré s’éclatent. Plus la saison avance, plus elle est sombre. Idéalement, on a atteint un bon équilibre entre grosse rigolade et tension dramatique.

Oserez-vous tuer un de vos personnages ?
(Rires). Ah. Comment répondre à cette question ? Disons que la série tend dans ce sens. Je suis frustré quand je regarde une série où les personnages se mettent en danger, frôlent la mort, mais ne meurent jamais. C’est de la triche. Je ne veux pas tomber dans le Game of Thrones, où tout le monde peut mourir à n’importe quel moment, genre hécatombe, mais je voudrait me rapprocher de ce que fait Joss Whedon. Je suis un fan de son écriture, où il se permet de tuer des personnages intelligemment, pour prouver qu’ils ne sont pas inatteignables, qu’ils ne vivent pas dans un cocon… Enfin, on pourra en reparler en fin de saison…

Les Opérateurs, votre autre série, arrivent à la télé sur France 4 lundi à 20h30. Le Visiteur du Futur pourrait-il lui aussi avoir droit à une diffusion sur le petit écran ?
On n’en a jamais discuté directement, même si ce n’est pas exclu. Le Studio 4.0 est un laboratoire où on teste des choses, donc pourquoi pas… mais on ne m’a rien dit de précis, on ne m’a rien promis.

Le Visiteur du Futur, saison 3, « Les Missionnaires », 10x13mn, à partir du dimanche 18 (vers 18h) sur le Studio 4.0, http://www.france4.fr/studio-4-0/