Ce week-end, j’étais au MIPTV, à Cannes. C’est là que les producteurs et les distributeurs du monde entier viennent (essayer de) vendre leurs programmes, du jeu japonais cinglé à, et c’est ce qui nous intéresse, la série télé. Dans la liste des inédits sur nos écrans, on m’a proposé une interview avec le créateur et les actrices de Femme Fatales, une anthologie de Cinemax (la petite cousine d’HBO) qui s’inspire des films noirs des années 40 et des “pulp fictions”, celles-là même qui ont inspiré le film de Tarantino. Comment refuser de passer 30 minutes enfermé dans une luxueuse chambre d’hôtel avec 6 femmes fatales ? Ces trente minutes là, dont on reparlera, ont été précédées d’une autre demi-heure, en compagnie de Mark Altman, le créateur de l’anthologie, qui a notamment bossé sur Necessary Roughness, Castle et une poignée de films d’horreur.
Vous êtes au courant qu’on dit “femmes fatales”, avec un “s” à femmes ?
Oui, je sais, mais cette faute de grammaire n’est pas de notre ressort. L’anthologie s’inspire d’un magazine américain qui existe depuis une vingtaine d’années, et qui s’appelle “Femme Fatales.” On a du garder la marque…
Femme Fatales semble s’inspirer d’un cinéma de série B, très “old school”…
Mon inspiration, ce sont les films noirs des années 40, comme Le Samouraï de Melville. Ce sont ses racines, mais nous avons évidemment modernisé le genre, nous sommes dans des couleurs très marquées et non plus en noir et blanc. Nous travaillons beaucoup sur le look de la série, même si nous avons à peu près le budget de la cantine de True Blood. Les films noirs avait un côté fauché, il y faisait très sombre aussi faute d’éclairage, du coup ce n’est pas paradoxal.
Il y a aussi une bonne dose de “pulp” dans ce que vous faites, non ?
Absolument. Pas tant le film de Tarantino que les bouquins de la “pulp fiction.” Les comic books nous inspirent aussi beaucoup. L’ADN de Femme Fatales est très composite, il est le résultat des discussions entre scénaristes, de leurs inspirations : le film noir, les pulp fictions, les comic books, mais aussi la “screwball comedy.”
Pourquoi avoir opté pour le format de l’anthologie ? Pourquoi pas une série ?
Nous sommes d’immenses fans de la Quatrième dimension et de Alfred Hitchcock Présente, et c”était en quelque sorte un défi pour nous. Nous voulions ressusciter ce format presque disparu à la télé… même si même Spielberg s’y était cassé les dents avec Amazing Stories. Par ailleurs, si chaque épisode est un “stand alone”, un film à part, tout se déroule dans un même univers, dans un coin du Costa Verde, et certains personnages apparaissent dans plusieurs films. Donc l’anthologie a une unité de temps et d’espace.
Qui dit pulp fiction dit violence et sexe. Surtout quand on s’appelle Femme Fatales…
En fait, la censure était bien plus stricte il y a 40 ans, et pire encore il y a 70 ans. Ça rend le résultat plus sexy encore quand tout ça est suggéré. Nous avons beau être diffusés sur une chaîne du câble, et tard, mais nous ne voulions pas faire du cul pour du cul. Nous faisons le maximum pour que le sexe ait un sens, qu’il s’inscrive dans l’histoire, un peu comme dans Le Dernier tango à Paris. Le sexe est nécessaire. C’est à peu près la même chose pour la violence. Certaines scènes castagnent, des personnages se font tuer, mais vous ne verrez jamais une cervelle exploser !
Vous arrivez en plein dans une “mode” des femmes fortes, des personnages comme ceux de Alias, de Nikita ou encore de Covert Affairs. Vos femmes sont-elles plus fatales encore que ces héroïnes ?
Non, je ne crois pas, elles sont toutes d’un univers où les femmes trouvent un équilibre entre vie affective et force, famille et castagne. Nous avons pas mal de fans de Femme Fatales chez Bad Robot, la boîte de J.J. Abrams qui faisait Alias ! Avant, les gens trouvaient les femmes fortes menaçantes, mais les temps ont changés et les hommes sont désormais attirés par des femmes plus dynamiques. A la différence de la majorité des films des années 40 et 50, où les femmes attendaient gentiment leurs maris à la maison, les films noirs avaient justement des personnages féminins forts, très modernes.
La “pulp fiction” commente souvent la société. Femme fatales le fait-elle ?
Disons que le monde dans lequel se déroule la série est aussi dur que le notre, c’est un monde en crise. Nous ne sommes pas une série politique, mais entre les lignes vous verrez que nous sommes libéraux (donc, de “gauche”, à l’américaine, ndlr). Pas question de faire de la politique pour autant…
C’est un genre où il faut en faire des paquets, non ? Surjouer un petit peu ?
Il faut trouver l’équilibre entre surréalisme et grotesque. Notre monde est une “hyper réalité”, tout y est exagéré, l’action, les femmes, plus glamour encore, c’est un monde hors du temps, moderne mais truffé d’éléments du passé, de vieux téléphones, de bâtiments d’il y a un siècle, etc. C’est par ailleurs vrai que le genre pulp se repose sur des dialogues souvent exagérés. Ajoutez à cela que nos épisodes ne durent qu’une vingtaine de minutes et que du coup tout est très resserré, condensé, poussé. Le résultat n’est pas facile à jouer, il faut des actrices capables de tenir cet équilibre fragile. Nous avons eu l’aide de guests qui maitrisent le genre, comme Eric Roberts et Robert Carlyle.
Vous avez le téléphone de Quentin Tarantino ?
(Rires). Quand je dois décrire en un mot la série, je dis qu’elle est “tarantinesque” ! J’ai eu la chance de la croiser récemment. Reservoir Dogs est un de mes films préférés. Je ne sais si il a vu Femme Fatales, mais s’il veut venir réaliser un épisode, il est le bienvenu !
Image de Une : Femme Fatales (EOne/Cinemax)