Toutes les séries sont pleurées. Même celles qui dégagent au bout de deux épisodes et que personne n’a regardé. « Personne », ce sont parfois quelques millions de fans, inconditionnels de tel acteur, de tel scénariste, de tel univers. « Personne », ce peut être aussi une noyaux de spécialistes du buzz, de journalistes influents, déçus de voir une série réussie disparaître faute d’audience. Sur le câble, « personne » peut suffire car le prestige peut valoir le chiffre. Personne ne regardait The Wire. On connaît la suite. Sur les network, en revanche, « personne » ne fait pas le poids. Et la série est annulée. Sauf que, récemment, deux chaînes semblent vouloir jouer les ferrailleurs, et redonner une chance aux séries que « personne » ne regarde : DirecTV et Netflix.
Netflix, qui va ainsi ramener à la vie la culte Arrested Development, dont le développement avait été arrêté un peu trop tôt aux goûts des fans – et de la critique – vient de laisser tomber Terra Nova, qui lui plaisait aussi. Elle préfère attendre, tel un vautour cathodique, que The River se fasse lâcher par ABC. DirecTV, elle, a déjà royalement ressuscité Friday Night Ligthts et Damages, deux « media darlings », comme on dit, des chouchous de la critique.
Le phénomène ne date pas d’hier. Dès les années 60, les séries ont glissés de chaînes en chaînes, « sauvées » par l’une quand l’autre lâchait prise. Ainsi, plusieurs dizaines de séries ont changé de network comme Wonder Woman (ABC à CBS) Matlock (NBC puis ABC), Scrubs (NBC puis ABC aussi), JAG (NBC à CBS) ou Medium (aussi NBC puis CBS), ou, plus souvent, sont passées d’un network vers le câble comme Supercopter (si si, de CBS vers USA), Southland (de NBC à TNT) ou Futurama (Fox à Comedy Central) – les cas de câble à câble existent aussi, comme Stargate, de Showtime à SyFy.
Ce qui change, avec DirecTV et Netflix (pas exactement une chaîne, mais le paysage télévisuel évolue et le fournisseur de contenus en Streaming/VOD sera bientôt un média à part entière), c’est qu’elles se font un nom sur cette pratique. Qui connaissait le bouquet satellite DirecTV de notre côté de l’Atlantique avant son rachat de Friday Night Lights ? Netflix, qui a lancé des projets ambitieux, notamment House of Cards, la première série de David Fincher, se sert tout autant de son côté ferrailleur pour affirmer son identité.
Ces ferrailleurs sériels devraient intensifier leur récupération dans les années à venir. Les séries sont de plus en plus souvent annulées tôt, et certaines œuvres n’ont pas le temps de s’épanouir. Les remettre sur pieds et leur donner du temps, c’est faire un pari risqué, mais bien plus simple que de lancer son propre programme : tout est en place, l’histoire existe, les fans sont là… ne reste plus qu’à bien utiliser le matériel. Avec un DirecTV actif, Lone Star aurait pu continuer (dans nos rêves). Avec un Netflix fort, qui dit que Firefly ne reviendra pas ? (Ok, Whedon ne voudra pas, mais vous voyez l’idée). A ce petit jeu là, on peut même imaginer un retour de Profit ou de Twin Peaks (ce post vire au blasphème, je m’arrête là).
Ce que ces chaînes ont compris, c’est que les networks abandonnent de plus en plus souvent de beaux morceaux de viande sérielle à peine grignoté. Appelons-les des ferrailleurs ou des chacals, mais si Friday Night Lights, Damages ou Arrested Development peuvent revivre grâce à eux, le petit jeu de massacre des grandes chaînes, reines de l’annulation, va peut-être devenir un peu moins pénible…
Image de Une : Arrested Development (Netflix)
Que ce soit FNL ou House of cards, elles n’ont pas encore débuté sur Netflix ?
Le calendrier est connu ?
@McNulty : FNL était sur DirecTV, pas Netflix. Pour ce qui est de “House of Cards”, on parle de fin 2012.