Le vrai père de Dexter

Dexter, avant d’être un héros de série, est un personnage de roman. Je n’ai personnellement lu qu’une poignée de pages de ses aventures de papier, mais elles ont inspiré, au départ, Clyde Phillips et sa clique, responsables des très chouettes premières saisons de Dexter. Le vrai créateur de Dexter Morgan s’appelle Jeff Lindsay, et il écrit pénard ses romans, en Floride, loin de l’agitation médiatique qui entoure la descendance télévisuelle de son œuvre. Alors que sort aujourd’hui en poche (chez Points) Ce délicieux Dexter, et en attendant Double Dexter (chez Michel Lafon) en 2012, j’ai pu discuter avec le romancier, bon vivant à la voix étonnement proche, dans ses intonations, de celle de Dexter — je m’en rends compte en écoutant l’enregistrement.

Ça ne vous agace pas un peu qu’un spécialiste des séries vienne vous em… avec la série télé Dexter ?
Disons que je le supporte. Ça ne me gênerait pas qu’un peu plus d’entre vous aient lu le bouquin, mais pourquoi pas parler de la série, qui me permet de vendre plus de livres… et qui est bonne, ce qui n’est pas si fréquent.

N’est-ce pas frustrant de sentir que pour la majorité des gens, Dexter est une série ?
Je sais qui est le vrai père de Dexter. Je n’ai pas besoin que la planète me connaisse. Je me concentre sur mon écriture. Je ne suis pas millionnaire, mais je peux me payer une bonne bouteille le vendredi soir… et bosser en slip depuis ma maison, sans me taper des réunions à longueur de journée et me farcir des types que je supporte pas. Je suis pénard, j’ai la belle vie.

Quand vous avez inventé Dexter, avez-vous pensé qu’il ferait un bon personnage de série ?
Non, jamais. Je ne pensais même pas qu’il pourrait être populaire en librairie, alors à la télé ! Si vous m’aviez dit ça, j’aurais trouvé ça stupide. Qui voudrait regarder une série sur ce type ? En revanche, je fantasmais une adaptation ciné, avec Johnny Depp dans le rôle titre… mais mon agent m’a dit qu’une série, ce serait mieux pour l’exposition médiatique. Et il avait raison.

Vous voulez dire que, pour vous, Dexter ressemble plus à Johnny Depp qu’à Michael C. Hall ?
C’est dur à dire, parce que maintenant je vois la tête de Michael quand je pense à Dexter… C’est juste que Johnny Depp est plutôt doué pour les personnages étranges, inhabituels, alors je l’aurais bien vu en Dexter.

Si on met de côté les raisons financières, qu’est-ce qui vous a poussé à laisser Dexter partir pour la télé ?
En fait, l’argent n’a jamais été un facteur décisionnel, car la somme que j’ai touché dans cette affaire n’est pas très importante. Quoi qu’il en soit, je considère que l’argent n’est pas important, sauf quand vous en manquez… Honnêtement, je me suis juste dit qu’il y avait une chance que Dexter devienne une bonne série, et j’ai conscience qu’à la télévision, la chance est mince quand vous faites une adaptation. Je me disais qu’il y avait là de quoi faire au moins deux saisons…

Quelle a été votre implication dans l’écriture de la série, et quelle est-elle aujourd’hui ?
Au départ, je croyais qu’ils utiliseraient un livre par saison. En fait, ils se sont débrouillé seuls… et du coup ils ont fait de grosses économies sur les droits d’auteur (rire jaune, ndlr). Donc, je n’ai été consulté que sur la première saison. Puis, ils m’ont invité aux premières soirées où était nominée la série. Depuis, je suis en bons termes avec les producteurs, mais ça ne va pas au delà.

Vous regardez la série ?
Oui. J’en suis à l’épisode 3 de la saison 5, j’ai pris un peu de retard suite à un voyage l’an passé.

Sentez-vous que le Dexter de la série évolue différemment de celui de vos livres ?
Ce sont indéniablement les mêmes personnages. Bien entendu, ils ne prennent pas les mêmes virages, mais au fond ce sont les mêmes. La télé est obligée de faire les choses différemment, et de laisser croire que Dexter peut être sauvé, atteindre une certaine rédemption. Ce qui est impossible. Il est né psychopathe, et il mourra psychopathe.

Vos livres seraient donc plus sombres que la série ?
Plus sombres, et plus drôles. Je trouve que la série s’est trop éloignée du côté comique des bouquins, qui est essentiel à mes yeux.

Sur tous les livres français, il y a la tête de Michael C. Hall. Je déteste ça, ça transforme le bouquin en produit dérivé et ça vous force à voir Hall quand vous le lisez. Vous en pensez quoi ?
J’aimais bien la couverture du premier volume aux Etats-Unis : une trace de sang en forme de smiley. Grotesque et drôle à la fois, tout ce que j’aime.

Votre Dexter a-t-il une fin prévue ?
J’ai deux idées en tête : dans la première, Dexter doit disparaitre après un crime affreux. Il change d’identité et s’en va loin de Miami. Dans la seconde, il est condamné à mort… pour un crime qu’il n’a pas commis ! Une ultime blague, en quelque sorte.

Images : Dexter (Showtime/Canal+), Jeff Lindsay.

3 commentaires pour “Le vrai père de Dexter”

  1. Tous les livres en français n’ont pas de tête de M C Hall, les premiers étant sortie avant la série ? (sauf si réédition bien entendu)

  2. Je n’ai pas lu les bouquins, néanmoins je ne vois pas du tout le héros de la série dans une recherche de rédemption, et en fait j’y vois la figure du psychopathe comme une allégorie de l’enfance. Ce qui fait que j’attends une fin non pas par rapport aux meurtres, que ce soit dans leur arrêt, leur condamnation ou autres, mais plutôt dans l’ouverture du personnage, dans son acceptation de son incomplétude de l’opportunité d’une émancipation, d’une autonomie au sein d’un champs d’interdépendances. A noter que la dernière semble s’étouffer justement, avec une répétition du Dexter papa/Dexter flic/ Dexter meurtrier… c’est barbant et il ne semble pas très impliqué: ok Dexter est un psychopathe, mais pas le télespectateur. Je vois le thème de la religion, après une 5è saison courageuse qui a

  3. (oups j’ai rippé, désolé) qui a évité le piège du réalisme et de la cellule familiale (thème épuisé), comme une régression.

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