Approche de Noël, période post-rentrée littéraire ou coïncidence, j’ai reçu ces dernières semaines un paquet de bouquins liés aux séries, analytiques, romancés ou produits dérivés plus ou moins foireux. Au risque de passer pour un critique littéraire, je me suis dit que j’allais essayer de donner mon avis sur ces livres Je n’ai pas lu toutes leurs pages, mais je les ai consulté sérieusement, en spécialiste des séries avant tout – que les amoureux de bonne littérature ne prennent donc pas à la lettre ce que je m’apprête à écrire.
God Hates Us All, de Hank Moody.
En fait, c’est un certain Jonathan Grotenstein qui a signé ce bouquin que tous les fans de Californication connaissent, mais qui n’existait que dans la réalité sérielle. Maintenant, il existe aussi dans notre réalité. Dieu nous hait tous est censé être un best-seller dans la ligne droite de Buckowski, une autobiographie rageuse qui dans la série a fait de Hank Moody une icône littéraire. Fermé, le bouquin ressemble en tous points à ce qu’on voit dans la série – sauf la photo de quatrième de couv’, où Hank est étonnement remplacé par sa famille (on ne voit donc pas la tête de « l’auteur »…). A l’intérieur, c’est une autre histoire. On est bien loin d’un chef d’œuvre, même pas d’un bouquin qui mériterait qu’une fille se jette nue sur Hank… Pas désagréable pour autant, God Hates Us All est une belle compilation de dérapages, d’histoires de cul, de coke et d’accidents. Rock’n’roll, mais surtout marketing. Pas grave, on ne vous demande pas de le lire. Posez-le juste sur votre bibliothèque, vous aurez l’air d’un geek.
Aux éditions Florent Massot, 190p., 12€.
Le Playbook, de Barney Stinson et Matt Kuhn.
Là, le nom du vrai auteur est sur la couverture, en plus petit et sans photo, contrairement au faux auteur, affiché en gros. Matt Kuhn est scénariste sur How I Met Your Mother, et c’est déjà lui qui a signé le Bro Code. Autant le dire, si vous êtes bilingue, lisez la V.O. Le Playbook, comme le Bro Code, souffre terriblement de la traduction. Les fans perdent les mots clefs « bro » ou « wingman », ce qui est triste, mais le pire, c’est la vulgarité du résultat en français, parfois accablante. Difficile aussi de prendre au second degré (ce qu’il faut faire, bien entendu) ce bouquin qui prétend vous apprendre des techniques de drague dont l’élément clef est… la connerie des femmes en général. C’est assez laid, assez con, parfois drôle mais jamais comme la série. Bref, c’est un pur produit dérivé. Si vous avez déjà le Bro Code, ça suffira pour votre bibliothèque. Si vous ne l’avez pas, achetez-le. Seuls les fans hardcores de How I Met Your Mother ont besoin de ce Playbook.
Aux éditions Florent Massot, 141p., 9,90€.
The Wire, reconstitution collective, de Kieran Aarons, Emmanuel Burdeau, etc.
Rien. A. Voir. On oublie les produits dérivés. Ici, on parle sérieusement – ce qui n’empêche pas l’humour – de la plus grande série de tous les temps, The Wire. En cinq textes (autant de saisons), cinq auteurs pointus, universitaires, profs ou journalistes, décryptent le boulot de David Simon et consorts, sur le fond et la forme. Pour citer la quatrième de couv’, « [la série] porte un regard à la fois englobant et singularisé sur la société néolibérale, pose la question de l’action individuelle et collective dans un monde marqué par un degré extrême de stratification sociale et tente de repolitiser l’espace privatisé, aseptisé et standardisé de la télévision. » Mieux vaut connaître la série pour profiter pleinement de ces analyses. Un conseil : offrez ça à votre grand oncle, qui pense que les séries, c’est pour les cons. Il n’y pigera rien, mais ça vous fera bien marrer.
Aux éditions Capricci / Les Prairies Ordinaires, 170p., 16€.
Dictionnaire des séries télé, sous la direction de Niels C. Ahl et Benjamin Fau.
Chouette, un dico. Un beau pavé, en plus, plus de 1000 pages, plus de 3200 entrées, dont « la totalité des séries diffusées en France depuis l’origine de la télévision », présentées avec précision et humour (même si on se doute bien que les auteurs n’ont pas tout vu), les termes techniques décryptés, etc. Donc, chouette. A un petit détail prés, discutable : les auteurs ont choisi de donner leur avis. De faire, donc, un dictionnaire critique (ce que dit la couverture dans un macaron). Or, la critique étant subjective, on n’est pas obligé d’être d’accord avec les auteurs, qui refusent à Breaking Bad ou Mad Men la note maximale (sous prétexte qu’une série en cours de diffusion n’a pas le droit d’être un chef d’œuvre ?), et leur colle la même note que Prison Break et Mafiosa. C’est un détail, et l’ouvrage est de qualité, mais ça agace quand même…
Aux éditions Philippe Rey, 1044p., 39€
50 Questions sur Les Experts, de Guillaume Regourd.
Déontologique précision : Guillaume est un collègue et ami, un ancien comme moi de Générique(s). Ça n’enlève rien aux qualités de son bouquin. On ne peut guère faire plus complet sur Les Experts, et le faire avec assez d’intelligence pour ne pas tomber dans la promotion facile d’une série non sans défauts. Guillaume n’est pas allé faire un grand entretien à L.A avec Zuiker et Bruckheimer, aussi reste-t-on dans la pure analyse et la pure info à distance – avec quelques éléments forcément datés, puisqu’à l’époque il ne pouvait savoir que Ted Danson remplacerait Laurence Fishburne. Si vous aimez la série, foncez. Si vous vous en foutez, jetez tout de même un coup d’œil à cette petite histoire très complète des Experts (les « 50 questions », c’est pour la forme).
Aux édition Chemins de [email protected], 135p., 20€
Séries, une addiction planétaire, de Charlotte Blum.
Au poids, ce beau livre bat le dico des séries. C’est dire. La couverture délavée est assez moche mais, à l’inverse de God Hate Us All, ce qui compte est dedans. Soit une compilation inégale mais foisonnante d’articles, d’histoire des séries, d’interviews et d’analyses, à picorer comme un album photo – pour la nostalgie – et comme une anthologie – pour se cultiver. Le spécialiste appréciera les interviews les plus techniques, comme celle d’un cartographe qui s’est acharné à reproduire l’île de Lost, le novice en apprendra plus dans les papiers de présentation des grandes séries de l’Histoire. On regrettera quelques photos de médiocre qualité et des montages assez moches – pour gonfler la taille du bouquin ? – mais l’ensemble est de belle tenue et fera son effet dans votre bibliothèque… si vous avez de la place (c’est encombrant).
Aux éditions de la Martinière, 300p., 35€.
Image de Une : therecycledlibrary.blogspot.com
Bien vu pour Mad Men et Breaking Bad concernant le dico des séries, qu’on aime beaucoup ou moyennement ces deux séries, elles méritent largement la note maximale. A croire que les auteurs ont voulu “se les payer” (pour se faire remarquer ?).
moi qui ne regarde plus les experts depuis bien longtemps… j’ai été bien surpris de Lire “Ted Danson”… le voyant dans Bored to death j’ai du mal à me l’imaginer là tout de suite ^^
Le livre sur The Wire est bien tentant. En tout cas, je suis ravi que cette série fasse l’objet d’études approfondies. Elle le mérite et il y a largement de quoi réfléchir dessus lol.