Au fait, c’est quoi une série ?

Ça fait quatre ans que je passe mes journées à voir, parler et écrire séries, et je viens juste de m’en rendre compte : je ne me suis jamais risqué à l’exercice périlleux de la définition de ce qu’est une série. Il existe presque autant de définition du mot « série » que de couleurs. Une quasi infinité. La plupart des dicos en sont encore à « feuilleton écrit pour la télévision », ce qui ne colle clairement pas, les séries étant sorties de l’air du feuilleton depuis belle lurette. Il faut donc tenter sa propre définition, sans avoir la prétention d’avoir raison, pour le jeu. Allez, hop !

Avant toute chose, causons format : messieurs des chaînes de télé et des magazines (y compris ceux qui me font bosser), une fiction de deux épisodes n’est pas une « minisérie. » C’est un téléfilm en deux parties. Un téléfilm est un film écrit pour la télé, divisible en deux parties s’il est long (ou si son histoire le demande). Même si chacune des deux parties font 5h, ça restera un téléfilm. Découpez cette même histoire en 4 épisodes, et vous avez une « minisérie. » La minisérie est une forme courte (plus de 2 et moins de 12 épisodes en général) et close (une seule saison), qui peut être 100% feuilletonante, et peut être une sorte de long film découpé en épisodes. C’est en général regrettable, mais on lui pardonnera. Tout ça ne nous dit pas ce qu’est une série, mais la définition par l’opposition a du bon.

Maintenant qu’on sait ce qu’est un téléfilm et une minisérie, j’aimerais prendre un peu plus de risques, et dire ceci : Joséphine ange gardien n’est pas à proprement parler une série. Du moins, pas selon mes critères de régularité. Une série doit être programmée régulièrement, à jour et horaire fixe – sauf décision, d’une saison à l’autre, de changer de case. Libre au téléspectateur de ne pas la consommer telle quelle, de voir une saison d’un coup, ou par paquet d’épisodes. Ça ne change rien à la nature de l’œuvre. Une fiction télé dont les épisodes indépendants les uns des autres sont diffusés à dates décidées par la chaîne, une fois par mois, parfois moins, ce n’est pas une série : c’est une suite de téléfilms. Les Américains, qui s’y connaissent en définition – ils appellent les émissions de télé-réalité « unscripted series », « série non-scénarisée » – ne cherchent pas à appeler Jesse Stone, une excellente suite de téléfilms policiers avec Tom Selleck, une « série. » Mais, il faut l’avouer, la frontière est fragile. Si Mimi Mathy revenait chaque lundi, alors Joséphine serait bien une série.

Enfin, il faut enlever du champ purement sériel les « collections. » S’il n’y a pas de personnages récurrents, pas d’arcs narratifs, mais juste un lien entre les fictions (adaptations des romans d’un même auteur, thème unique), ce n’est pas une série.

Une fois ces quelques précisions posées, on peut tenter une définition de la série télé. J’entends par là de ce qu’elle est, pas de comment elle est faite – la manière de faire une série est carrément impossible à définir. Allez, je me lance :

« Une série télé est une fiction télévisuelle découpée en saisons, elles-mêmes découpées en épisodes diffusés à jours et heures réguliers, et dont les héros récurrents s’inscrivent dans une continuité narrative. »

Voilà une première définition minimaliste, qui exclut de fait les miniséries (qui n’ont qu’une saison) – précisons qu’une série qui serait annulée après une seule saison reste une série, puisqu’elle avait pour but de développer son histoire sur plusieurs saisons – les téléfilms et les collections. La notion de « continuité narrative » peut être accessoire dans le cas d’une série à épisodes clos (mais dont l’univers restera cohérent, ce qui sous-entend forcément une continuité) ou capitale si l’on parle d’un feuilleton comme Lost.

Voilà, ça vaut ce que ça vaut, mais j’ai essayé. Ai-je oublié quelque chose ?

8 commentaires pour “Au fait, c’est quoi une série ?”

  1. La définition en gras réveille mes traumatismes post-partiels : j’ai cru qu’il fallait l’apprendre par cœur.

  2. Moi j’ai un probleme avec la definition americaine de la tele-realite comme “unscripted series”. Pour moi ce ne sont pas des series du tout. C’est d’abord de la merde, ca c’est sur, mais surtout, le fait que ca soit “unscripted”, et pas avec de vrais acteurs fait que ca n’est pas une serie. D’ailleurs ca ne repond pas a la definition: il n’y a pas de heros, juste des pauvres types et des rates de la societe, et il n’y a pas de continuite narrative puisqu’il n’y a aucune narration.

  3. C’est, me semble-t-il, une très bonne définition.

    Pour ma part, lorsque je dois définir le terme “série-télé” à des proches, j’explique que si un film de cinéma est un tableau impressionniste, une série-télévisée est la fresque des nymphéas de Monet.

  4. purée ca réduit le nombre de série françaises cette définition (que j’approuve complétement) : Fais pas ci fait pas ca, un village français, les séries de canal (quoique la régularité entres les saisons est à revoir) et euhhhhhhhhh……..

  5. Je ne vous suis pas… Fais pas ci et Un Village Français sont très régulières… Pour ce qui est de la régularité des saisons, c’est moins grave. Ce qui compte, c’est la régularité des épisodes. Les séries de Canal+ ont beau revenir tous les deux ans pour certaines, elles reviennent quand même par saison, c’est ce qui compte…

  6. en fait les séries de canal on a mon avis plus un statut de “série du cable” du fait de leur irrégularité entre saison mais oui elle sont des série à part entière. Mon commentaire faisait plus référence au manque de série régulières sur les chaines gratuites contrairement au anglais avec des comédies, des drama, de la SF, des policiers des soaps de primes.

  7. Le teaser de ton intervention à la formation sur les séries télé ! Version longue le 16 juin…

  8. Marrant de lire cette tentative de définition… c’est toujours un peu compliqué de fixer des limites.
    Et du coup, une des limites fixées ici exclut par exemple Accused qui n’a pas de personnage récurrent. Et finalement pourquoi pas.
    Que Accused rentre dans la définition ou non, ça ne m’empêchera pas de l’aimer malgré tout cette série… euh pardon, ce groupe thématique de téléfilms. 🙂

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