Le polar et le syndrôme du sériephile

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La vie du sériephile n’est pas toujours facile. Outre une tendance à se coucher tard, à manger devant la télé, à citer Sheldon Cooper ou Gaius Baltar, à suit up pour des soirées legend – wait for it – dary , à… enfin, une tendance au geekisme, le fan de séries ruine son propre plaisir, malgré lui, quand il s’assoit devant un polar. La semaine dernière, je regardais deux épisodes des Experts, les deux premiers de la saison 10. Deux enquêtes pas désagréables, mais pour lesquelles il m’a suffit d’à peine 5 minutes pour deviner qui était le coupable. La faute à ce que j’appellerais ici le syndrome du coupable évident.

Prévenons ceux qui souhaiteraient ne pas connaître le nom de ces coupables : ce qui suit est truffé de spoilers sur ces deux épisodes. Dans le premier d’entre eux, une starlette hollywoodienne est retrouvée morte dans sa voiture, après un accident volontairement provoqué – autrement dit, un meurtre. On soupçonne rapidement le petit copain de ladite actrice, fils d’un riche proprio de casino. Enfin, les Experts le soupçonnent. Parce que moi, quand je vois débouler Garret Dillahunt dans le rôle de son garde du corps (voir photo ci-dessus), j’ai trouvé. Le génial Dillahunt est un méchant classique des séries, de Life aux Chroniques de Sarah Connor. Les scénaristes feront tout pour brouiller les pistes : le coupable, à la fin, ce sera bien Dillahunt.

Deuxième épisode : un producteur de site porno est retrouvé assassiné dans un petit quartier sans histoires, où il tournait, discrètement, ses vidéos. Une de ses actrices est suspectée, puis le fils d’un serial killer qui, drôle de hasard, habite le coin. Moi, depuis la troisième minute, je sais qui est le tueur : le responsable de l’association du quartier, qui pourtant semble avoir sauvé la vie de l’actrice, et être un chic type. Le truc, c’est qu’il est joué par Brian Howe, un pro du second rôle, vu dans Medium, The Mentalist, Cold Case, Nip/Tuck, Numb3rs, Bones, NCIS, FBI : Portés Disparus… je continue ? Du coup, ça ne fait pas un pli. Malgré les efforts des scénaristes pour creuser d’autres pistes, à la fin, c’est Howe le méchant.

A force de regarder des séries, on connaît par cœur le visage de ces seconds rôles (Dillahunt est en train de devenir plus que ça grâce à Raising Hope), d’excellents acteurs dont les productions ont besoin pour faire de bons criminels. Ils ont les épaules assez larges pour tenir un face à face avec un des rôles principaux, et jouent impeccablement l’ambigüité. Ils sont aussi connectés avec les gens du métier, à force de tourner dans toutes les séries. Ils sont donc partout. Vous en apercevez un, même en arrière plan, le temps d’une petite scène, dans la peau d’un type a priori sans importance, et vous pouvez être sûr que le suspens sera ruiné pour vous – une constante désagréable pour ceux qui connaissent bien les séries. Il y a en effet peu de chance qu’il ne soit là que pour faire de la figuration…

Les producteurs malins se passent de ces seconds rôles de qualité, ou leur offre des rôles à contre emploi. Faire apparaître Zeljko Ivanek ou Robert Knepper (dans un polar) dans le rôle du bon samaritain, voilà une bonne idée. Et un excellent moyen de prendre à contre-pied tous les téléspectateurs fatigués de posséder l’arme absolue, plus fort que la centrifugeuse des Experts : la sériephilie.

Image de Une : Les Experts, CBS, TF1.

8 commentaires pour “Le polar et le syndrôme du sériephile”

  1. C’est horrible comme c’est trop vrai 😀

    Quoi que je me suis faite avoir une fois… je ne sais plus quel épisode de quelle série… un visage trop déjà vu pour être innocent… mais je me suis faite eue ! grrr…. 😉

    Au fait, le méchant dans la fin de la saison 1 de Sherlock, c’est aussi un connu ? je connais pas trop les séries anglaises… Quoi qu’il en soit, j’avais deviné :-p

  2. C’est vrai qu’on retrouve un peu les mêmes acteurs dans toutes les séries. Récemment l’acteur jouant Stu dans Californication me semble être un ancien patient du Dr House. Y’aurait bien des exemples donc je rejoins votre avis.

  3. Il y a d’autres moyens de trouver les coupables, si on ne connaît pas les acteurs. Dans chaque série , il y a “un mode opératoire” qui tourne en gros autour :
    – du suspect évident qui est bien sûr innocent;
    – de la fausse piste;
    – du véritable coupable.
    Quand on a l’habitude de voir une série, on sait au bout de 10 mn qui est le coupable.

  4. HBO est reine en matière de seconds rôles fourrent-tout qui atterrissent sur d’autres chaines. Qui n’a pas vu Oz ou The Wire ne connait pas tout les gangsters de la planète télé ou tout les futurs flics blasés de Law and Order.

    J’ai le même soucis, si la série est sur un schéma classique de découverte du meurtrier et est punis à la fin, la série se spoil en 3 minutes montre en main.

    Heureusement, certaines séries sont à contre courant, comme Breaking Bad ou The Wire, et permettent d’aller au delà du simple Hercule Poirot avec des lasers et de la trip hop qu’on nous sert ad nauseum.

  5. Ne nous plaignons pas de reconnaître les têtes des comédiens car ce problème a toujours existé, y compris au cinéma. Je me souviens par exemple de ma déception quand j’avais tout de suite deviné l’identité du tueur dans la bande de touristes de RANDONNEE POUR UN TUEUR parce que j’avais reconnus Clancy Brown que je venais de voir en méchant dans HIGHLANDER. Ça ne pouvait être que lui et c’était lui. Cela dit je partage ton avis concernant Garrett Dilahunt que je tiens pour un très très grand acteur et que j’ai hâte de voir au premier plan dans OLIVER SHERMAN (http://trailers.apple.com/trailers/independent/oliversherman/).

  6. Le problème ne se limite pas pour les sériphiles à l’apparition des seconds rôles connus.
    L’apparition elle-même de l’acteur suivant certaines modalités on ne peut plus rebattues met la puce à l’oreille.

    Exemple:
    Min 1 de la série: un papa se fait enlever devant son fils témoin du drame par téléphone.
    Min 3: Sa petite amie blonde débarque au comissariat la scène suivante pour embrasser le fiston en larme.
    Min 3: on sait que la blonde est impliquée.
    Min 4: malheureusement la série dure 52 min.

    C’est de “l’identification des schémas”, pas seulement de l’identification des acteurs. 😉

  7. Je pense qu’il n’est même pas utile de reconnaître le visage d’un acteur pour deviner la fin. les acteurs pas trop mauvais et dignes des séries policières américaines il y en a peu, alors on les réutilise c’est tout. et de plus, ils peuvent très bien changer de rôle d’une série à l’autre; récemment j’ai vu celle qui tenait le rôle de Cierra dans Doll house faire une apparition dans un épisode des experts ou elle n’avait pas vraiment le même genre de rôle. Non à mon avis, le problème ne vient pas de là. Depuis quelque années dans beaucoup de séries policières américaines on retrouve la même construction de scénario, le même schéma. Elles se copient entre elles,et même au sein d’une seule série les épisodes se répètent indéfiniment. Il n’ a plus aucune originalité dans les histoires car on se contente de nous montrer ce qui plaisait énormément il y a peut-être 10 ans (puisque innovant), mais aujourd’hui on ne cherche même plus à évoluer, sauf rares exceptions. Ce n’est pas seulement les visages qui reviennent. les séries sont toutes pareilles: Dans leur globalité et même dans le détail. Par exemple je me souviens avoir vu un épisode de NCIS ou un psychopathe reproduisait les meurtres qu’il avait lu dans un des fameux polars écris par Mcguy. j’ai revu exactement la même idée et le même schéma narratif dans un épisode de Bones, ou donc, un psycopathe bien sur, reproduisait les meurtres qu’il avait lu dans le livre du doc Brenan.

  8. Je me suis fait avoir sur un épisode avec un guest que j’ai pressenti être le coupable dès que je l’ai vu : il s’agit de Charles Shaughnessy (le Maxwell Sheffield de ‘The Nanny’).
    On ne le verra en fait qu’une seule fois durant l’épisode et le coupable ne sera pas lui.
    … Et j’ai encore + honte de vous avouer la série dans laquelle cela se produit : ‘The Mentalist’, fin de saison 1 …
    😉
    Allez, demain, je me replonge activement dans ‘Entourage’, ‘The Shield’, ‘Nurse Jackie’ et ‘The Wire’ pour chasser la honte qui m’envahit !

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