Longtemps, j’ai été un « Mad Men sceptique. » Un de ces critiques, un de ces fans qui ne comprennent pas tout le battage qui entoure la série. Qui ne comprennent pas comment elle finit – presque – toujours devant la génialissime Breaking Bad dans les classements annuels. Qui s’ennuient ferme devant les épisodes interminables, qui se disent qu’en fait, la table de cuisine en formica de leur grand-mère doit valoir un paquet maintenant que tout ce qui est Mad Men est tendance. J’étais de ceux qui étaient toujours en retard sur les saisons. J’ai vu la saison deux quand certains attaquaient la trois. La trois à l’hiver 2009. Mad Men est une série d’été, je la voyais l’hiver. Encore cette année, j’ai pris du retard. Ce soir, 31 décembre 2010, j’ai vu “The Suitcase”. Saison 4, épisode 7. Ce soir, je ne suis plus un « Mad Men sceptique. »
Soyons honnête, la fin de la saison 3 m’avait déjà sorti aux deux tiers de cette catégorie. On y apercevait ce que Mad Men pourrait être à son meilleur niveau : plus d’humour, de rythme, moins de complaisance dans l’obsession esthétique, des personnages plus vivants, s’écartant des gravures de modes. Après cette saison, je savais (sans doute longtemps après les autres) que la série possédait tous les éléments pour devenir un chef d’œuvre ultime. Pas ce classique du cinéma à rallonge, avec ses beaux plans et ses postures qui m’avaient un temps agacées, mais une vraie œuvre, complète, complexe, sachant varier ses tons. Mad Men, je le réalisais, peut être une comédie colorée, un drame puissant et un portrait de société troublant de véracité à la fois. Restait à mettre tout cela dans un même épisode.
Beaucoup l’on dit, et je suis assez d’accord : cette saison 4 est, dans l’ensemble, un peu décevante. Pourtant, deux des épisodes les plus puissants de la série s’y « cachent » : “The Good News”, l’épisode 3, et “The Suitcase”, donc. Deux épisodes où il est question de Don Draper, de ses blessures, de la souffrance qu’il ensevelit sous sa virilité et ses costumes de businessman. Quand Man Men sort de son train-train publicitaire, de ses histoires – pourtant passionnantes – de contrats, même de sa mise en abyme de l’évolution du monde et des Etats-Unis en particulier, c’est là qu’elle me touche le plus. Je ne nie pas la richesse de sa reconstitution historique, la justesse de ses dialogues, la force de sa réflexion sur l’émancipation des femmes notamment, etc. mais j’ai toujours besoin d’être touché intimement pour m’attacher à une série.”The Suitcase” a eu cette vertu.
Il n’y a rien à jeter dans cet épisode, bouleversant, magnifiquement interprété, d’une mélancolie rare – même la façon dont l’Histoire s’invite discrètement (le combat de boxe en Mohammed Ali et Sonny Liston, entendu à la radio) – tout est parfait. J’avoue avoir versé une larme face à la déroute de Don Draper, qui n’a jamais été aussi nu que dans les bras de Peggy. Décoiffé, débraillé, ivre, débarrassé de ses postures, Draper m’a, enfin, ému – il m’avait jusqu’alors effleuré, sans jamais me toucher complètement.
Je n’ai pas fini la saison 4. Ce sera fait très vite. Pour la cinquième, je commanderais, avec un peu de retard, au Père Noël des séries un Mad Men qui trouverait le parfait équilibre entre cette émotion brute, l’humour, sa beauté esthétique incontestable – certains plans sont à encadrer, et ce depuis la première saison – ses acteurs renversants… En gros, un Mad Men décomplexé, libéré, plus fou, dans l’absurde comme dans l’émotion. Après tout, ce serait en parfait raccord avec l’évolution de la société américaine.
Image de Une : The Suitcase, Mad Men, AMC.
Merci pour cette note : je me sens désormais beaucoup, beaucoup moins seule, et tu m’as donné envie de m’y remettre (j’avais décroché au début de la troisième saison pour les raisons que tu évoques au début).
ok, et donc pourquoi tu as changé d’avis ????….
Et bien, cher @caveman, c’est ce que j’explique dans l’article : Mad Men est plus humaine, plus sincère et moins maniérée selon moi dans cet épisode. Et j’aime quand elle se laisse aller à un peu plus d’humour aussi.
Bonjour,
Il n`est jamais trop tard pour bien faire, moi-meme je n`ai decouvert qu`en octobre dernier – et pas par Canal + !
Plus serieusement, “The Suitcase”, c`est le 7eme episode sur 13, donc on est a la moitie de la saison 4 et Don touche le fond. Si l`episode en lui-meme est un chef d`oeuvre (par ex les echanges entre Don et Peggy sont une magnifique construction dramatique), ce qui est remarquable c`est l`articulation avec sa suite, le n8 “The Summer Man”, le seul episode “autobiographique vu par Don/Dick” avec sa voix off qui commente, comme l`apparition enfin d`une voix interieure dans cet homme deconnecte (remember ce que Rachel Menken lui disait lors du tout premier episode). Le passage de “The suitcase” a “The summer man” marque le debut de la redemption – disons qu`apres avoir touche le fond de la piscine dans l`episode precedent, il donne un grand coup de pied pour remonter vers le haut …
Bon j`arrete la, je pourrai continuer des heures. Il y a quinze ans que je n`avais plus suivi une serie, depuis en fait que l`agent Mulder avait disparu de X-Files.
Reste a savoir comment tout cela finira : my guess, meme si cela me brise le coeur, c`est que Don chopera un cancer des poumons et se suicidera en se jetant du haut de la tour Time-Live – realisation effective du generique (inspire de Saul Bass parait-il mais je ne peux pas m`empecher de penser aux malheureux qui se sont jetes du haut des Twin Towers en flamme le 11 septembre, il y a 10 ans).
Bonne Annee aux Mad People et on attend fin juillet pour la saison 5.
abîme !
Etttttt non, cher Tesman, j’insiste, mise en abyme. C’est une curiosité de la langue française, mais rien à voir avec les abîmes 🙂 http://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/mise-en-abyme.php
Hé ben, regarder une série à laquelle on n’accroche pas saison après saison, c’est de l’acharnement ! M’enfin je peux comprendre, conscience professionnelle oblige.
Pourtant, à l’époque de Générique(s), vous (j’entends par ce “vous” l’équipe de rédaction) aviez pas mal poussé la série, je pensais du coup qu’il y avait unanimité dans la rédaction…
Pour ma part, je n’aurais pas ce courage, une saison maximum doit parvenir à convaincre, sinon ce n’est pas la peine. Tout le monde n’a pas autant de temps à consacrer à une série à laquelle il n’accroche pas…