L’heure du bilan : la totale

Eyes-JackPilot

Récapitulons : Ces deux dernières semaines, j’ai fait le bilan (très subjectif) de mes coups de coeurs de l’année 2010. Les drames, puis les comédie, puis la France (un peu de chauvinisme), les actrices et enfin les acteurs. Je n’ai pas parlé de la fin de Lost (que je n’ai pas aimée, voir mon post de l’époque), de celle de 24 (qui m’a fait verser une petite larme, même si ça fait un petit moment que Jack Bauer tirait la langue), de l’immense saison 3 de Breaking Bad, de l’excellente saison 3 de True Blood, de la moyenne saison 5 de Dexter, du retour en forme de How I Met Your Mother… je n’ai parlé que des nouvelles séries et de leurs comédiens (sauf pour la France, où se limiter aux nouveautés ne menait pas très loin). En voici une version condensée, avec les “Top 5” de chacune des catégories. A l’année prochaine !

LES DRAMES
Treme

5. The Walking Dead
Appréciant beaucoup le comic book, j’attendais avec impatience sa relecture par AMC. Je n’étais pas le seul, et The Walking Dead a fait un carton d’audience. Un succès mérité. La série chapeautée par Frank Darabont est intelligente, solidement écrite, se détache rapidement du scénario de la BD, et offre quelques moments de bravoure – notamment dans un pilote très réussi. Elle ne mérite cependant pas mieux que cette cinquième place selon moi, la faute à un casting inégal (Andrew Lincoln est très bien, mais Sarah Wayne Callies et surtout John Bernthal sont tout juste passables), à quelques effets spéciaux foireux (les attaques de zombies sont un peu cheap), à un manque de gore (on nous avait promis quelque chose d’insoutenable, mais on est très loin de la violence de Dead Set) et, surtout, à un certain flottement dans le propos de la série, qui a pris plusieurs épisodes avant de trouver son ton. AMC tient à coup sûr une série addictive, puissante, aux héros forts, mais il lui faudra plus d’une saison pour en exploiter au mieux le potentiel. Ça tombe bien, une deuxième fournée est prévue pour l’an prochain.

4. Boardwalk Empire
Difficile de juger la série événement de l’année, machine de guerre qui, sur le papier, surclasse haut la main la concurrence. Martin Scorsese, Terence Winter, Steve Buscemi, Michael Pitt. A eux seuls, ces quatre-là fermeraient le clapet de tout critique décidé à se farcir leur projet pharaonique. Un critique qui serait qui plus est amadoué par la présence du formidable Michael Kenneth « Omar » Williams, un des chouchous de ce blog – et de Barack Obama. De fait, Boardwalk Empire inspire le respect. Réalisation grandiose, décors de toute beauté, morceaux de bravoure à tour de bras, acteurs exceptionnels… Ce n’est plus une série, c’est une compilation de qualités. Alors, pourquoi ne pas l’avoir mis en tête de ce classement ? Et bien, parce que c’est mon classement, un classement très subjectif, et que je ne suis pas friand des drames en costumes, aussi modernes soient-ils. J’admets la grandeur de Boardwalk Empire, mais je me précipite rarement pour voir ses nouveaux épisodes. Mea Culpa.

3. Justified
La série de FX a quelques mois d’ancienneté, mais elle reste une des grosses satisfactions de l’année 2010. De toute la vague de séries rednecks qui nous est arrivée dessus depuis la rentrée 2009, c’est la plus convaincante, utilisant avec intelligence l’ambiance Amérique profonde pour mijoter un western moderne en forme de polar rural. L’incapacité qu’à Timothy Olyphant de desserrer les mâchoires est ici un atout, et l’acteur, qui fait un sans fautes quand il porte le Stetson (cf. Deadwood) est parfait de décontraction fataliste, cowboy désabusé dans un monde pourrit comme il faut. La musique est aux petits oignions et les personnages secondaires parfaits – Walton Goggins est impeccable, et son personnage de salaud repenti redonne un coup de fouet bienvenu à la fin de saison. Nonchalante, plus solide quand elle développe une seule trame narrative – la mi-saison s’essaye à des épisodes unitaires – Justified offre aussi les scènes de fusillades les plus réjouissantes du moment, absurdes, tout en faux rythme, dont seule l’issue est prévisible : Raylan Givens (Olyphant), mâchoires serrées et flingue fumant, s’en sortira – sans doute joliment amoché. Pour les amateurs de comparaisons… fumeuses, quelque part entre Lucky Luke et John McClane.

2. Rubicon
Rubicon est lente. Il ne se passe rien dans Rubicon. On s’em… ferme en regardant Rubicon. Voilà à peu près ce que disent les détracteur du défunt thriller d’AMC. Et ils n’ont pas complètement tort. Rubicon fait partie de ces rares œuvres dont la patience, l’intelligence, le sens de l’ambiance auront sans doute été trop exigeantes pour le public, qui demande un peu d’amusement, un peu de divertissement, même dans les séries d’auteurs – je pense aussi ici au puissamment obscur John From Cincinnati. Cet anti-24h Chrono reprend les codes, le ton, la lenteur de ses modèles, les films d’espionnage comme Les Trois jours du Condor. On ne comprend l’intrigue qu’au bout de plusieurs épisodes. Rien n’est dit clairement. Si un indice vous échappe, vous êtes perdu. Comme trop peu de séries, Rubicon fait appel à l’intelligence du téléspectateur. Fait fonctionner notre capacité d’analyse. Joue, subtilement, avec nos nerfs. Pourtant taiseux, ses héros sont d’une rare épaisseur, losers magnifiques, dépressifs, chargés de traquer les terroristes enfermés dans une salle de réunion glauque, avec vu sur l’autoroute, et à partir de paquets de dossiers (l’informatique est presque bannie de leur quotidien). Servie par une photo de toute beauté et un casting brillant, Rubicon a été pour moi l’expérience sérielle la plus addictive de l’année. Une œuvre inachevée, annulée à tort par AMC.

1. Treme (en photo, HBO/Orange Cinéma Séries)
Au départ, il y avait l’excitation du fan. David Simon, après deux chef d’œuvres, l’immense The Wire et l’exceptionnel Generation Kill, était de retour, toujours sur HBO, et sur un sujet qui promettait : la Nouvelle-Orléans de l’après Katrina. Une autre Amérique que celle de Baltimore, toujours à la marge et pourtant toujours symbolique d’une nation composite, dont les racines sont sans cesse tiraillées, arrachées, négligées. Celles de la culture afro-américaine, du jazz, du rythm & blues et du blues tiennent avec Treme leur champion. Hommage poignant à une ville et à sa culture, la série de David Simon est bien plus qu’une tribune politico-culturelle – tribune qui est d’ailleurs sa faiblesse, à force de lourdeur militante. C’est un portrait croisé d’une rare puissance, sur des personnages dessinés par un des maîtres de la narration télévisuelle, ici épaulé par Eric Overmyer, déjà son bras droit sur The Wire, et par une bande de romanciers de la Nouvelle-Orléans. Il n’est aucune série qui puisse actuellement tenir la comparaison avec Treme en terme de dialogues. Rares sont celles qui possèdent un casting d’une telle densité – de Wendell Pierce à John Goodman en passant par la poignante Melissa Leo. Il y a mille raisons d’aimer Treme. Tant de raisons qu’on s’y perd un peu. Ce qu’on retiendra, en attendant la saison 2, c’est la cohérence de l’ensemble, la vie, l’énergie qui s’en dégage, la puissance de cette musique unique, complexe et tellement simple à la fois, désespérée et pleine de joie.

Et aussi…
The Pacific, impressionnante mini-série d’une violence physique et émotionnelle à vous dégouter (pour de bon) du fantasme de la guerre photogénique. Lone Star, annulée bien trop vite par la Fox, qui aurait pu devenir la meilleure nouveauté des networks de la rentrée (qui l’est peut-être d’ailleurs malgré son annulation), Terriers, en mauvaise situation après la fin de sa saison sur FX, mais qui mérite l’attention du public, polar original, juste déglingué ce qu’il faut, Detroit 1-8-7, autre polar pas mal du tout, dans une veine réaliste casse-gueule mais crânement assumée grâce à une dose d’humour et à Michael Imperioli ou encore My Generation, tentative bancale de docu-fiction, inachevée mais intéressante.

LES COMÉDIES

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5. Better With You.
Voici une preuve de la faiblesse de cette année 2010 en terme de comédies. Sympathique sitcom, Better With You n’est pas franchement à se tordre de rire, mais elle possède assez d’arguments pour dépasser la majorité d’une concurrence poussive en terme de comédies grand public (Shit My Dad Says, Mike & Molly, etc.). Cette histoire de couples (un tout frais, un plus ancien mais pas marié, et les parents, vieux et aigris) recycle mille clichés new-yorkais, enveloppe le tout de faux rires et de jolis meublés… mais non sans charme. La présence de deux anciens de Friends aux manettes n’est pas pour nous déplaire. Sans présager d’un avenir comparable, disons que Better With You veut être la prochaine sitcom, après How I Met Your Mother, à reprendre le flambeau des aventures de Rachel, Ross, Joey et les autres. Une noble mais périlleuse mission.

4. Archer.
En matière de comédie, il ne faut jamais oublier l’animation. Family Guy, American Dad, Les Simpson et consort ont pas mal de leçons à donner à leurs cousins en chair et en os. Drôle de comédie signée FX (qui sait nous faire rire, la preuve un peu plus bas dans ce post), Archer se paye la tête des espions façon James Bond, avec son héros machiste, grossier, con, incapable, dangereux et surtout sérieusement dérangé par son complexe d’Œdipe (sa mère est aussi sa patronne, ça n’arrange rien). Graphiquement, c’est assez moche, mais dans le texte, c’est assez politiquement incorrect et grotesque pour qu’on en redemande. La bêtise, quand elle est prise avec dérision et saupoudrée de références culturelles, fait plaisir à voir.

3. Raising Hope.
Dans la famille rednecks, je vous voudrais le père. Pardon, les pères. Imaginée par les créateurs de My Name is Earl, Raising Hope surfe habilement sur la vague de ploucs qui envahit la télé américaine depuis l’an dernier. Le talent de cette comédie familiale, c’est de savoir rendre attachant ses héros cons et tendres à la fois. On y parle d’éducation, de comment faire d’un bébé tombé là presque par hasard un redneck digne de ce nom, de relations entre parents et enfants, d’amitié et surtout d’amour, le tout avec un sens de l’humain bien plus fin qu’il n’y paraît. Entre deux bonnes blagues (la découverte de la vraie identité de la mère de Hope, dans le pilote, est tordante), ce qui compte ici, c’est d’affiner les personnages. Ça tombe bien, le casting est brillant, avec une mention pour un des chouchous de ce blog (et de la critique en général), Garret Dillahunt, habitué aux rôles de salauds, ici hilarant en « pilier » de famille resté coincé à l’adolescence.

2. How To Make It In America.
Certains me suggéraient d’en parler dans les drames. J’opte pour la catégorie comédie. HTMIIA est une comédie dramatique, qui ne cherche pas à provoquer l’hilarité, mais où l’optimisme et la bonne humeur emportent tout. Certes, la noirceur est y menaçante, le risque d’échec permanent, la solitude sentimentale à chaque coin de rue… mais malgré tout, ce pur produit HBO reste la plus « feel good » des séries de l’année à mon sens. On en sort bondissant, amoureux de New York et fan d’Aloe Blacc, certain que Ben et Cam finiront par s’en sortir, par vendre leurs satanés jeans. On rit souvent, mais surtout on sourit. Comme à chaque fois qu’on replonge dans l’album photo de nos meilleures soirées entre potes. Plus sympa que ce casting là, on ne fait pas, plus cool que leurs aventures, impossible, plus fashion que leurs sorties, je ne vois pas. HTMIIA a la classe jusque dans ses lourdeurs – quand elle essaye de faire de la grosse comédie, justement. Son propos sur l’Amérique du lendemain de crise, son vague espoir d’un rêve américain retrouvé – à quel prix ? – et ses intrigues sentimentales joliment troussées – dont une chouette bromance entre Ben et Cam – n’enlèvent rien à notre plaisir. Vivement la suite.

1. Louie (en photo, Orange Cinéma Séries).
J’ai déjà dis ici tout le bien que je pense de Louie, sans doute la comédie la plus marquante de ces dernières années. Louie n’a peur de rien, ni du ridicule, ni du politiquement correct, ni du mauvais goût, ni des codes, de tous les codes. Suite de séquences de stand up et de scénettes tirées du quotidien (fictif) de Louis CK, comique américain inconnu chez nous, créateur, réalisateur, producteur, scénariste et interprète, cet ovni renouvelle avec un culot salvateur la comédie télé. A coup de blagues aussi douteuses qu’hilarantes, Louie s’amuse de tout, du racisme, de la pédophilie, de tous les pires maux, à commencer par les souffrances existentielles de son personnage dépressif. Parfois absurde, bourrée de seconds rôles de très haute volée (Ricky Gervais, en médecin à baffer, est immense), Louie mêle aux petits plaisirs des séquences comiques quelques moments d’éternité humoristique, comme la déjà culte partie de poker de l’épisode 2 ou cette scène ahurissante, où Louis démonte, en public et en direct, une pauvre spectatrice coupable de parler trop fort. Au delà de sa puissance comique, la série de FX offre un portrait émouvant d’un quarantenaire fatigué, une réflexion noire de noire sur le temps qui passe, le corps qui s’épuise et la mort qui rode. Acide, hilarant, osé, novateur, casse-gueule, touchant, magistralement incarnée : tout ce qu’on aime.

LA FRANCE
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5. Scènes de ménages.
Et oui. Je dis « et oui » parce qu’après Caméra Café et Kaamelott, Scènes de ménages, shortcom d’M6 adaptée d’un format espagnol, fait un peu tristounet. Mais à bien y réfléchir, dans un paysage comique français en petite forme, ces scénettes survitaminées, foutraques et joyeusement acides font figure d’outsider. L’habillage agressif, la musique tonitruante n’enlève rien au plaisir que procurent les engueulades des trois couples de la série, tous très bien incarnés. Le couple de retraités, d’une méchanceté parfois hilarante, mérite à lui seul le détour. Comme souvent dans les séries à sketches, ce n’est pas toujours à mourir de rire, mais dans l’ensemble, c’est assez réussi. A l’heure de l’apéro, entre deux cacahuètes, ça ne se refuse pas.

4. Les Invincibles.
La nouveauté, la voilà. Évacuons d’entrée de jeu la question qui fâche : oui, c’est encore une adaptation (d’un format québécois cette fois-ci), et oui l’original est un meilleur. Ceci étant dit, ça n’enlève rien à la bonne humeur, aux bonnes blagues et à la capacité du casting de cette comédie de potes à se rendre attachant. Les Invincibles, c’est super sympa, et ce n’est pas une insulte. C’est un compliment. Ce n’est pas tous les jours qu’on se plonge le sourire aux lèvres dans une séries françaises, qu’on lui passe aussi facilement ses faiblesses – notamment des scènes animées moches et inutiles – et qu’on se réjouit autant de ses réussites. Et puis, Arte qui se met aux séries maisons, c’est une révolution. Une petite révolution, mais ça se fête quand même.

3. Un Village français.
En général, la fiction « patrimoniale » et plus ou moins historique, ça me gonfle. Un bidule comme La Maison des Rocheville, c’est à envoyer des lettres bourrées d’anthrax chez France Télé. Un Village français est sans doute l’exemple parfait de ce qu’il faut faire en la matière. Idée de départ intéressante (l’occupation vue depuis les citoyens), concept risqué (un an par saison), casting de qualité, décors et costumes soignés, écriture intelligente… Au final, la série le magnifie le cahier des charges de France 3 et conjugue œuvre « à la française » et narration sérielle digne de ce nom. Il n’y a presque que nous pour faire une série comme Un Village français et c’est, pour une fois, une excellente nouvelle.

2. Fais pas ci, fais pas ça.
Bancale, mal diffusée, boudée lors de sa première saison, Fais pas ci, fais pas ça a aujourd’hui trouvé sa place et son ton : une vraie bonne comédie française, avec des acteurs non seulement justes et drôles, mais aussi des personnages attachants, voir limite cultes dans le cas de Fabienne Lepic (Valérie Bonneton). Le décryptage des questions d’éducation chez les Bouley et les Lepic est d’une belle véracité, mais ce sont plus simplement les galères de leur quotidien qui nous font rire, leurs petites lâchetés, leurs plantages, leurs humeurs, et une bonne dose de mésaventures à la limite du burlesque. Preuve que Fais pas ci, fais pas ça est une réussite, les Américains ne cessent d’acclamer Modern Family, lancée sur un concept similaire (des soupçons de plagiat planeront d’ailleurs durablement sur la série d’ABC).

1. Engrenages (en photo, Canal+).
La saison 3 d’Engrenages n’a pas été la meilleure (la 2 était un cran au-dessus), mais le polar de Canal+ reste ce qui se fait de mieux chez nous. D’une redoutable efficacité, rythmée, bourrée de rebondissements, parfaitement interprétée, proposant des personnages d’une rare épaisseur, tout simplement intelligente et distrayante, Engrenages domine selon moi le paysage sériel français. Elle n’a pas l’ambition d’un Pigalle, la nuit, mais sa constance et sa capacité à conjuguer savoir-faire « américain » (narration vive, cliffhangers, etc.) et humeur hexagonale en font ma favorite. La preuve, de cette liste, c’est la seule sur laquelle je me suis jeté tête la première, mettant de côté mes amours états-uniens pour dévorer la saison complète en quelques jours…

Et aussi : Hero Corp, qui mérite largement une 3e saison et Nicolas Le Floch, pour l’équilibre patrimoine / modernité.

LES ACTRICES
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5. Martha Plimpton pour Raising Hope.
Une habituée du petit écran, Plimpton a eu le bon goût cette année de figurer dans deux des meilleures nouvelles comédies : Raising Hope et How to Make it in America. Son rôle dans la série d’HBO étant limité (quoi que réjouissant), c’est pour sa performance en mère de famille redneck dans la comédie de la Fox qu’elle décroche cette cinquième place. Forcément un poil surjoué, avec l’accent, la clope, le look bien pourri et tout ce qu’il faut pour avoir l’air plouc (on est chez les créateurs de My name is Earl, il ne faut pas l’oublier), son interprétation parvient à toucher. De la beaufitude, donc, mais subtile. Son association avec le toujours parfait Garret Dillahunt est une des principales raisons de notre affection pour la série.

4. Laura Linney pour The Big C.
De toutes les nouvelles venues de cette année 2010, Linney est sans doute la plus à même de décrocher l’Emmy l’année prochaine. D’abord parce qu’elle prend la suite sur Showtime de Toni Collette et Edie Falco, toutes deux récompensées. Ensuite parce qu’elle joue une cancéreuse. Et c’est justement pour ça, et malgré sa très touchante performance, qu’on ne lui offre « que » la quatrième place de ce classement. Linney parvient à tenir un équilibre fragile entre le pathos et l’humour, mais on a tendance à s’agacer face à ces « rôles à prix », qui semblent avoir été écrits pour que la critique s’esclaffe devant tant de qualités. Linney est excellente (on le savait avant The Big C), sa série est très loin de la catastrophe attendue (on fait même partie de ceux qui la défende), mais on préfère ici les rôles moins artificiels.

3. Gretchen Mol pour Boardwalk Empire.
Je vous avais prévenu, on ira chercher les seconds rôles dans ce classement. Il y a d’autres personnages féminins intéressants dans Boardwalk Empire, mais je préfère de loin Gillian, la mère de Jimmy Darmody, à Margaret Schroeder (qui m’agace un peu) ou Lucy Danziger. Oublions tout de suite le fait que Mol n’a que 9 ans de plus que son « fils », Michael Pitt. C’est Pitt qui joue plus jeune que son âge. Mol, en danseuse de charme presque quarantenaire, incarne selon moi le personnage le plus troublant, le plus subtilement séducteur et touchant de cette rentrée. Une femme forte, qui ne tremble pas devant ces gros machos de mafieux. Et puis… quel sourire, quelle beauté !

2. Lauren Hodges pour Rubicon.
J’avoue, je suis un peu de mauvaise fois. Ma colère envers AMC pour l’annulation de Rubicon a ce genre de conséquences. J’attribuerais donc cette seconde place non seulement à Lauren Hodges pour son rôle de Tanya, mais à l’ensemble des personnages féminins de Rubicon et à leurs actrices, Jessica Collins, Miranda Richardson, etc. Pourquoi Hodges en particulier ? Parce qu’elle illustre à merveille la fragilité dépressive du casting de la série, où la cerne, le cheveu en bataille et la visible méforme physique sont des atouts. Petit gabarit, Hodges, aperçue dans In Treatment, ferait presque passer James Badge Dale pour un type bien dans ses baskets. Une seconde place pour Rubicon, et pour la délicatesse générale de l’interprétation de ses actrices (on en reparlera chez les hommes).

1. Melissa Leo pour Treme (en photo, HBO/Orange Cinéma Séries).
Melissa Leo est une des comédiennes les plus sous-estimées du moment. Ou du moins l’était-elle. Vu le nombre vertigineux de projets dans lesquels elle a été engagée récemment, on se plait à croire que Treme aura changé ça. Leo incarne avec une fragilité et une émotion déchirante Toni Bernette, avocate passionnée, humaniste, qui tient bon malgré l’adversité, qui se donne toute entière pour aider son prochain – une sorte de sainte, de martyr de la Nouvelle-Orléans post-Katrina. Impossible de ne pas souffrir avec elle, de ne pas verser une larme face à sa détresse. Et pourtant, Leo n’en fait jamais trop, reste fermée, douce, calme même quand la tempête détruit son personnage. Évite le pathos. Ces messieurs des Golden Globes ont fait une grave erreur en oubliant de la nominer. Et un de mes plus gros regrets de l’année 2010 restera lié à elle : j’étais en février dernier sur le tournage de Treme. Je n’avais pas vu la série. Après avoir interviewé les anciens de The Wire, un paquet d’acteurs, on me propose de passer un moment avec elle. Je ne la connais pas (et pourtant, elle jouait dans Homicide…). Je suis fatigué. Je passe. J’ai encore honte de mon erreur. Melissa Leo est grande, je suis tout petit. On ne m’y reprendra pas.

LES ACTEURS

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5. Garret Dillahunt pour Raising Hope.
C’est un choix très personnel, et quand vous aurez fini la liste, que vous verrez que personne de Boardwalk Empire ou de Treme (séries aux castings royaux) n’est cité, vous m’en voudrez à mort. Comme souvent sur ce blog, c’est le cœur qui parle avant la raison. Dillahunt est un “média darling”, un de ces acteurs qu’on aime dans leur discrétion, dans la multiplication des rôles, où ils sont toujours excellents. Dillahunt, supporté par une poignée de magazine hexagonaux du meilleur goût, a une longue carrière de salopard derrière lui, récemment dans Les Chroniques de Sarah Connor ou Life. Il fait aussi à merveille l’ado attardé dans Raising Hope. En fait, il sait tout faire : faire flipper ou séduire, rire ou émouvoir. J’aimerais dire “un jour, il sera grand”, mais on l’aime tellement en génial méconnu, Garret, qu’on serait pas mécontent qu’il reste discret, qu’on se le garderait bien juste pour nous…

4. Timothy Olyphant pour Justified.
Timothy Olyphant est un drôle d’acteur. La plupart du temps, il est mauvais. Dans le dernier Die Hard, dans Hitman et même dans Damages, où il était loin d’être génial. En revanche, posez-lui un chapeau de cowboy sur la tête, et il deviendra excellent. Après Deadwood, il est tout simplement parfait dans Justified, mâchoires serrées, yeux plissés, démarche nonchalante, gâchette de Lucky Luke. A la fois super frime et totalement crédible, son interprétation le fait entrer dans la famille des superhéros ordinaires, à l’invincibilité si fragile. On ne voit personne d’autre pour donner vie à Raylan Givens.

3. James Wolk pour Lone Star.
Vous croyiez que j’avais fini de défendre cette excellente série — du moins, ce qu’on en a vu — annulée trop rapidement ? Et bien vous aviez tort ! James Wolk, inconnu avant son rôle d’escroc au cœur un peu trop grand — il est polygame — est la révélation de cette année 2010. Subtil, charmeur, rêveur, il fait penser à un George Clooney en maturation. Faisons un pari : peu d’acteurs ont la classe naturelle de Wolk. Malgré la décapitation de Lone Star, on le reverra rapidement, et il fera de grandes choses. Et la Fox s’en mordra les doigts jusqu’au coude.

2. Louis C.K pour Louie.
Une autre de mes obsessions de l’année. Louis C.K se joue lui-même… ou presque. Ce qui est beaucoup plus facile… et beaucoup plus difficile qu’un rôle de composition. Il incarne littéralement le malaise de son personnage, se livre physiquement, moralement, se met à nu dans chacun des plans de la série. Louie est un one man show, sur scène ou dans la vie, et C.K est d’une force comique remarquable, maîtrisant l’ironie, l’humour noir, la mélancolie, la vulgarité, l’incrédulité… une vraie leçon de comédie à lui tout seul.

1. James Badge Dale pour Rubicon et The Pacific (en photo, HBO/Canal+).
Difficile de contester à Badge Dale son titre d’acteur le plus en vue des séries cette année. Lui qu’on avait vu dans 24 il y a quelques années, qu’on croyait disparu, a fait une année de folie. On peut ne pas aimer son jeu tout en silences, presque minimaliste. Les acteurs aériens, champions du naturel et de la rêverie, sur ce blog, on aime. Fragile, poétique, donnant cette impression d’être tout le temps paumé, Badge Dale a l’air intelligent, un air qu’il transmet à ses personnages. Je ne le connais pas personnellement, mais je doute qu’un comédien capable de donner cette richesse à ses rôles soit idiot. Il sera prochainement à l’affiche du deuxième film du Britannique Steve McQueen (Hunger). On attend de voir ça avec impatience.

Image de Une : l’oeil de Jack dans le pilote de Lost, ABC/TF1

7 commentaires pour “L’heure du bilan : la totale”

  1. […] Ce billet était mentionné sur Twitter par MrSeries. MrSeries a dit: On fait le bilan sur le bilan des séries 2010 : https://blog.slate.fr/tetes-de-series/2010/12/29/lheure-du-bilan-la-totale/ […]

  2. Dommage de n’avoir pas parler plus longuement d’ Hero Corp, que je trouve plus réussit que Scènes de ménages, et qui comme on le sait, malheureusement, risque de ne pas avoir droit à une saison 3.

  3. Je suis d’accord. C’était un oubli de ma part. Je pense à en parler plus longuement un de ces 4 (je m’étais fait le relais du Pinage !).

  4. Bien d’accord, et merci d’en avoir parlé, pour Fais pas-ci, Fais pas-ça, vraie belle petite réussite française. Les acteurs sont excellents, jouant toute en sobriété, n’en faisant jamais trop, à l’image des guests. ” Ce sont les situations qui doivent faire rire, plus que les personnages en eux-mêmes ” semble avoir été le mot d’ordre. Et puis à l’image des grandes séries, il y a du fond, quand même : qu’il est difficile d’être parents.

    Et un oubli, concernant cette série, qui aurait pu être évoqué : à l’origine, la série était une forme de documenteur, à l’image de The Office (tiens donc !) : 2 familles de milieux différents, proposant 2 modèles d’éducation différents, avec adresses au téléspectateur / à la caméra au passage, principe complètement abandonné au fil du temps (et on s’en passe royalement).

  5. Un bon bilan, même si je n’ai pas eu l’occasion de tester toutes ces nouveautés. Il est vrai qu’on aurait pu également évoquer, en plus des nouveautés, les bonnes saisons des mauvaises saisons des séries; je pense aussi bien à des séries comme Breaking Bad ou True Blood (des séries dîtes “pas commerciales) qu’à des choses comme Supernatural, Fringe, ou Dr House (plus accès “grand public) qui parviennent toujours à maintenir un bon rythme et une bonne continuité tout en se réinventant et en surprenant le public.

    Il aurait été agréable dans ce bilan de noter “les déceptions” de cette rentrée: mention spéciale à “The Event”, qui après un pilote pas trop mauvais (pour ma part) n’a pas su convaincre pour finalement s’enliser…mais comme précédemment, je n’ai pas pu tout suivre dans les nouveautés.

    Par contre, comme tu le dis, dommage pour l’annulation de Rubicon, j’ai fait les 4ers épisodes & je peux dire qu’en plus de la performance de l’acteur (du coup je me suis re-regarder la 3e saison de “24”), le ton & la forme de la série m’avait très agréablement surpris.

  6. Etrange de ne pas vouloir parler de la fin de Lost et pourtant de choisir l’une de ses images “symboliques” en tête de ce billet 😉

  7. @Magali : cliquez sur le lien, j’en ai déjà parlé…

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