Promis, je ne suis pas payé par les producteurs et les détenteurs des droits des séries dont je fais la pub. Après avoir crié haut et fort qu’il fallait absolument acheter Community, la meilleure comédie du moment selon moi (sans succès, mais Sony et quelques chaînes ont tout de même eu échos de ma gueulante, comme quoi…), je m’attaque à une injustice au moins aussi scandaleuse : officiellement, aucune chaîne française n’a acheté Rubicon, la dernière merveille d’AMC (je dis “officiellement”, parce qu’en coulisses, on ne sait jamais). Mesdames et messieurs des chaînes, si le hasard vous a mené sur cette page, ce message s’adresse à vous : achetez Rubicon !
Après les succès critiques de Mad Men et Breaking Bad (oublions Le Prisonnier, passable sans plus), il est fort étonnant que les chaînes ne se tirent pas la bourre pour avoir Rubicon, qui n’a pas à rougir face à ses célèbres ancêtres. Certes, il ne faut pas s’attendre à ce que cette série d’une extrême lenteur et d’une infinie complexité — qui plus ait purement feuilletonnante — fasse plus de 500 ou 600 mille téléspectateurs chez nous. Elle s’apprécie d’ailleurs particulièrement tard dans la nuit, l’obscurité étant sa couleur préférée. Tout ça pour dire que seules Canal+, Arte ou Orange pourraient se permettre de la diffuser. C’est donc vers ces chaînes — et éventuellement les déclinaisons de Canal, TPS Star par exemple — que je me tourne. Parce que le peuple de France a bien mérité de voir cette petite merveille sur ses écrans.
Rubicon, c’est l’anti 24h Chrono. Une série d’espionnage et de contre espionnage paranoïaque à souhait, qui repose sur une conspiration, mais qui prend son temps, qui mise avant tout sur son atmosphère et sur une lente montée en intensité de son intrigue. On y suit l’enquête de Will Travers, un jeune et talentueux analyste des services secrets américains, spécialiste des messages codés. A la mort de son patron, tué dans un accident de train (vraiment, un accident ?), il découvre les bases d’une conspiration de grande ampleur… Tout en continuant de faire son boulot, entouré de son équipe, il décide de décrypter seul les indices de ce complot.
Sombre, nocturne, Rubicon n’est pas une franche partie de rigolade, plutôt une partie d’échecs. A chaque coup, qui nous rapproche de sa conclusion, le jeu s’accélère, gagne en inventivité, et finit par nous scotcher au canapé. Remarquablement mise en scène et photographiée — après Mad Men et Breaking Bad, AMC confirme son sens esthétique unique, “cinématographique”, comme on dit — Rubicon enchaîne les couloirs obscurs, les rues pluvieuses, les parkings, les appartements mal éclairés, joue avec brio sur les espaces urbains, la symétrie des cages d’escalier, les gares, le tout accompagné d’une bande son envoutante, chargée de basses, qui ajoute à la gravité du récit.
On ne comprends pas de suite ce qui se joue ici. C’est la marque des grandes œuvres. On est captivé par le monde de Rubicon, par ses décors et par son sens aigu du mystère avant même d’y comprendre quoi que ce soit. Ses personnages, tous magistralement incarnés (James Badge Dale, dans le rôle principal, est lunaire à souhait), totalement dépressifs (Will Travers a perdu sa femme et sa fille dans les attentats du 11 Septembre, ses collègues sont divorcés, alcooliques, etc.), apportent un regard inédit sur le genre : pas de superhéros sauveur du monde ici, mais une bande de geeks, d’asociaux passionnés d’Histoire et de géopolitique, qui décident du sort d’une partie du monde dans leurs bureaux exigus — et, comble de la révolution, à partir de piles de documents papiers, et non de bidules informatiques.
Résumons : Rubicon est une série noire, captivante, à l’atmosphère d’une rare richesse, esthétiquement magnifique, et dont aucune lenteur n’est gratuite. Il faut s’y accrocher un moment, se laisser glisser dans la tête fatiguée de ses héros, pour décrypter avec eux les codes et les indices d’une intrigue passionnante. Elle se consomme comme un café serré au bout de la nuit, toutes lumières éteintes, l’oreille tendue, une fois qu’un espion ou un assassin soit en train de forcer votre serrure. Un grand moment de télévision paranoïaque dont il serait bien dommage de priver la France. Alors, mesdames, messieurs des acquisitions : à vos chéquiers !
Très très bonne surprise ce Rubicon!
A voire absolument, c’est l’équivalent des 3 jours du condor, d’ailleurs pas mal de référence au film tous au long de la série, et de tous les films de Pakula en série.
oui achetez donc Rubicon, ambiance noire et parano géniale!
vouée à ne faire qu’une saison? ou le succès US…le premier épisode détient le record du début de série originale AMC le plus regardé… va lui permettre une vie plus longue?
Ca fait plaisir de ne pas être seul à vanter les mérites de cette série.
En même temps, soyons honnête: as-t-elle vocation à générer un important audimat? Certes, ses producteurs aimeraient bien, mais sincèrement, je ne pense pas…
Tout comme The Wire, Twin Peaks ou Mad Men (dans une moindre mesure je citerais d’autres perles comme Oz, Breaking Bad ou encore Carnivale…), Rubicon est à mettre dans la case de séries de grande qualité à audimat moyen.
En gros, ces séries pâtissent d’un audimat moyen (voire très moyen pour certaines), mais sont essentielles puisqu’elles contribuent à l’image de marque et de renom de leur chaines respectives (HBO en sait quelques chose)…
D’accord avec toi; cette série n’as rien à faire sur TF1, où elle ne marcherais pas forcément. Par contre, sur Canal, où elle serait diffusée dans l’ordre, avec pourquoi pas des soirées de deux épisodes d’affilée et une soirée spéciale pour le season finale, avec trois épisodes d’affilée.
Ou encore sur Orange… mais quel dommage.
Soit dit en passant, un peu de lèche: les blogs sur les séries sont nombreux sur le net, mais ceux de qualités se comptent sur les doigts d’une main. Les blogs de Slate et du Monde s’en tirent haut la main. Merci à toi, et continues.
Merci ! Ça fait plaisir. C’est pour être lu qu’on écrit, alors merci 🙂 Et je plussois sur tout ce que tu viens d’écrire, y compris le boulot de Pierre Serisier du Monde.fr.
excellente serie. Le scenario est pour le moment parfait, et tout les personnages tres accrocheurs. tres instructives, rien n’est souligné à gros traits, tout se devine, se laisse entrevoir. I’m lovin’ it
Je viens de commencer à regarder, et ça a l’air très bien effectivement, tout comme Justified ou Community recommandés également sur ce blog.
Après je me demande, quel est l’intérêt de voir ces séries massacrées par une VF omniprésente sur les chaînes françaises alors que tout le monde peut les regarder sur différentes plateformes en attendant que le DVD ne sorte?
Cher Jan,
En l’occurrence, Canal+ ou Orange sont généralement en mode VM, donc on peut voir en V.O… 🙂
xià wǔ jiàn 😉
Damned, busted 🙂
Ok, ok je ne savais pas pour Orange ou Canal. J’ai vu 2 épisodes, et j’aime bien l’anti comparaison avec 24!