Pas mort-nées pour rien

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L’été sur le paf, côté séries, ça craint. Aucune chaîne n’est assez folle pour programmer une grosse nouveauté, pas même une nouvelle saison. Il faut donc faire avec les rediffusions, et avec les occasionnels bouche-trous. Dans deux semaines, France 4 diffusera ainsi Traveler, une petite chose inoffensive mais pas désagréable, diffusée en 2007 sur ABC. Vague cousine du Fugitif, Traveler raconte la cavale de deux étudiants accusés à tort d’un attentat. Prévue pour trois saisons par son scénariste, elle n’aura eu droit qu’à 8 épisodes, faute d’audience. C’est ce qu’on appelle outre-atlantique une “short-lived TV Series”, autrement dit une série mort-nées. Chaque année, elles sont des dizaines à passer à la trappe après une poignée d’épisodes. Pour la plupart d’entre-elles, c’est justice. Cette année, on n’a par exemple pas pleuré la disparition de Hank, The Forgotten ou Happy Town. Pour d’autres, en revanche, la mort plus ou moins subite est vécue comme un drame par les fans et par la critique, l’audience ne reflétant que rarement la qualité des œuvres.

L’histoire des séries télé est riche en annulations malheureuses. Une série vraiment novatrice prenant souvent le risque de choquer, quelques-uns des projets les plus marquants de ses vingt dernières années n’ont connus qu’une saison (au mieux). Profit, avec son héros sociopathe prêt à tout pour atteindre la tête d’une entreprise (notamment à tuer), annonçait dès 1996 les Dexter et autres antihéros tendances aujourd’hui. Elle n’aura eu droit qu’à 8 épisodes, dont seulement quatre diffusés sur la Fox. En 1994, My So Called Life (Angela, 15 ans, en VF), pourtant véritable tournant de l’histoire des séries ados, n’aura pas fait mieux que 19 épisodes avant d’être annulée. Autre pilier du genre ado, l’excellente Freaks & Geeks est elle resté bloquée à 18 épisodes en 1999. Même chose pour l’autre série ado de Judd Apatow, Undeclared, décapitée après 17 épisodes en 2001. Près de quinze ans plus tôt, la sans doute trop visionnaire britannique Max Headroom, critique hallucinée de la télévision, prenait la porte après seulement 14 volets.

Triste ironie du sort, certaines de ces œuvres ont atteint une notoriété largement supérieure à des séries diffusées des années durant. Ainsi, Firefly, western futuriste de Joss Whedon (Buffy), qui n’aura survécue que 14 épisodes en 2002, est un objet de culte chez les fans de SF et les geeks en tous genres, qui continu d’être soutenu dix ans après son annulation, qui bat des records de merchandising et qui a même eu droit à une déclinaison sur le grand écran en 2005. Celles qui n’ont pas cette reconnaissance, qui lentement s’enfoncent dans la pénombre de l’histoire télévisuelle, ont toujours leur petite base de fans. On les aime parce qu’on n’a pas eu le temps de s’en lasser, parce qu’on est sûr qu’elles étaient formidables et qu’on les a injustement sacrifiées (comme Studio 60 et The Tick par exemple), ou tout simplement parce que, comme Traveler, elles nous ont distraites un moment (Boomtown, Kidnapped, Swingtown…). Pour toutes ces raisons, elles ne seront pas mortes en vain.

Image de Une : Profit, Fox.

5 commentaires pour “Pas mort-nées pour rien”

  1. J’ajouterai également a cette liste Flashforward (je ne crois pas l’avoir vu). Après une saison la série s’arrête faute d’audience. Elle a très mal été programmée par son diffuseur américain qui l’a mise en frontal avec des programmes très regardes outre-atlantique. La série a même été tronquée avec seulement 22 épisodes au lieu des 24 prévus. Personnellement je suis déçu parce que j’y voyais un compromis parfait entre 24 pour l’action et lost pour l’inconnu.

  2. Que la série soit bonne ou moins bonne, la laisser sans fin digne de ce nom est tout de même un comportement assez discutable vis à vis des spectateurs.
    Mais le pire, ce sont les séries qui bénéficient de plusieurs saisons, mais qui sont annulées d’un coup et n’ont pas de conclusion digne de ce nom. L’une d’entre elle en particulier me vient à l’esprit : les 4400. Trois saisons, et aucune fin…

  3. Je me souviens de la diffusion de Profit sur Jimmy, il me semble. Quel plaisir d’entendre Jim s’adresser au spectateur et décrire scrupuleusement les pièges qu’ils tendait aux protagonistes. Avec en plus ce coté obscur qui n’a pu être exploré la pièce derrière l’aquarium de son luxueux appartement dans laquelle il se réfugiait pour dormir nu dans un carton. Je cheche désespérément le trailer de la série qui commence comme un documentaire animalier décrivant la férocité patiente d’une araignée qui tisse sa toile… jusqu’à ce que Jim Profit écrase lentement l’araignée de la pointe de sa chaussure de luxe et lançant à la caméra un glacial ” amateur”

  4. Profit, absolument indispensable !

  5. Dans les morts-nées il y avait aussi pou moi “Defying Gravity”… Sans imaginer un futur chef d’œuvre, j’aurai volontiers vu une saison 2.

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