Les politiques environnementales rendent-elles service à l’environnement ?

L’écologie n’est pas seulement une affaire d’environnement. L’environnement, au sens de la planète, souffre de quelques lacunes de la langue française, de la rhétorique politique. Aussi il est difficile de définir une telle notion. L’écologie peut être décrite comme la défense de la vie terrestre : minérale, végétale, animale et humaine. C’est cependant oublier le sens large de la notion, c’est-à-dire le domaine de réflexion qui prend pour objet « l’étude des interactions, et de leurs conséquences, entre les individus et les milieux qui les entourent et dont ils font eux-mêmes partie ».

La notion d’écosystème vient surplomber le tout car elle désigne l’ensemble formé par une association ou communauté d’êtres vivants et son environnement biologique, géologique, hydrologique, climatique, etc. Ainsi, lorsque l’on parle de déséquilibre des écosystèmes, on révèle  aussi un déséquilibre au sein de l’humanité et l’on ne peut corriger une partie de l’écosystème sans en régler une autre.

L’écologiste étudie les interactions entre individus et sur les différents écosystèmes. Seulement, le terme écologiste s’est vu attaché à des sens proprement politiques. Sens qu’un contributeur du Post.fr décrit ici avec cynisme :

« celle de militant – ou sympathisant – de parti politique utilisant des arguments environnementaux pour se faire élire, que celle d’adepte-pratiquant d’un mode de vie campagnard à tendance autarcique, que celle de zélateur purement verbal de ce même mode de vie roulant en SUV, que celle de bobo résolument urbain s’alimentant dans les magasins bio, que celle de nostalgique illuminé la civilisation préindustrielle, que celle d’amoureux transi des espaces verts, que celle de respectueux acharné du tri sélectif, et bien entendu que celle de spécialiste scientifique de l’écologie, sans qu’il soit objectivement établi que ces diverses catégories partagent la même vision fondamentale des rapports entre l’espèce humaine et sa mère nourricière. »

La préservation de l’environnement nécessite une connaissance des interactions et des impacts des activités humaines sur la planète. Le lancement du Grenelle de l’Environnement en France dès septembre 2007 a d’abord reçu toutes les approbations, avant de se voir critiqué pour son manque d’ambition concrète. Les politiques environnementales du Grenelle comme celles menées ailleurs qu’en France sont-elles une réponse à la protection de la nature ou ne sont-elles que séduction de l’électorat voire de solutions au renflouement de l’Etat ?

 

L’écologie politique : une réponse à la question de l’environnement ?

Le lien qui associe la politique à l’environnement est ténu. L’environnement nécessite pour sa protection d’obtenir une mise sur agenda politique afin d’obtenir acception populaire, financement, mise en œuvre et contrôle.

La mise sur l’agenda  est finalement un comble car elle lui nuit par la suite. On reproche souvent  aux politiques de l’environnement leur inadaptation à la situation, la prise de position au sein d’un conflit d’intérêt  sur l’exploitation d’une terre. L’Ouganda l’illustre. Son marais de Lutembe Bay est au cœur d’une confrontation entre écologistes d’une part, de promoteurs immobiliers et horticulteurs de l’autre. Les politiques de défense de cette zone humide perdent toute crédibilité en percevant les fonds de ceux qui agissent par ailleurs en détracteurs de la biodiversité. La Crane Bank finance les fermes horticoles qui assèchent le marais, mais elle est aussi un soutien du programme international Ramsar relatif aux zones humides. La politique de l’environnement induit des conflits éthiques.

A qui donner raison ? Répondre à cette question induit une notion de fond : la légitimité de défendre des intérêts. En matière d’environnement et de sa préservation, y a-t-il des acteurs plus légitimes que d’autres à la défense de l’environnement ?

L’intégration de l’écologiste François Tanguay au comité d’évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste au Québec démontre que l’écologie nécessite sa part de représentativité dans les processus de réflexion. M. Tanguay justifie sa présence « pour une raison: il y a de l’ouvrage à faire, il y a un besoin d’information sur le gaz de schiste ». Les branches politiques de l’Ecologie gagnent leur légitimité par leur extrême spécialisation dans le domaine. Elles ont les informations et ont conscience des impacts. Seulement, toute politique, aussi sectorisée qu’elle puisse être, exige une vue transversale de tous les intérêts existants sur un milieu ou une activité. La polémique de la représentativité de tous les acteurs sur la question du gaz de schiste en est l’illustration. La politique nuit à la poursuite de la protection de l’environnement car elle impose des compromis, justifiés par les interactions entre acteurs.  Or, le débat se joue très souvent aux dépens de la planète qui n’a pas les moyens suffisants pour se défendre…

 

L’environnement : enjeux d’influence ou nouvelle voie politique ?

La scène démocratique permet la multiplicité des acteurs. Le parti en est un des plus présents, visibles, potentiellement le plus à même de placer l’environnement au centre des décisions politiques. Or, le parti s’appréhende difficilement, il apparait moins comme une médiation entre le peuple et l’exercice du gouvernement que la déperdition du lien entre le peuple et le pouvoir. La problématique du parti est la condensation de ses rênes dans les mains de quelques-uns. Le pouvoir s’échange et circule dans une sphère restreinte. L’environnement est-il alors prétexte ou objectif de la politique ?

Le paysage politique laisse entrevoir une nouvelle voie, entre la droite et la gauche, l’écologisme. Le parti écologiste gagne en légitimité en s’émancipant de ces pendants socialistes, en dressant un projet de société, un projet économique. Quelle différence alors avec les programmes de préservation de l’environnement proposés par les autres voies politiques ?

On estime que les premiers mouvements écolo sont les cercles informels hippies post soixanthuitards, qui se formaliseront à leur entrée dans l’arène politique en 1974 avec la candidature de René Dumont, agronome proche des trotskistes, aux élections présidentielles. C’est le début de l’écologie politique dont les fondements sont, dès lors, doctrinaires : pour une agriculture non productiviste, anti-nucléaire, anti-mondialisation, antimilitariste et, globalement, anticapitaliste.

L’intégration de l’écologie à la sphère politique ne s’est pas faite sans sacrifice : l’écologie politique a ainsi créé ses propres forces de division et d’incohérence internes. Le départ de Nicolas Hulot du parti Europe Ecologie-Les Verts interroge : l’écologie est-elle devenue un tremplin politique ? M. Hulot est-il militant pour l’environnement ou tacticien politique ?

Déjà en 1974, la candidature de René Dumont a jeté le trouble dans les esprits des écolos pratiquants : le passage d’une démarche individuelle, que l’on pourrait voir comme la poursuite d’éco-gestes, à une action collective impliquant des engagements formels ; une allégeance à un parti politique.

 

Politique de l’environnement : une solution pour la planète ou solution électorale ?

Les politiques de l’environnement revendiquent leurs effets bénéfiques sur l’environnement. Elles agissent pour le bien mais témoignent souvent que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Elles se voient souvent critiquées leurs inadaptations à la situation environnementale véritable. Par exemple, les mesures prises par le gouvernement afin de répondre à la crise des algues vertes reçoivent le mécontentement du Nouveau Parti Anticapitaliste des Côtes d’Armor, qui y voit une « politique hypocrite qui pille l’environnement, fait disparaître des emplois dans l’agriculture et tue des êtres vivants ! ». L’inadaptation va même jusqu’à nuire aux recherches en énergie verte, le cas de la Grande Bretagne avait illustré cette situation au début de juin dernier, où la taxe carbone qui ponctionnait la recherche environnementale avait mis en difficulté les instituts de recherche incapables de la payer, et ce, menaçant la recherche et les emplois.

Aucune ligne sur l’environnement n’était rédigée dans l’autobiographie de Nicolas Sarkozy publiée en 2001, «  Libre ». L’UMP ne prenait pas compte de l’environnement pour charmer les électeurs. Mais à la suite de la pression de Nicolas Hulot, tous les candidats à la présidentielle ont signé le Pacte écologique en 2007. La ratification révèle une prise de conscience des candidats que l’électorat est sensible aux questions environnementales. Amour naissant pour la planète, les partis politiques en font un nouveau levier de campagne. Dans les suffrages, l’écologie politique restait encore loin de la victoire. Le parti Les Verts ne remporte que 1,57% des suffrages lors des présidentielles 2007, tandis que les autres défenseurs de la planète s’étaient associés à d’autres couleurs politiques : ainsi Cap 21 et le Mouvement écologiste indépendant soutenaient l’Union pour la démocratie française, tandis que José Bové concourait sans étiquette…

L’une des mesures phares du pacte écologique ainsi signé était la taxe carbone comme réponse au changement climatique. L’échec de la taxe réside dans l’idée même du Premier ministre François Fillon de fixer le prix de cette taxe autour de 14 euros la tonne. Ce prix dérisoire n’aurait cependant incité en rien tous industriels rationnels à réduire leurs émissions de CO2 et permettrait même à certains pollueurs de gagner de l’argent – chose que l’on avait pu observer à l’échelle européenne avec le European Union Emissions Trading Scheme au début des années 2000. En France, la taxe carbone a finalement été balayée en 2010, devant les critiques qu’elle suscitait.

La séduction de l’électorat passe par la prise en compte de l’environnement dans les analyses politiques car il est au cœur des préoccupations collectives. Et ce, tout en ménageant les préférences individuelles. Or l’agence de conseil en communication et en développement durable Comonlight a récemment révélé les résultats d’une enquête menée en avril et mai 2011 sur l’évolution des rapports des Français au « développement  durable » et dévoilé qu’ils « ne sont, en majorité, pas prêts à adopter des gestes éco citoyens. » L’échec des stratégies anti-carbone pourrait alors s’expliquer par le fait que le carbone « ne se voit pas », que les discours qui entourent le sujet sont trop scientifiques. Par conséquent, les arguments de lutte contre l’insaisissable problème – qu’ils proviennent du gouvernement ou des militants anti-carbone – ont été perçus comme pur dogmatisme.

D’autre part, les taxes environnementales souffrent d’une vision court-termiste entretenue par les différentes échéances électorales. Ces dernières poussent les politiques à agir en début de mandat et à passer à l’immobilisme pendant les campagnes afin de ne pas irriter de potentiels électeurs ni de donner de points d’avance à un adversaire vainqueur.

L’interaction des acteurs économiques, écologistes et politiques mène souvent à des compromis qui nuisent à la qualité de la politique initiée et témoignent d’un certain manque de volonté politique en faveur de l’environnement. Il semble impossible de trancher si oui ou non, les politiques de l’environnement sont efficaces, car comme dans tout domaine politique, elles sont soumises aux difficultés de mise en œuvre, de financement, d’application, de contrôle… à la différence près qu’elles sont bien plus importantes…

Tous les candidats aux élections présidentielles de 2012 auront de fermes positions en matière d’énergie et environnement, nous ne manquerons pas de publier une analyse comparée de leurs programmes à ce sujet !

 

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