Royaume Uni et Allemagne, précurseurs de l’exploitation du gaz de schiste en Europe ?

Profitant de la crise en Ukraine pour remettre la question de la sécurité énergétique sur la table, l’Allemagne a annoncé qu’elle allait autoriser l’exploitation du gaz de schiste d’ici 2015. De son côté, David Cameron, le premier ministre britannique a annoncé un projet de loi qui permettra aux compagnies pétrolières et gazières de forer sans permission préalable tandis qu’une étude des Services géologiques britanniques estime qu’il y a 4 milliards de barils de gaz de schiste dans le sud de la Grande Bretagne. Quels sont les enjeux de l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne et au Royaume Uni ?

Vers une exploitation du gaz de schiste en Allemagne dès 2015 ?

Contrairement à la France qui a fait passer une loi en 2011 interdisant la fracturation hydraulique et qui est opposée à la recherche, l’Allemagne essaie d’encadrer la fracturation hydraulique. Les débats y sont tout aussi intenses qu’en France avec un parti écologiste, « die Grünen », qui souhaiterait que soit interdit la fracturation hydraulique en Allemagne et des Landers qui ne veulent pas entendre parler de fracturation hydraulique sur leurs terres. Le gouvernement allemand a fait passer un moratoire sur le gaz de schiste en 2013. Ce moratoire a permis au gouvernement de déterminer que 14% du territoire allemand ne serait pas concerné par l’exploitation de gaz de schiste. Désormais l’Allemagne envisage de légiférer afin d’encadrer la fracturation hydraulique sur le plan environnemental, ce qui ne signifie pas une autorisation de l’exploitation du gaz de schiste stricto sensu même si c’est un grand pas dans cette direction.

L’exploration et l’exploitation du gaz de schiste en Allemagne permettra de faire face à deux défis : la dépendance énergétique et la compétitivité. En effet, les deux principaux fournisseurs d’énergie de l’Allemagne sont la Norvège et la Russie. Celle-ci fournit 43% de la consommation allemande. Les réserves sont estimées à 2300 milliards de mètres cubes de gaz, l’équivalent de trois décennies de consommation nationale. Les experts allemands attendent de savoir quel pourcentage pourra être exploité et si cela sera rentable.  On pourrait ainsi penser que l’exploration et l’exploitation de gaz de schiste réduirait la dépendance énergétique de l’Allemagne sans pour autant qu’elle atteigne le mythe de l’indépendance énergétique. Enfin, l’Allemagne veut retrouver de la compétitivité pour son industrie et elle compte sur le développement de cette activité qui devrait entrainer une relocalisation industrielle importante. De plus, les Etats-Unis bénéficient pour l’instant d’un avantage comparatif qui fait que le prix du gaz sur le marché européen est de deux à trois fois supérieur à celui du marché américain.

Le Royaume-Uni sur le modèle de la  « révolution du gaz de schiste » américain?

Une étude des Services géologiques britanniques estime qu’il y a aurait 4,4 milliards de barils  de réserves de gaz de schiste dans le sud et notamment dans  le Sussex, Hampshire, Surrey et Kent. Certains spécialistes britanniques en ont déduit en s’appuyant sur l’expérience américaine qu’il ne sera possible d’extraire que 4% des réserves en  gaz de schiste c’est-à-dire l’équivalent de 4 mois de consommation au Royaume-Uni. Cette étude vient renforcer le rapport du Comité des Affaires économiques de la Chambre des Lords affirmant que « l’exploitation du gaz de schiste permettrait de booster l’économie britannique ». Cependant la résistance de la société civile et des ONG grandit pour que soit instauré un moratoire voir une interdiction totale d’exploiter le gaz de schiste. D’après un sondage commandé par Greenpeace 66% des habitants du Sussex  seraient en faveur d’un moratoire sur le gaz de schiste et dans d’autres régions comme le Lancashire c’est par le biais de manifestation comme la campagne “Frack Free Lancashire” que la société civile se prononce contre l’exploitation du gaz de schiste.

 On observe que la France, si elle refuse toute perspective d’exploitation de gaz de schiste ou de recherche dur ce sujet, se montre favorable à l’idée d’importer du gaz de schiste venant de l’étranger, des Etats-Unis par exemple. Plus pragmatique, les Allemands ont décidé de mettre en place un moratoire qui leur a permis de définir quelles zones du territoire devaient être préservées de toute fracturation et va leur permettre de légiférer pour encadrer la fracturation hydraulique. Plus que jamais, la politique gazière européenne se décide à l’échelle nationale ce qui est défavorable à une politique gazière commune et cohérente européenne qui permettrait de faire face aux défis de la dépendance énergétique et de la transition énergétique.

Mickael Mehou-Loko

lire le billet