Buzz de la consommation coopérative : du “social washing”?

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Louer, partager, troquer son vélo, échanger son appartement, son espace de travail… la consommation collaborative a le vent en poupe. Inventé il y a une dizaine d’années au Etats-Unis, ce concept basé sur le partage a connu un réel essor grâce au développement des réseaux sociaux et plus généralement des communautés sur Internet, cette consommation d’un nouveau genre a même été citée par le Times Magazine comme l’une des dix idées qui vont changer le monde ! Vaste programme…

 

« Un jour, nous regarderons le XXème siècle et nous nous demanderons pourquoi nous possédions autant de choses » Bryan Walsh

Il est vrai que le concept a tout pour séduire, et encore plus particulièrement en cette période de disette. Parce que oui, si vous n’étiez pas encore au courant c’est la crise, la récession, le déploiement des politiques d’austérité et même la fin du monde planifiée en décembre 2012. Trêve de digression, revenons-en aux faits…

La consommation collaborative n’est peut-être pas encore une révolution, mais c’est déjà un phénomène. Dans l’ensemble, ce concept révèle une prise de conscience dans la façon de consommer et même une certaine suspicion à l’égard du système marchand classique. Bien loin de l’avènement de notre société de consommation « post Trente Glorieuses », l’heure est désormais au partage, à l’entraide, à la création de lien social. Les motivations hédoniques propres à l’individualisme croissant entrainé par le consumérisme laisse doucement place à une logique coopérative où l’ont fait désormais attention à « l’autre ». La nécessité de protéger l’environnement en utilisant moins de ressources naturelles et en diminuant les quantités de déchets produites expliquent également le succès rencontré par cette nouvelle forme de consommation, qui pourrait même être qualifiée de nouveau modèle économique : l’économie du partage.

Cette économie du partage a d’ailleurs été théorisée il y a un peu plus d’un an par Rachel Botsman, la fondatrice de ce mouvement, dans son livre «What’s mine is you’s : the rise of collaborative consumption ».

TEDtalks : Rachel Botsman, the case for collaborative consumption

 

Selon Antonin Léonard, le spécialiste français en la matière, le secteur du prêt entre particuliers a atteint la somme de 500 millions de $ en mai dernier aux Etats-Unis. Les startups du partage enchaînent les levées de fonds : 7 millions pour Thredup, site Internet de troc de vêtements et jouets pour enfants ou encore 1,2 million pour Gobble, société qui se rapproche de notre Super-Marmite qui permet de réserver et d’acheter des plats faits maison près de chez soi. D’après Neal Grenflo, fondateur et rédacteur en chef du magazine shareable, ce mouvement serait même bien plus qu’une simple tendance passagère : « les publications se multiplient, les consultants commencent à s’intéresser au phénomène, les politiques envisagent de nouvelles lois pour favoriser cette économie du partage, les startups font des levées de fonds impressionnante : tout converge pour nous faire dire qu’une nouvelle économie est vraiment en train d’émerger ».

Certes, les fondements de la consommation collaborative reposent sur des valeurs tout à fait honorables, orbitant autour du don et du partage mais en analysant plus en profondeur ce nouveau modèle économique, tout laisse croire qu’il pourrait bien se laisser pervertir par l’appât du gain et qu’il ne repose peut être pas uniquement sur une vision altruiste de notre consomm’acteur.

 

La désillusion ?

Un article particulièrement pertinent rédigé par Hubert Guillaud sur le site internetactu.net a été publié hier. Le rédacteur en chef met en avant le fait que la consommation collaborative est encore et avant tout de la consommation.

Soyons réalistes, la première motivation d’un consommateur collaborateur n’est pas de sauver la planète mais d’amoindrir l’impact de la crise sur ses finances personnelles ou de bénéficier d’un revenu complémentaire. La majorité des startups surfant sur la vague de cette nouvelle économie ont pour principal moteur la réalisation de bénéfices. Comme stipulé précédemment, le marché du partage représente désormais des millions d’euros, génère des résultats de plus en plus importants et semble en phase de devenir identique à tout autre marché. Il est même fort probable que d’ici quelques temps, une des nombreuses startups créées autour de la consommation collaborative fasse son entrée en Bourse. Inutile de préciser que nous nous éloignons grandement de la dimension sociale et écologique. Vu sous cet angle, ce modèle se rapproche dangereusement d’un « consumérisme collaboratif »…

Quand une société comme Super-marmite propose de vendre une part de repas supplémentaire, on vend la part du pauvre, celle qui a disparue avec l’urbanisation de nos sociétés et qui était gracieusement offerte à la soupe populaire.

Il convient alors de faire la distinction entre les services de consommation collaborative « gratuits » et ceux destinés à réaliser du bénéfice. « Il faut distinguer ce qui relève du don et ce qui relève d’une nouvelle forme de marchandisation de la société, s’insérant toujours un peu plus profondément au cœur des rapports humains. Offrir sa place de parking ou son garage n’est pas la même chose que le louer. Le risque est bien celui d’un blanchiment social, d’un social washing, tendant à faire passer pour social des choses qui ne le sont pas du tout » explique Hubert Guillaud.

 

Mais, tout de même

Il n’en reste pas moins que la majorité des startups de la consommation collaborative semblent faire preuve d’une certaine dimension contestataire à l’égard du consumérisme ambiant et de notre société capitaliste. Un grand nombre de projets collaboratifs gravitent autour d’une dimension sociale et solidaire.

Ressources et Environnement a publié hier un article traitant de «The People’s Supermarket ». Certes, la principale motivation des adhérents est de réaliser des économies mais l’objectif de cette enseigne alimentaire est non lucratif, l’intégralité des bénéfices générés étant ensuite réinjectée dans le fonctionnement du magasin .

La consommation collaborative pourrait donc à long terme permettre une meilleure efficience dans la consommation des ressources et favoriser des circuits économiques courts, donc moins polluants.

Un des principaux bénéfices de ce type de consommation réside dans la création de lien social entre les individus. Dans notre société actuelle où la relation humaine est de plus en plus fragmentée, cette économie du partage pourrait tout de même réinjecter confiance et optimisme. En cette période de grisaille conjoncturelle, la société en a grandement besoin.

 

Pour aller plus loin :

Le blog d’Antonin Léonard,  consocollaborative.com

L’article d’Hubert Guillaud sur internetactu.net

Le magazine shareable

 

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