Tout au long du cycle, de la récolte, en passant par le traitement, la livraison et la consommation, le gaspillage alimentaire est partout et qui plus est, colossal. La FAO estime ainsi qu’en Europe, le gaspillage total de nourriture s’élèverait à environ 280kg par personne et par an et que dans le monde, près d’un tiers des aliments produits sont perdus ou gaspillés.
Les aliments et boissons jetés, mais qui étaient avant d’être jetés, comestibles représentent 64 % des déchets alimentaires des ménages au Royaume-Uni.
Concernant la consommation, l’agence britannique, le WRAP a classé les déchets alimentaires des ménages en trois catégories :
Les déchets évitables (64%) : les aliments et boissons jetés, mais qui étaient avant d’être jetés, comestibles.
Les déchets potentiellement évitable (18%) : les aliments et boissons que certaines personnes mangent et d’autres non (croutes de pain) ou qui pourraient être mangées si la nourriture était préparée autrement.
Enfin les déchets inévitables (18%) : les déchets d’aliments ou de boissons qui ne sont pascomestibles dans des circonstances normales (os, coquilles d’œufs, peau d’ananas).
Mais comment expliquer le fait que nous jetions autant de nourriture ?
Un enjeu éthique
En 2010, c’est 925 millions d’individus au total qui souffrent de la faim selon la FAO. Une crise alimentaire qui ne saurait supporter un gaspillage considérable et non justifié. En France les restos du cœur, pour leur 27e campagne d’hiver en 2012, ont accueilli 900 000 personnes chaque jour et servi 115 millions de repas. Quelles sont les causes d’un tel gaspillage ? Comment expliquer qu’un tiers des aliments produits dans le monde soit perdu ou gaspillé ? Que se passe-t-il le long de la chaine, de la production à la consommation ? Prenons un exemple extrait d’un article paru sur Citazine de Sophie Guillemin :
C’est l’histoire d’une pomme de terre…
« Dans un champ, les pommes de terre sont ramassées par des machines. Ces appareils ne les collectent pas toutes, certaines restant dans la terre. Les pommes de terre récoltées sont stockées dans un hangar. Là, elles sont triées. Celles qui ne correspondent pas à la norme sortent du circuit de production. Les autres sont acheminées dans une usine de production de frites. Avant d’être transformées, elles sont une nouvelle fois triées, certaines seront ratées lors du découpage des frites… créant des pertes. Surgelées, les frites seront jetées en cas de rupture de la chaîne du froid. Dans le magasin, si la gestion des stocks n’est pas maîtrisée et que la date de péremption est dépassée, les sachets seront déversés dans une benne à ordures. Si le sachet de frites est acheté, les frites cuisinées, celles qui restent finiront, la plupart du temps, à la poubelle ».
Voici pour le cycle infernal où plusieurs causes apparaissent telles que les pratiques de la restauration, notamment collective où les quantités de nourriture, la gestion des stocks, l’organisation en cuisine centrale posent des problèmes de gaspillage très importants.
A l’échelle du consommateur, les causes sociologiques sont conséquentes avec une modification de l’organisation familiale et des rythmes de vie en général. Il y a aussi une méconnaissance réelle sur la conservation des aliments et une mauvaise gestion du réfrigérateur. De plus les pratiques commerciales comprenant les offres promotionnelles et la publicité à outrance encouragent l’acte d’achat et ne correspondent pas nécessairement aux besoins des foyers.
L’enjeu environnemental
France Nature Environnement dans un communiqué de presse, évoque le fait que « ce gaspillage a aussi des impacts très importants sur l’environnement car il s’accompagne d’un gaspillage inutile de ressources en plus des pollutions liées à la production de la nourriture et du traitement des déchets ».
« Pour sa production, cette nourriture nécessite des terres cultivées inutilement auxquelles il faut ajouter de multiples consommations de carburant, d’engrais et de biocides, sans oublier toute l’énergie nécessaire à son transport, sa transformation et sa distribution. Si l’on part du constat de la FAO que du champ à l’assiette, un tiers de la nourriture produite est jeté, c’est qu’alors 30% des terres et des intrants sont utilisés inutilement ».
Un repas = 3 kg de gaz à effet de serre.
Le cycle de vie de la nourriture d’un Français moyen représente environ 20% du total de ses émissions quotidiennes. Un repas = 3 kg de gaz à effet de serre.
Il faut 16 000 litres d’eau pour produire 1 kg de viande rouge
De manière générale, chaque aliment de base représente un certain volume d’eau consommé pour le produire, le transformer, le préparer, l’emballer etc. A titre d’exemple, il faut 1 000 litres d’eau pour produire 1 kg de farine et 16 000 litres d’eau pour produire 1 kg de viande rouge.
Enfin il faut savoir que ce gaspillage est d’autant plus inquiétant que les besoins en nourriture et par conséquent en eau risquent de doubler d’ici 2050.
Alors que faire ?
« Nous ne pouvons pas nous permettre de rester plus longtemps dans l’inaction, alors que des aliments sains et comestibles sont jetés à la poubelle » déclarait Salvatore Caronna, membre du groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen.
Une action qui passe d’abord par la prévention : « En Europe, les parlementaires préconisent la mise en place de cours d’éducation alimentaire à l’école et même en dehors, qui porteront sur les méthodes de conservation des denrées alimentaires et leur préparation. Dans ce but, les Eurodéputés ont demandé à ce que 2014 soit proclamée « Année européenne contre le gaspillage alimentaire ».
A l’échelle du consommateur, de nombreux conseils sont disponibles sur le site reduisonsnosdechets.com pour éviter le gaspillage alimentaire.
L’économie verte, la grande vedette du sommet de la Terre Rio+20, entraîne, selon le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement), “une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources“.
Cela signifie concrètement que l’action ne se résume pas à la prévention et que nos modèles de production et de consommation sont à revoir, et vite.
Sources : Réduisons nos déchets et France Nature Environnement
lire le billetLes OGM et nanotechnologies ont trente ans, et pourtant sur le plan du risque, ils font toujours figure de technologies émergentes. Pourquoi ?
Il faut savoir que 150 millions d’hectares d’OGM sont cultivés dans le monde (soja, mais, coton, colza, riz, pomme de terre…). Des centaines de produits (cosmétiques, peintures, plastiques…) qui incorporent des nanofibres ou des nanoparticules connaissent une diffusion massive.

Pourtant, en trente ans, l’expérience accumulée est encore insuffisante et les méthodes d’évaluation trop imprécises pour déterminer les dangers potentiels sur la santé humaine et l’environnement.
Les questions sont nombreuses, selon le journaliste Philippe Testard-Vaillant, auteur de l’article « Vers un monde plus dangereux » publié dans le hors-série de Science et Vie, « Un siècle de catastrophes technologiques » :
« Les gênes insérés dans les variétés cultivées, dont on sait qu’ils peuvent se répandre chez des espèces sauvages, y provoqueront-ils des résistances massives aux herbicides et aux insecticides ? Ces mêmes gènes peuvent-ils à long terme, avoir un impact sur la santé humaine ? Les nanoparticules, dont il a été montré en 2011 qu’elles peuvent franchir des barrières biologiques aussi inviolables que celle séparant cerveau et circulation sanguine, peuvent-elles provoquer des maladies ? »
La culture du risque
Pour l’instant, les réponses tardent à venir dans une société accoutumée à la culture du risque. Le risque se définit comme un danger éventuel, plus ou moins prévisible, inhérent à une situation, à une activité. Mais que recouvre exactement la notion de culture du risque ?
Selon le sociologue Anthony Giddens, la culture du risque est « un aspect fondamental de la modernité, par lequel la conscience des risques encourus devient un moyen de coloniser le futur ». Patrick Peretti-Watel précise « nous vivons dans une société qui n’est plus orientée vers le passé mais tournée vers le futur, dans laquelle l’individu a acquis une grande autonomie et se voit exhorté à prendre sa vie en main, en se projetant sans cesse dans l’avenir, pour rester attentif aux risques et aux opportunités qu’il recèle, et en s’appuyant pour cela sur des savoirs experts ».
Le risque est l’auxiliaire indispensable de l’innovation et du progrès. Les inventions de l’homme sont toujours plus ambitieuses mais les performances de sécurité suivent-elles pour autant le même rythme ? Le temps s’accélère, cinq cents milliers d’années ont séparé l’invention du feu de celle de l’arme à feu, mais six cents ans ont suffi pour passer de l’arme à feu au feu nucléaire.
Aujourd’hui rien ne permet d’infirmer ou d’affirmer que les OGM et les nanomatériaux constituent une menace sanitaire ou environnementale. L’inquiétude est légitime, d’autant qu’en France, les débats restent vifs.
Le principe de précaution, quels usages ?
Face au risque, on oppose le principe de précaution. En France, ce principe est inscrit dans la constitution. François Ewald, philosophe du risque, dans un article du Monde précise que « dans sa définition originelle, le principe de précaution est un principe de gestion environnementale (…). Il apparait en Allemagne à la fin des années 60 (« Vorsorgeprinzip »). Les Allemands vont le décliner selon trois dimensions : éviter les dangers immédiats, prévenir les risques de moyen terme et avoir une gestion optimale, à long terme, des ressources naturelles. Il va ensuite prospérer sur le plan international en devenant une figure imposée de tous les traités internationaux en matière d’environnement. Le premier acte important était le Sommet de la Terre de Rio en 1992 ».
Aujourd’hui, ce principe connait plusieurs usages et cela s’explique notamment par le fait que, selon François Ewald, « le principe de précaution est toujours lié à la défense d’un système de valeurs précis. (…) Une association écologiste qui se bat contre une société qui fabrique des OGM va surpondérer la protection de l’environnement face aux bénéfices potentiels d’un progrès technique. Nous sommes donc, en réalité, dans une bataille de valeurs. »
Confronté à l’alternative innovation et progrès versus risque, quelle est finalement l’impulsion donnée par le gouvernement français ? Et que souhaite la population ?

« Sans considération éthique, il n’y a pas de véritable progrès, que des avancées techniques »
Dans une lettre adressée aux candidats à la présidence de la République française de 2012, Alain Grimfeld, président du CCNE ( Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé), rappelle la mission qui est confiée au comité par la loi de 2011 relative à la bioéthique, « Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous la forme d’états généraux ». Selon un sondage effectué en décembre 2011 à la demande du CCNE, les Français se sont prononcés à plus de 70% en faveur d’une meilleure information sur les enjeux des progrès de la science dans les domaines de la vie et de la santé ».
Plus de transparence, certes, et surtout des débats publics car de la réflexion sur les enjeux éthiques dépend le choix de l’avenir réservé aux générations futures.
Etienne Klein, dans son article « les vacillements de l’idée de progrès » explique : « soit nous voyons en elle (la science), le lieu présumé et exclusif de la certitude, soit nous la condamnons au motif qu’associée à la technique elle serait responsable de tous les dangers que nous sentons poindre ».
Il conclut : « ni la science ni la négation de la science ne choisiront l’avenir à notre place. Reste le plus difficile : organiser le débat entre les experts et les citoyens ».